Décloisonner l’histoire
S’inspirant de la notion de « décloisonnement » du philosophe Achille Mbembe (Écrire l’Afrique-Monde, 2017), la Biennale déplie la ligne équatoriale pour faire s’écrouler les paradigmes de centre et de périphérie, de « Nord » contre « Sud. » Comme l’a dit sans ambiguïté le penseur camerounais, « il n’y a pas une partie du monde dont l’histoire n’ait une dimension africaine, tout comme il n’y a une histoire africaine que comme partie intégrante de l’histoire du monde. » Cette édition de la Biennale s’efforce de cartographier ces liens et retracer ces généalogies d’une manière nouvelle. A l’heure où la restitution des œuvres d’art africain pillées est devenue une question géopolitique brûlante, et alors que les institutions muséales du monde entier sont appelées à procéder à leur « décolonisation, » l’art et l’image sont au cœur d’un changement dans la dynamique globale. La Biennale souhaite profiter de ce moment pour produire de nouveaux récits du passé et ré-imaginer une pluralité d’avenirs.
Sandrine Colard, directrice artistique de la 6ème édition de la Biennale de Lubumbashi
Docteure en histoire de l’art africain moderne et contemporain et enseignante à l’Université de Rutgers aux États-Unis, Sandrine Colard a poursuivi des recherches sur l’histoire de la photographie en République Démocratique du Congo. Elle s’intéresse notamment aux photos d’archives familiales de la période coloniale à la période post-indépendance. Pour la Biennale de Lubumbashi, elle propose de revisiter les usages locaux de la photographie au Congo, tant par la propagande coloniale que par les praticiens africains de l’époque. A partir de photos de familles congolaises, l’intégration des archives privées dans la réinterprétation du passé colonial du Congo permet de renverser et de remodeler les récits historiques dominants. Par opposition à la situation contemporaine qui voit encore trop souvent l’Occident détenir l’exclusivité du commentaire sur le passé colonial, cette exposition se veut un rapatriement de la discussion sur les régimes visuels coloniaux vers les communautés civiles et artistiques du Congo.
Du 24 octobre au 24 novembre 2019