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Exigences en matière de prix de transfert en République Démocratique du Congo

Afin de lutter contre les transferts illicites des bénéfices, la loi de Finances congolaise pour l’année 2015 a introduit des règles en matière de prix de transfert.

Ces règles prévoient l’obligation pour les sociétés situées en République démocratique du Congo (RDC), qui sont sous le contrôle d’une société implantée à l’étranger, de disposer d’une documentation justificative sur les prix de transfert concernant les transactions réalisées par des sociétés appartenant au même groupe. Ces documents doivent contenir des informations à la fois générales et spécifiques.

Cette obligation de documentation des prix intra groupe fait partie d’un mouvement général initié sur le continent Africain depuis quelques années maintenant.

En effet, les différents administrations fiscales des Etats concernés par ce sujet n’étaient pas jusqu’alors associés à ces flux intra groupe. Ils n’avaient au demeurant aucun outil juridique pour y parvenir, le nombre de conventions fiscales internationales étant faibles en Afrique et la coopération fiscale peu mise en œuvre. Aussi, progressivement, les Etats intéressés ont légiféré sur le sujet et ont formé les fonctionnaires de l’Administration fiscale. Si les législations sont plus ou moins détaillées, le principe reste le même : disposer d’une documentation justifiée de ses prix de transferts.

I/ Contenu de la législation en RDCLe principe de pleine concurrence

Les transactions entre sociétés établies en RDC et leurs sociétés affiliées situées à l’étranger doivent être conformes au principe de pleine concurrence.

Méthodes

La loi de Finances ne prévoit pas de directives précises en ce qui concerne la méthode d’évaluation de la norme de pleine concurrence.

Les méthodes usuelles couramment utilisées sont :

• la méthode de prix comparable sur le marché libre ;

• la méthode du prix de revente ;

• la méthode du coût majoré ;

• la méthode transactionnelle de la marge nette ;

• la méthode du partage des bénéfices ;

• le concept de marché transparent.

Les entreprises associées

La loi de Finances ne prévoit pas les exigences qui doivent être remplies pour qu’une entité soit considérée comme une entreprise associée. Toutefois, toutes les sociétés congolaises contrôlées de fait ou de droit par des sociétés ou des groupes de sociétés situés à l’étranger sont incluses dans le champ d’application des exigences de prix de transfert.

Documentation

Les informations suivantes doivent être indiquées dans la documentation de prix de transfert:

Informations générales

Les informations générales comprennent :

  • une description générale des activités réalisées incluant les changements intervenus au cours des années déjà vérifiées ;
  • une description générale des structures juridiques ou opérationnelles du groupe d’entreprises associées, comportant une identification des entreprises associées du groupe engagées dans les transactions contrôlées ;
  • une description générale des fonctions exercées et des risques assumés par les sociétés associés dès lors qu’ils affectent l’entreprise vérifiée ;
  • une liste des principaux actifs incorporels détenus notamment les brevets, marques, noms commerciaux, noms commerciaux et savoir-faire en relation avec les entreprises vérifiées ;
  • une description générale de la politique de prix de transfert du groupe.

Information spécifiquesLes autorités fiscales peuvent également demander à ce que la documentation spécifique sur la société contrôlée comprenne :

  • une description des activités réalisées incluant les changements survenus au cours des années vérifiées ;
  • une description des opérations effectuées avec d’autres activités associées, incluant la nature et les montants des flux, y compris les redevances ;
  • une liste des accords de partage des coûts ainsi qu’une copie des accords préalable en matière de prix de transfert, conclus dans les conditions définies par voie réglementaire, et des rescrits relatifs à la détermination des prix de transfert, affectant les résultats de l’entreprise vérifiée ;
  • une présentation des méthodes d’évaluation de détermination des prix de transfert dans le respect du principe de pleine concurrence, comportant une analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés ainsi qu’une explication concernant la sélection et l’application de la ou des méthodes retenues ;
  • des conditions de pleine concurrence, y compris une analyse des fonctions exercées, des actifs utilisés et des risques assumés, ainsi qu’une explication de la sélection et de l’application des méthodes utilisées;
  • une analyse des éléments de comparaisons considérés pertinents par la société, lorsque la méthode choisie le requiert.

EchéanceLa documentation sur les prix de transfert doit être disponible sur place dès le début de la vérification fiscale.

Toutefois, en cas d’absence de ces pièces justificatives, ou dans le cas où la documentation est partielle, le contribuable dispose d’un délai de 20 jours pour produire les documents requis.

Les Accords Préalables sur les prix de transfert (APP)

Les dispositions générales relatives aux APP sont établies dans ladite loi de finances. Toutefois, ces accords sont soumis à des dispositions réglementaires qui, à notre connaissance, n’ont pas encore été adoptées.

Implications fiscales

Le montant réévalué peut être considéré comme un bénéfice distribué et, par conséquent, être soumis à l’impôt sur le revenu des sociétés de 35% plus des pénalités y afférentes.

II/ Lacunes de la législation actuelle

Si l’obligation de documentation des prix de transfert est à l’évidence une grande avancée pour la RDC, il n’en demeure pas moins que la législation telle que prévue actuellement comporte certaines lacunes.
Pour ne citer que les plus importantes, on notera que la « dépendance » n’est pas définie. Or, c’est le critère même de détermination du champ d’application des prix de transfert.

Il en va de même pour « l’entreprise » ou « le groupe d’entreprise », pour « l’entreprise associée… »
Les méthodes agréées par l’Administration fiscale ne sont pas listées non plus alors même que leur présentation est obligatoire.

Aucune mesure de coordination avec les textes existant n’a été prise. Ainsi par exemple, parmi d’autres problématiques, comment coordonner la fixation d’un taux d’intérêt admis fiscalement selon les règles de prix de transfert avec la fixation d’un taux d’intérêt prévu par le droit commun, qui ne doit pas être inférieur au taux moyen interbancaire (article 11 de la loi de Finances 2014).

D’un point de vue strictement fiscal, le texte ne prévoit aucune sanction. S’il est patent que les prix considérés comme non justifiés seront réintégrés à l’IBP de 35%, à ce jour, il n’existe aucune sanction fiscale à l’image d’autres législations qui prévoient en sus de la réintégration, une amende forfaitaire des prix non justifiés. Cette absence de sanction pose la question de la différenciation des prix de transfert avec d’autres mécanismes tel que l’acte anormal de gestion par exemple qui prévoit également la réintégration des charges excessives.

III/ En pratique

Quel que soit la critique, l’obligation existe et il est fort probable que les inspecteurs sollicitent la documentation dans les contrôles à venir (pour l’exercice 2015 et/ou 2016 en fonction de la date d’intervention), peu importe l’analyse subséquente ou non, étant tout de même précisé qu’une équipe a été formée sur le sujet selon certaines sources.
A l’heure actuelle, certains groupes ont déjà une documentation de prête pour leur filiale. Il s’agit alors de vérifier que celle-ci est conforme aux exigences locales, et notamment, exigence souvent méconnue des groupes internationaux, de la traduire en français.

D’autres n’ont que le « master file ». Dans ce cas il faut élaborer la documentation localement avec l’aide des informations du master file.

Dans tous les cas, le délai de 20 jours pour répondre est très court, étant précisé que d’autres chefs de redressements peuvent être soulevés au même moment.

Aussi, nous ne pouvons qu’attirer l’attention des lecteurs sur la nécessaire anticipation de rédaction de leur documentation, le sujet étant sans nul doute, le point majeur des redressements à venir en RDC.

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Tax & Legal

Emmanuel Le Bras
PricewaterhouseCoopers Tax & Legal
Partner – Francophone Africa Energy Leader
Pointe Noire | Republic of Congo
emmanuel.lebras@cg.pwc.com
+242 05 534 09 07

Damien Boutros
PricewaterhouseCoopers Tax & Legal
Senior Manager
Kinshasa| Democratic Republic of Congo
damien.boutros@cd.pwc.com
+243 8400 151 88

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