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La ceinture cuprifère (Copperbelt) paye le plus lourd tribut du ralentissement économique de la Chine

De l’Australie au Chili, en passant par l’Indonésie et la Copperbelt, le ralentissement économique abrupt en Chine se fait durement sentir, par une chute des prix des matières premières, la fermeture de mines et le chômage élevé qui en découle.

Alors que les préoccupations concernant le ralentissement économique du géant asiatique continuent de déclencher une vague de turbulences sur le marché émergent, la Zambie et le Congo se retrouvent au cœur de la tourmente.

Depuis des années, ces deux pays étaient, sur le continent africain, les principaux bénéficiaires de l’expansion économique fulgurante de la Chine. Le cuivre étant leur principal produit exporté, l’appétit de Beijing pour les minéraux a permis aux nations de bénéficier d’une décennie de boum économique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Bien qu’elles se trouvent à 6 300 miles des usines du sud de la Chine, leurs économies sont les plus durement touchées.

La devise de la Zambie, le kwacha, a connu une baisse de 53 pour cent par rapport au dollar cette année, ce qui fait d’elle la moins performante des 155 devises surveillées par Bloomberg à l’échelle mondiale. Une devise faible attise l’inflation. Ainsi, la banque centrale de la Zambie a élevé son taux d’intérêt de référence à 15,5 pour cent — ce qui entravera probablement davantage l’économie déjà déclinante.

Deuxième plus grand producteur de cuivre en Afrique, le pays dépend du métal rouge, qui représente environ 70 pour cent de ses recettes en devises et 25 à 30 pour cent des revenus du gouvernement.

Mais les perspectives sont sombres, particulièrement depuis que Glencore, une société anglo-suisse spécialisée dans les matières premières et l’un des principaux employeurs de Zambie, a annoncé la suppression de 4 000 emplois à la mine de cuivre de Mopani. La mine de cuivre de Konkola a déjà supprimé 150 emplois, et plus de suppressions sont prévues.

Un autre investisseur, la société chinoise CNMC Limited, a suspendu ses activités à la mine de Baluba à Luanshya, supprimant 1 600 emplois. Comme on pouvait s’y attendre, la société a invoqué la chute des prix du cuivre pour justifier cette mesure radicale.

La Zambie souffre également de problèmes internes, comme un endettement élevé et des déficits dans les dépenses publiques, ce qui a amené le service des investisseurs de Moody à New York à réduire la cote de crédit du pays en septembre. Bien que la Zambie ne puisse pas changer le climat économique mondial, les experts affirment que le gouvernement devrait limiter ses dépenses et se focaliser sur des programmes de diversification à long terme pour renforcer la confiance des investisseurs étrangers.

La situation du pays met en relief la vulnérabilité des nations africaines qui dépendent des ressources naturelles face aux fortunes de Chine. Le moment ne pouvait pas plus mal tomber pour la Zambie, du fait que ces turbulences surviennent parallèlement à d’énormes pénuries en électricité et à l’incertitude politique avant les élections de l’année prochaine — les deuxièmes dans le pays en 18 mois.

La débâcle au Congo

La République démocratique du Congo, le plus grand producteur de cuivre d’Afrique, a connu une débâcle similaire, voire pire.

Les chiffres publiés récemment par la Chambre des Mines du pays indiquent que la production a chuté de 8,2 pour cent en glissement annuel au troisième trimestre, du fait de la faiblesse des prix des métaux et des pénuries en électricité.

Ces dernières ont forcé les exploitants congolais à recourir à des importations onéreuses provenant de la Zambie voisine, qui elle-même a été frappée par des problèmes d’électricité, ou à l’utilisation de générateurs, qui sont encore plus coûteux.Bien que la production nationale ait dépassé 1 million de tonnes pour la première fois de toute l’histoire du pays en 2014, la Chambre prévoit que, cette année, ce chiffre diminuera de cinq pour cent, pour atteindre environ 980 000 tonnes.

L’unité d’exploitation minière de Glencore au Katanga a suspendu la production de cuivre et de cobalt dans l’une de ses mines en septembre, pour 18 mois. Là encore, le géant minier a invoqué la faiblesse des prix du cuivre et la nécessité de réduire les frais d’exploitation pour justifier une telle décision.

Selon les estimations officielles, cette suspension coûtera au Trésor public environ 200 milliards de francs en perte de revenus l’an prochain, car la mine avait assumé environ 15 pour cent de la production de cuivre au Congo l’an dernier.

Un mal nécessaire ?

Certains avancent que la perte soudaine et progressive d’un acheteur étranger de métaux majeur, à savoir la Chine, suscitera la prise de conscience dont l’Afrique a besoin. Selon eux, une introspection serait bénéfique pour le continent, car sa population de plus d’un milliard d’habitants constitue un vaste marché capable de constituer un moteur de croissance puissant.

Jusqu’ici, plusieurs blocages ont empêché les pays d’Afrique de prendre véritablement leur essor.

Des mesures d’intégration régionale et d’élimination des obstacles qui entravent le commerce à l’intérieur du continent devraient être mises en œuvre en vue de créer des économies durablement diversifiées qui ne seront pas, comme aujourd’hui, à la merci des caprices de la dépendance à l’égard d’un partenaire commercial majeur.

Les données récentes indiquent que le commerce intra-africain représente 12 % à peine de la totalité des échanges commerciaux des pays. En comparaison, 60 % des échanges commerciaux en Europe sont conclus entre pays européens, et c’est également le cas en Asie, et même en Amérique du Nord. Les échanges commerciaux intra-africains seraient une formidable occasion qui permettrait à la majorité des pays d’Afrique de procéder aux changements structurels nécessaires dans le cadre d’une approche ciblée en vue de créer des économies plus diverses.

Ces réformes sont nécessaires pour garantir que l’évolution de la croissance de l’Afrique progresse sans entraves, compte tenu de sa croissance rapide et de sa population jeune.

Toutefois, pour l’heure, alors que l’économie chinoise poursuit sa descente brutale, les turbulences qui en découlent en Afrique, notamment dans la Copperbelt, continuent à se faire sentir du fait que ces nations sont très dépendantes aux échanges commerciaux avec la Chine. En Chine, un pays qui représente plus de 40 pour cent de la consommation mondiale de métaux, il est probable que la situation s’aggravera davantage avant de s’améliorer, bien que Beijing soutienne que le pire est passé.

Cependant, les prix du cuivre poursuivent leur déclin. Ils ont dégringolé de 27 % cette année dès les premiers signes de ralentissement de la croissance économique en Chine, le plus gros acheteur de cuivre au monde. Début novembre, les prix des métaux ont chuté à moins de 4 600 $ par tonne, la valeur la plus basse en six ans, du fait de crainte d’un redoublement du ralentissement économique en Chine.

Entre-temps, le Groupe d’étude international du cuivre, une association industrielle, a déclaré que le marché du cuivre avait atteint un niveau d’offre excédentaire de 81 000 tonnes métriques en août, et un excédent de 69 000 tonnes métriques pour la période de janvier à août.

En plus de ces prévisions, un producteur de cuivre chinois a indiqué ce mois-ci qu’il prévoyait une nouvelle capacité de 200 000 tonnes dans la province du Shandong, ce qui illustre les conflits possibles entre la politique de Beijing en matière de protection des emplois et du secteur manufacturier et les efforts déployés par les producteurs comme Glencore et Freeport McMoRan Inc. pour réduire la production et éroder l’excédent.

 

Les répercussions du ralentissement économique de la Chine

Le ralentissement économique récent de la Chine a fait plusieurs victimes à l’échelle mondiale. En voici quelques-unes :

Australie

Dans la ville minière australienne de Port Hedland, à 1 500 km au nord de Perth, de modestes maisons préfabriquées, surnommées des « cabanes en fibrociment », qui se vendaient à plus de 1 million de dollars AU il y a quatre ans, ne trouvent pas d’acheteur aujourd’hui, à un tiers du prix.

Ce phénomène découle de la chute des prix du minerai de fer à des niveaux historiques, passant d’un niveau de crête de 185 $ par tonne métrique en 2011 à moins de 60 $. Et l’Australie produit un tiers du minerai de fer dans le monde.

Le taux de chômage de la nation, à 6,2 pour cent, dépasse de loin celui de 5 pour cent aux États-Unis. En outre, le dollar australien a chuté de 14 pour cent par rapport au dollar américain cette année.

Canada

Les chiffres officiels publiés en septembre indiquaient que l’économie canadienne était entrée en récession, ayant enregistré deux trimestres successifs de croissance négative.

Comme en Australie, les exportations de ressources naturelles du Canada – y compris le pétrole et le minerai de fer – vers la Chine ont chuté cette année.

Indonésie

Les exportations de l’Indonésie vers la Chine, principalement du charbon et du cuivre, avaient chuté de 21 pour cent en septembre, forçant plus de 120 sociétés locales d’extraction de charbon à cesser leurs activités, ce qui a mis 5 000 mineurs au chômage.

Le FMI prévoit que l’économie de l’Indonésie enregistrera cette année sa croissance la plus faible depuis 2002 — à peine 4,7 pour cent.

Chili

Avec la Zambie, la nation d’Amérique du Sud a été la plus affectée par les problèmes en Chine. Bien qu’il soit le plus grand producteur de cuivre au monde, le Chili a enregistré une croissance économique de 1,9 pour cent seulement l’an dernier, son taux le plus faible depuis 2009. Compte tenu de la diminution de la demande de la Chine, le prix du cuivre a connu une chute brutale — atteignant 2,25 $ par livre, son niveau le plus bas en six ans. La société minière d’État Codelco a réduit ou reporté ses projets, y compris l’expansion de sa mine principale d’Andina ainsi qu’un plan visant à transformer la plus grande mine à ciel ouvert au monde en une exploitation souterraine.

Les sociétés minières étrangères suppriment des emplois. En septembre, la société Freeport-McMoran basée aux États-Unis a supprimé plus de 640 emplois dans sa mine de cuivre d’El Abra dans le nord du Chili.

Texte : Evelyn Murray

Article publié dans Mining and Business n°4 – Janvier/Février 2016

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