in

Agritech / Foodtech : la vision frugale et avant-gardiste africaine, territoire du low tech et du low cost

Et si l’avantage de l’agriculture africaine était justement son retard relatif, sa simplicité et sa proximité de la terre nourricière ? En tout cas, à vouloir mettre de la technologie pour la technologie, un peu partout et sans prendre en considération la valeur apportée concrètement aux différents acteurs de la chaine de valeur agroalimentaire jusqu’au consommateur final, l’essence de l’innovation se perd en chemin au risque de produire des effets pervers.
Et si l’avantage de l’agriculture africaine était justement son retard relatif, sa simplicité et sa proximité de la terre nourricière ? En tout cas, à vouloir mettre de la technologie pour la technologie, un peu partout et sans prendre en considération la valeur apportée concrètement aux différents acteurs de la chaine de valeur agroalimentaire jusqu’au consommateur final, l’essence de l’innovation se perd en chemin au risque de produire des effets pervers. « Et si la frugalité de la tech agricole africaine était la clé de la transformation du modèle de production agricole en apportant aux communautés rurales les outils techniques, la formation et le savoir, sans pour autant éclipser les modèles vivriers existants ». Fabrizio Delage Paganini et Pierre Poullain, spécialistes des nouvelles technologies agricoles, co-fondateurs de Valeur-Tech, vous livrent dans cette tribune de précieuses clés de lecture.
L’agriculture est-elle plus intelligente avec ou sans technologies ? Tout dépend du type de modèle agricole que nous voulons, le tout connecté n’est pas forcément la solution, loin de la …

En France, par exemple au sortir de la seconde guerre mondiale, il a fallu intensifier la production de denrées alimentaires, il y a donc eu une accélération de l’usage de machines et d’intrants pour permettre d’atteindre les niveaux de rendements fixés. C’est donc le besoin de nourrir les hommes dans ce cas précis qui a poussé la technologie à se vulgariser.

Aujourd’hui en Afrique le challenge se présente comme étant sensiblement le même : devoir augmenter les capacités de production de 70% pour pouvoir nourrir le continent voire le monde.

L’enjeu est de savoir comment orienter l’usage des technologies en fonction des types de structures agricoles (petit producteur terrien, gros exploitant agricole) car des technologies mal utilisées peuvent être in fine plus nuisibles que salutaires à l’agriculteur (incapacité à utiliser les outils inadaptés au besoin réel et trop complexes à prendre en main pour une utilité très souvent limitée, etc.). Le tout en prenant soin des terres agricoles de façon durable et résiliente.

… mieux vaut penser frugalité de la technologie et usage réel auquel elle répond

A priori pour augmenter la production, mieux gérer l’usage d’intrants, optimiser les rendements, les technologies peuvent faire sens et aider les agriculteurs à mieux maîtriser leurs niveaux de productivité en les délestant de charge de travail physique et mentale pour leur permettre de mieux gérer leur temps. Pour se faire la condition sine qua non est que ces technologies s’incorporent dans les exploitations agricoles et répondent à de réels besoins. Et c’est là que les choses se compliquent. Rendre interopérable les technologies et les data les unes avec les autres (IoT, API, OAD, ERP, SIG avec les plateformes de gestion d’exploitation, etc.) en fonction de l’utilité des agriculteurs n’est pas toujours chose facile, surtout dans des contextes d’accès à l’énergie limitée comme souvent en Afrique en zone rurale.

…en comprenant les rythmes d’évolution cyclique des technologies dans le temps

Les nouvelles technologies ne cesseront pas d’évoluer. Elles doivent seulement être considérées comme un réservoir d’outils et d’opportunités, une matière première que chacun saura mobiliser pour répondre à son besoin de valeur. Le but n’étant plus de tout digitaliser à tout prix, mais bien de construire des solutions frugales capables de répondre aux besoins réels des agriculteurs, de développer des services de conseil augmentés, d’assurer la compétitivité des industries agro-alimentaires, le dynamisme de leur distribution et, in fine la réponse aux demandes nouvelles des consommateurs.

Il faut changer de perspectives en se concentrant sur les points de valeur critiques (là où la donnée et le service apportent un gain de valeur significatif pour les acteurs, au bon endroit et au bon moment). Puis construisons des solutions adaptées, créatrices de valeur pour l’ensemble des acteurs. Car l’enjeu des prochaines années est bien de transformer le potentiel des technologies en valeur (revenu, praticité, bien-être, plus-value environnementale, etc.) pour les acteurs de la chaîne agroalimentaire. La capacité de réussir cette transition est, certes, liée à la disponibilité et au prix des technologies, mais elle est avant tout une question de métier et d’organisation : quel impact quotidien sur les acteurs agricoles et agroalimentaires africains, qui gérera la technologie, l’information, la maintenance, etc.?

Et si demain « labourage et pâturage devenaient les deux mamelles de l’Afrique ? » Et si la frugalité de la tech agricole africaine était la clé de la transformation du modèle de production agricole en apportant aux communautés rurales les outils techniques, la formation et le savoir, sans pour autant éclipser les modèles vivriers existants ! En somme le défi technologique actuel de l’Afrique va consister à créer des modèles de production agricole où la technologie africaine basée sur l’ingéniosité va permettre de produire plus avec moins. Rendre interopérable les outils, les données ne seraient rien sans familiariser les hommes à leurs usages.

« Back to basics » : le modèle avant-gardiste de la frugalité africaine

Du Maroc à l’Afrique du Sud en passant par le Sénégal, la frugalité de la tech africaine et l’usage de solution low tech – low cost n’est plus à démontrer. Que ce soit pour des usages pour les communautés rurales (kit solaire connecté, électrification rurale issue de la transformation des déchets organiques, système de purification de l’eau) ou pour les producteurs des filières agricoles (meilleure gestion des filières du manioc pour mesurer la qualité et les pertes au stockage par l’usage de capteur d’humidité dans les entrepôts), l’usage de la technologie apporte bel et bien un intérêt aux acteurs de la chaîne agroalimentaire

Entre buzz de startups et de fablabs naissants, agitation des investissements et création de valeur réelle…

Une myriade de start-up agro-orientées a vu le jour en Afrique ces derniers temps : WeFarm (entraide agricole par sms), Farmerline (app et alerte sms pour mieux gérer sa ferme), Hello Tractor (location de tracteur entre agriculteur), Ujuzikilimo (plateforme d’analyse parcellaire), Illuminium Greenhouse (panneaux solaires agricoles et capteurs environnementaux), Sunna Design (kit solaire connecté), e-tumba (station météo connectée), Afrikamart (plateforme B2B d’agrobusiness), Farmnga (marketplace agrobusiness), HubAfrica (plateforme business)… ainsi qu’une multitude d’incubateurs, d’espaces de co-working et d’instances de financement publics-privés qui s’émancipent. La clé étant de structurer cette croissance d’innovation en facilitant leur adoption et leur mise sur le marché car le risque est de créer de l’innovation technologique qui ne réponde à aucun besoin réel du marché.

La force du mobile et des réseaux sociaux comme vecteur de conseil et d’adoption technologique
Pour finir, l’usage des réseaux sociaux et la révolution des plateformes d’échanges sont aussi un point majeur de développement. En effet, organiser et filtrer l’information des groupes d’influence agricoles et agroalimentaires sur Facebook ou Whatsapp pour apporter les bonnes solutions technologiques au bon endroit est un enjeu clé. Tout comme l’idée de bâtir des chatbot et des plateformes d’échange communautaires dédiées à l’agribusiness est une piste de développement. Dernier point d’intérêt que nous tenons à souligner, le nécessaire besoin de faire tester les meilleures solutions aux agriculteurs, producteurs et parties prenantes et de les valoriser sous des formes « d’interviews video testing ».

Aujourd’hui, beaucoup d’argent est investi dans les startups par de nombreux fonds pour financer l’innovation de la tech agricole. Par contre, l’adoption en tant que tel reste peu financée. Les cycles d’investissement doivent se faire de façon à limiter au maximum le « Chasm » (cf. Schéma ci-dessus) : période au cours de laquelle une startup est confrontée aux rythmes d’adoption de sa technologie sur son marché. Et l’Afrique n’est pas exempte de cette approche. En effet, l’enjeu actuel est de transformer les technologies africaines en valeur pour les agriculteurs et les parties prenantes et non juste de financer la technologie pour la technologie.

L’appauvrissement des sols agricoles, la pollution des eaux, les épizooties, les famines sont autant de sujets concrets que la technologie peut aider à résoudre à condition d’orienter les investissements dans ce sens avant d’envisager, par ailleurs, des investissements dans des fermes urbaines et verticales, la biologie de synthèse ou la nutrition à base d’insectes.

This post was created with our nice and easy submission form. Create your post!

Le prix du sac de maïs explose

Entretien avec Darryll Kilian