Une étude publiée en octobre prévoit que la production de cobalt, le métal blanc utilisé dans les piles au lithium qui alimentent tous les types d’appareils, depuis les téléphones intelligents jusqu’aux voitures électriques, augmentera en RDC grâce à la faiblesse des coûts d’exploitation du pays et à son solide portefeuille de projets.
Les analystes de BMI Research, une division de Fitch Group, estiment que la production de cobalt en RDC connaîtra une envolée, passant de 66 200 tonnes prévues pour cette année à 78 900 tonnes d’ici 2020, soit une croissance annuelle moyenne de 4,6 %.La RDC, le plus grand producteur de cuivre en Afrique, constitue également la plus vaste source de cobalt au monde.
L’an dernier, les volumes de cobalt produits par le pays représentaient un peu plus de la moitié de la production totale de ce métal blanc, qui est souvent exploité en tant que sous-produit du cuivre.Toutefois, les conditions de production de cobalt en RDC ne sont pas toujours optimales et, en réalité, le pays occupe la quatrième place au monde en matière d’esclavage moderne – principalement dans son secteur minier – selon un index établi par le groupe d’experts conseils en gestion des risques Verisk Maplecroft.
Les mineurs, dont beaucoup sont des enfants, travaillent dans des conditions difficiles et dangereuses. On estime que 100 000 mineurs de cobalt au Congo utilisent des outils à main pour creuser le sol jusqu’à plusieurs centaines de mètres sous terre, avec peu de supervision et des mesures de sécurité très précaires.
C’est notamment le cas des mineurs dits « exploitants miniers artisanaux », qui ne travaillent pas directement pour une société, mais qui gagnent leur vie en descendant dans des puits à proximité des sites des sociétés, souvent pieds nus et sans équipement de sécurité.
Le rapport de BMI reconnaît que les risques opérationnels et politiques auxquels sont exposés les mineurs en RDC pourraient déboucher sur des perturbations opérationnelles et ralentir la production. Parmi les principaux risques de baisse par rapport aux perspectives positives des experts concernant la production de cobalt dans le pays figurent les activités menées actuellement par des groupes rebelles, l’incertitude quant à la réforme du Code minier au Congo et les réglementations plus strictes aux États-Unis concernant les minéraux qui alimentent les conflits.
Contestation du Code
Dans le même temps, les militants continuent à faire pression sur le Gouvernement de la RDC pour qu’il finalise la révision tant attendue du Code minier, car ils pensent que cela permettrait d’augmenter les recettes de l’État et de renforcer les réglementations environnementaleset sociales.La révision du Code minier de la RDC a démarré 2012 et, l’an dernier, la nation a proposé d’augmenter de 30 à 35 % le taux d’imposition sur les bénéfices, d’accroître de 5 à 10 % la part gratuite de l’État dans les nouveaux projets miniers du pays, et de faire passer de 2 à 3,5 % le taux des redevances sur les revenus issus du cuivre et du cobalt.
En février de cette année, les autorités ont toutefois abandonné les changements prévus de crainte de décourager les investisseurs compte tenu de la faiblesse historique des prix des matières premières et de la chute des niveaux de production en raison de pénuries d’énergie auxquelles le pays était confronté alors.
Un groupe de 42 organisations non gouvernementales (ONG) congolaises, qui a participé aux négociations portant sur le nouveau Code minier avec le Gouvernement et le secteur minier, a déclaré que, étant donné l’amélioration actuelle des prix des matières premières, tout nouveau report de cette révision serait inexcusable. Cet avis a également été exprimé récemment par le Projet ENOUGH, un groupe militant anti-génocide qui a publié en octobre une étude approfondie visant à analyser l’économie politique du Congo au cours des 130 dernières années.
Parmi les recommandations qu’ils ont formulées afin de promouvoir la progression du pays, les auteurs exhortent le Gouvernement à finaliser le long processus de révision du Code minier du pays.« Les États-Unis, la Banque africaine de développement, les États européens et la Banque mondiale doivent renforcer la mise en oeuvre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) au Congo, en insistant pour que les Rapports ITIE divulguent les dépenses des entreprises d’État, conformément aux exigences de l’ITIE, en appelant à une divulgation complète de l’identité des propriétaires réels – en particulier les partenaires des entreprises d’État – et en assurant un suivi de la transparence des contrats », indique le document.
« De plus, les États-Unis, l’Union européenne, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et les entreprises minières qui investissent au Congo doivent exhorter le Gouvernement congolais à achever la révision du Code minier avec la participation pleine de la société civile », précise-t-il. C’est également l’avis que partagent les analystes de BMI, qui observent toutefois que, malgré le potentiel la hausse du niveau de supervision dans l’industrie minière au Congo augmente les coûts des entreprises pour pallier le préjudice à leur réputation et pour assurer la publication de rapports supplémentaires, les réglementations existantes se sont avérées difficiles à appliquer et, par conséquent, elles n’auront probablement aucune incidence sur le secteur.
Le Congo a organisé ses premières élections libres en 2006. Le pays n’a jamais connu une transition pacifique du pouvoir.Lien vers l’étude du Projet ENOUGH http://www.enoughproject.org/files/A_Criminal_State_Enough_Oct2016_web.pdf.
Evelyn Murray