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S.E.M Gouverneur Richard Muyej

Pour assurer l’épanouissement des communautés, il est temps d’avoir un plan de développement agricole. Avec les entreprises minières, nous pensons à des parcs agricoles, dans chacun des cinq territoires. Nous sommes en train d’évaluer ce que coûtera le projet, et je crois que nous allons y aller progressivement.

Mining and Business : Excellence, merci de nous recevoir. On entend que Kolwezi est devenue le centre du monde à cause du cobalt. Quelle est votre stratégie en termes de retombées et de développement local ?

Richard Muyej : Oui, mais à mon avis, c’est conjoncturel. Il faudrait justement que nous puissions tirer profit de cette situation pour développer des secteurs qui feront réellement de nous, de manière permanente, le centre du monde. J’ai invité plusieurs experts du secteur touristique, nous avons visité l’un de nos territoires, Lubudi, et les avis sont unanimes ; Nous avons des sites merveilleux. Si nous réussissons à réaliser des voies d’accès, à créer des structures d’accueil, nous serons, et pour longtemps, le centre du monde. J’y crois fermement ! Je suis d’ailleurs en train de négocier avec les entreprises minières établies dans la province, pour qu’ils adhèrent au schéma.M&B : Il n’y a pas d’autres piliers de développement ?RM : Pour assurer l’épanouissement des communautés, il est temps d’avoir un plan de développement agricole. Avec les entreprises minières, nous pensons à des parcs agricoles, dans chacun des cinq territoires. Nous sommes en train d’évaluer ce que coûtera le projet, et je crois que nous allons y aller progressivement. Si nous réussissons dans les deux secteurs, on aura enfin, pris des distances vis-à-vis de la dépendance des mines.M&B : Qu’y a t’il en termes de développement industriel local, autre que les projets qu’on connaît déjà, d’ailleurs tous miniers ?RM: Jusque-là, c’est l’exploitation et la vente des cathodes, mais il y a encore trop de minerai comme le cobalt qui s’exporte en concentré. Nous recevons de plus en plus de groupes qui veulent aller jusqu’au bout dans la transformation. Nous sommes très heureux que cette idée vienne des grands investisseurs, et nous soutenons tous ceux qui arrivent avec de telles idées. Cela va nous permettre de résoudre énormément de choses, de maîtriser la traçabilité, parce que nous sommes la cible de critiques. J’estime qu’on a beaucoup parlé du Congo en mal. A chaque fois qu’il y a des progrès, je ne sens pas d’efforts pour nous rendre justice. C’est vrai, il y a encore énormément de déficits chez nous, malgré les actions du Chef de l’État. Avec ceux qui croient dans les minerais congolais, il est important que nous travaillions ensemble, pour accélérer le processus d’assainissement. En ce moment-là, nous éviterons les critiques et chacun sera à l’aise dans son rôle.M&B : Sans transition, question plus personnelle : Comment un ancien ministre de l’intérieur décide de revenir chez lui dans sa province ? Comment cela s’est passé ?RM: Oui, j’ai été longtemps ministre de l’Intérieur, pendant une période particulière sur le plan sécuritaire car je devais accompagner le Chef de l’État pour mettre fin à la guerre du M23. Dès ma nomination, je suis parti ? Et quand, à la fin de mon mandat, j’ai fait la sommation des jours de mission, je me suis rendu compte que je suis resté en dehors de la capitale les trois quarts du temps. C’était passionnant comme expérience et je me suis senti adopté dans différentes provinces. C’était aussi la période où je devais vulgariser la décentralisation, surtout dans son contexte délicat du démembrement. Je me rappelle qu’au Katanga, le débat était très chaud. Les dirigeants de l’époque ne voulaient pas en entendre parler. Aujourd’hui, on se rend compte qu’ils avaient d’autres idées, ils voulaient avoir un état-major pour la campagne présidentielle. Mais finalement, les communautés le disent : il fallait absolument découper pour accélérer le processus de développement. Beaucoup de gens disent que l’expérience comme animateur m’a permis d’être aguerri et répondre aux attentes des populations. Je ne voudrais pas faire mon bilan, mais j’ai l’impression qu’au Lualaba ou à l’avènement d’autres nouvelles provinces, il y a eu énormément de débats qui se sont transformés en choc intercommunautaire. Aujourd’hui l’adhésion est plus forte et quand vous lancez le débat pour retourner dans l’ancienne formule d’un seul Katanga, il n’y a personne qui vous suit.M&B : Le bruit court dans la ville à Kolwezi que la vieille ville serait déménagée, pour creuser et pour trouver du cobalt. Qu’en est-il exactement ?RM: Est-ce qu’il faut parler de bruit ? Je crois que c’est une réalité à laquelle on doit sérieusement réfléchir. Quand dans certains quartiers les gens creusent, trouvent du cobalt ou du cuivre, parfois à très haute teneur… L’effet de contagion s’est produit dans deux quartiers, le quartier appelé « Kasulu » et le quartier « Tshipuki » et aussi vers Musonoï qui est la plus grande cité Gécamines. L’extension du phénomène est tellement forte, qu’il faut un plan, de manière à éviter des mouvements précipités qui risquent de se transformer en drame humanitaire. Nous avons fait un projet que nous allons soumettre à l’appréciation de l’autorité. Dès que nous avons le quitus, nous allons y aller. Imaginez-vous que même dans le quartier des cadres, moi-même je suis un ancien agent Gécamines, dans trois ou quatre parcelles, ils ont trouvé des minerais. Il faut prévoir un programme d’indemnisation, et surtout, un programme de délocalisation, nous sommes en train de chercher des sites. Il faut construire d’abord de nouvelles cités avec un programme d’urbanisation, avant de penser à délocaliser. Mais nous y pensons sérieusement, ce n’est pas une rumeur, c’est une réalité à laquelle nous faisons face.M&B : On parlait tout à l’heure de « local content ». Que pourriez-vous faire pour attirer les cadres congolais dont vous allez avoir besoin pour l’avenir ?RM: Il en faut absolument… (Soupirs). Nous avons des défis, il faut réduire le paradoxe entre d’une part l’immense richesse, et d’autre part la précarité énorme dans la cité. Nous sommes heureux d’avoir été servis par la nouvelle loi sur la sous-traitance, même si nous sentons une certaine résistance des opérateurs miniers. Mais c’est une erreur, parce que pour mieux protéger leurs investissements, ils ont tout intérêt à susciter l’adhésion des communautés. La prospérité, il faut qu’elle soit partagée. Quand elle est figée dans un camp, elle devient source d’agitation, parce qu’elle est à la base de frustrations. Et à ce moment-là, la perturbation devient un danger pour les investissements. Il est très gênant que même pour les travaux simples, on fasse venir des ouvriers expatriés. Alors que nous avons des écoles professionnelles, dont la qualité s’améliore. Nous voulons qu’on privilégie les compétences congolaises. Il faut absolument l’implication de l’expertise congolaise, et nous sommes en pourparlers avec des grandes sociétés qui peuvent nous aider dans le financement des grands instituts de professionnalisation. En ce qui concerne la participation active des sociétés congolaises, nous avons incité la FEC, à recourir à des structures expérimentées, pour la formation des cadres.M&B : J’ai entendu que lorsqu’on passait le pont pour aller sur Kolwezi, on arrivait à Chinatown ! Beaucoup de Congolais disent « il y a trop de Chinois ». On a atteint une sorte de saturation ?RM: Nous constatons qu’il y a beaucoup d’étrangers qui viennent, et les Chinois sont les plus nombreux. Nous sommes ouverts à toutes les communautés et nous serons très gênés de parler de quota. Mais nous avons tout simplement constaté qu’apparemment les finances, c’est de ce côté-là qu’il faut les chercher. Même dans les sociétés où les capitaux occidentaux étaient forts, il y a une tendance à céder aux Chinois. Je pense à TFM, à KAMOA, qui est le plus grand projet d’ici trois, quatre ans. Les Chinois ne se limitent pas aux mines, ils commencent à s’intéresser à l’énergie, et nous risquons d’ici peu de nous rendre compte qu’ils ont tout pris. Nous devons veiller, à maintenir certains équilibres. Tout en ne nous opposant pas, à l’arrivée des investisseurs, mais nous devons tout faire pour protéger l’émancipation de nos communautés et l’émergence de la classe moyenne congolaise.M&B : Nous étions à Cape town, pour Mining Indaba, et nous avons remarqué la façon dont vous mettiez en avant votre province. Vous ne vous arrêtez pas là, et vous continuez avec un évènement en septembre. Vous pourriez nous en parler ?RM: Nous allons continuer et pas seulement dans les mines. Nous serons partout là où il y a de grands rendez-vous parce que nous estimons que le Lualaba a suffisamment d’atouts, pour faire des bonds plus importants que d’autres provinces, mais tout en tenant compte des autres. Par exemple, nous avons un projet de route reliant le Haut Lomami au Lualaba, parce que nous sommes intéressés par les réserves de charbon de Luena, à 225Km de Kolwezi. Nous sommes aussi intéressés par la production agricole du Haut Lomami. Je serai très à l’aise d’amener le maïs du Haut Lomami, plutôt que de continuer à importer de Zambie ou d’Afrique du Sud. Nous sommes en train de remplacer un bac par un pont sur le Lualaba, pour que le contact entre les deux provinces se fasse de manière plus aisée. Nous allons financer, mais nous travaillons en symbiose avec l’autre province. Il faut que les atouts du Lualaba puissent profiter à d’autres provinces. Donc, oui nous avons un grand rendez-vous au mois de septembre. Cela sera l’occasion de démontrer que l’industrie minière est en plein épanouissement chez nous, mais aussi que les autochtones avec l’exploitation artisanale peuvent réussir des grandes choses. Je suis en train d’organiser tous ceux qui sont dans l’art, pour qu’il y ait un grand stand d’exposition d’œuvres d’art de malachite. Nous allons aussi déplacer les villageois de Walemba, à 35Kmde Kolwezi, pour que nos visiteurs vivent la fabrique des croisettes coulée avec des métaux traditionnels. Nous apporterons aussi dans un stand, à Kolwezi, une Tesla, pour que les enfants du Cobalt, voient ce que peut amener dans la haute technologie, les produits sortis de leurs sous-sols.M&B : Ce sera à quelle date ?RM: Du 5 au 8 septembre 2018, sous la présidence du chef de l’État lui-même.M&B : Toutes les sociétés minières présentes à Kolwezi seront là ?RM: Toutes les sociétés minières vont exposer. Nous attendons aussi de grands investisseurs et ceux qui ont l’idée d’investir chez nous. Mais à la différence des journées minières ailleurs, nous aurons un stand, où nous ferons nos projections sur le tourisme et l’agriculture. Et dans notre présentation nous allons démontrer comment à partir des mines, on peut développer d’autres secteurs, pour délier les communautés de la dépendance du sous-sol.M&B : Et l’évènement est directement organisé par la province ?RM: Non, c’est organisé par le Ministère national des Mines, mais c’est la province qui fait l’essentiel.M&B : Je vous remercie.

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Étienne GIROS, Président délégué du CIAN