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Le « J’accuse ! » d’Albert Yuma, PCA de la Gécamines

« Il en aura fallu du temps ! », comme l’ont fait remarquer les journalistes présents à la conférence de presse organisée par la Gécamines, pour que la direction réagisse aux accusations de détournements de fonds lancées par quelques ONG internationales présentes en RDC. Mais, au moins, c’est fait ! Et bien fait, d’ailleurs.

C’est devant tout ce que la RDC compte d’acteurs du secteur, ministre des Mines, du Portefeuille, de l’Industrie, Présidents des deux Chambres, et un parterre de journalistes rarement vu à Kinshasa, parmi lesquels la « star » Colette Braekman, que la Gécamines a répondue aux accusations du Carter Center notamment, le 28 novembre dernier, au Grand Hôtel Pullmann de Kinshasa. 

Il faut dire que le thème de la conférence : « La vérité sur le mensonge des ONG » ne manquait pas d’attrait. 

Représentée par son Conseil d’Administration et son Directoire, rangé comme un seul homme derrière le PCA Albert Yuma, et mis en scène avec un professionnalisme rarement égalé (deux écrans géants, rapport édité en version « glossy » et remis à chacun des 250 participants, accueil cinq étoiles…), l’entreprise fleuron de l’industrie minière Congolaise a mis, accusation par accusation, les points sur les « i » et prouvé méthodiquement le caractère diffamatoire des rapports des ONG internationales .  

Pour être plus précis, les intervenants ont su, ligne budgétaire par ligne budgétaire, et sous couvert des déclarations faites à l’ITIE ces dernières années, démonter point par point les accusations des principales ONG étrangères, dont certaines évoquent jusqu’à 750 millions de détournements et un manque à gagner de plusieurs milliards pour l’État congolais, propriétaire de la Gécamines. 

Suite à cette démonstration de deux heures basée sur des éléments factuels et comptables, il ressort clairement que les analystes financiers des dites ONG internationales ont mal interprété les rapports et ont fait un mélange plus que hasardeux de ce qu’ils lisaient dans la presse avec des lignes comptables souvent incomprises. On notera par exemple le fait qu’ils n’ont pas remarqué que certains paiements importants avaient été faits sur deux exercices budgétaires et dénoncé l’absence de plusieurs dizaines de millions alors que ceux-ci apparaissent clairement dans l’exercice de l’année suivante. Ou bien encore qu’ils avaient confondu des lignes de prêts avec des recettes. Bref, le fait est que les 750 millions soi-disant manquants qui ont fait les choux gras de la presse nationale et internationale ont été, million par million, dûment resitués, preuves à l’appui, dans les bilans de la GCM. Dédouanant ainsi son Conseil d’administration de tout détournement ou abus de biens sociaux.  

Au-delà de cette démonstration très convaincante, plusieurs questions soumises à la salle par le Président Albert Yuma lors d’un discours enflammé aux accents victimaires se posent en effet. Parmi celles-ci, nous en retiendrons deux en particulier. 

La première interroge le double jeu de certaines de ces ONG. Largement subventionnées,ne sont-elles pas à la solde d’intérêts étrangers ? Et, sous couvert du bouclier de contre-pouvoir indépendant qu’elles brandissent, ne sont-elles pas les chevaux de Troie pour l’intérêt de l’économie occidentale? 

Le débat n’est pas nouveau. Mais contrairement à ce qu’affirme Monsieur Yuma, il est toutefois loin d’être spécifique à la RDC et nous semble encore moins lié à un profond mépris de l’Homme noir. Les Russes, les Vénézuéliens, et les Chinois en savent quelque chose.

Toutefois, lorsque lesdits rapports sont non seulement repris par les media nationaux, puis internationaux puis par les représentants du Congrès américain, sans même avoir reçu le quitus d’experts indépendants en comptabilité ou en gestion minière, et sans qu’un droit de réponse aux intéressés ait été proposé, il y a de quoi s’alarmer. Nonobstant, il est plus qu’inquiétant qu’en passant du conditionnel, dont la plupart des articles abusent, au présent de l’indicatif, les mêmes presses et Congrès américain soient passés d’un : « La direction de la GCM aurait détourné… » à : « Détournements à la Gécamines : les preuves apportées par le rapport… ».     

Par ailleurs, ni les ONG ni la presse accusatrice ne semblent en mesure de fournir les fac-similés de preuves, de contrats, de bilans comptables, susceptibles de prouver leurs allégations. Et, là ! Soyons clairs, cela tombe de facto, comme l’a rappelé le Président Yuma, sous le coup de la Justice.  

Dès lors, faut-il interroger le lien entre certains intérêts occidentaux et des ONG, dont chacun pourra admettre qu’elles sont finalement dans leur rôle, ne fût-ce que par le modèle économique et démocratique dont elles sont le fruit ? Et surtout, faut-il passer en mode « grand complot international contre la RDC » ? Peut-être, mais c’est un peu éculé. 

De plus, si l’on constate, c’est vrai, de sérieux dérapages et un manque avéré d’expertise sur certains sujets, dont, entre autres, celui de la Gécamines, on ne doit pas non plus oublier le rôle primordial de lanceurs d’alerte qu’ont les mêmes ONG sur de nombreux chapitres, et notamment sur les agissements de certaines multinationales sur notre territoire.  

Par contre, on s’accordera à penser que la problématique tombe bien plus sur la presse, et du rôle décisif qu’elle joue dans cette affaire. Là encore, vaste débat qui est loin d’être spécifique à la RDC. 

Les liaisons dangereuses qui caractérisent la relation entre presse et pouvoir ne sont évidemment pas l’apanage de notre pays. Il n’en reste pas moins que le patriotisme économique devrait a minima exiger que la presse locale vérifie beaucoup plus sérieusement ses dires avant publication sur des sujets aussi délicats, et pouvant porter atteinte à ce point à l’image pays. Et cette conférence aura eu l’immense mérite de le rappeler vertement à toute la profession.   

En conclusion, après des années d’une communication dite de la « tête dans le sable », particulièrement inadaptée aux enjeux, la Gécamines a compris et bien compris ce qu’est la communication de crise. Elle s’est, comme toutes les grandes sociétés minières en RDCongo ou dans le monde, dotée d’un pool compétent d’experts en la matière. Capables de faire voler en éclats les idées reçues. Ces communicants, jeunes, connectés au monde d’aujourd’hui et maîtrisant les mécaniques médiatiques, savent les déconstruire, c’est leur job. Espérons que la démarche inspire d’autres entreprises du Portefeuille… Car il en va de la crédibilité et de l’image pays à l’étranger.

PS Autosatisfecit. Nos lecteurs se souviendront que Mining and Business a proposé ce droit de réponse au Président Albert Yuma lors d’un grand interview (M&B19). Nous espérons avoir ainsi marqué notre attachement à une presse au sein de laquelle chacun peut s’exprimer, sans a priori partisan.

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