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Rachel Mwanza : la Cendrillon de Kinshasa

Révélée par le film Rebelle, cette jeune Congolaise de 17 ans vivait dans les rues de Kinshasa, soupçonnée de sorcellerie.

Révélée par le film Rebelle, cette jeune Congolaise de 17 ans vivait dans les rues de Kinshasa, soupçonnée de sorcellerie.

Rachel Mwanza n’en revient toujours pas. Elle, l’enfant des rues, accusée de sorcellerie, rejetée, s’est retrouvée propulsée sur le devant de la scène, transportée d’un festival à l’autre et bien décidée à profiter de sa toute nouvelle célébrité.
Révélée par le film Rebelle, cette jeune Congolaise de 17 ans vivait dans les rues de Kinshasa, soupçonnée de sorcellerie.

Rachel Mwanza n’en revient toujours pas. Elle, l’enfant des rues, accusée de sorcellerie, rejetée, s’est retrouvée propulsée sur le devant de la scène, transportée d’un festival à l’autre et bien décidée à profiter de sa toute nouvelle célébrité.

En la rencontrant, on comprend vite que l’on a affaire à une « figtheuse » tout juste sortie de la misère. Rachel Mwanza attise la curiosité. Cette petite Cendrillon africaine qui semblait condamnée comme tant d’autres enfants des rues a finalement obtenu le premier rôle d’un film couronné par quatorze prix. Un miracle. Mais la jeune fille n’est dupe de rien. Elle ne se fait pas prier pour raconter la scène principale de ce conte de fées. C’était un soir de février 2013 au festival de Berlin. «Je ne comprenais pas la langue, alors au bout d’un moment, ça ne m’intéressait plus», raconte-t-elle, un brin princesse méprisante. Et puis soudain, la surprise : quelqu’un sur scène prononce son nom ? Oui, c’est bien d’elle dont il   s’agit ! Rachel devient la première Africaine à obtenir le prix d’interprétation féminine à Berlin, pour Rebelle du Canadien Kim Nguyen. Ce très beau film évoque le destin d’une fillette enfant soldat dans un pays imaginaire d’Afrique. «Même quand ils ont prononcé mon nom, je n’ai pas compris tout de suite, raconte-t-elle encore, en écarquillant les yeux. Ils le prononçaient comme du chinois « Reuchel Mouainzai ! »», dit-elle en rigolant, imitant un accent plutôt anglo-saxon. «Tout le monde s’est levé ! Il y avait tous ces Blancs qui criaient « Rachel, Rachel ! ». Et là, les caméras viennent sur toi. Plein de caméras, la vraie vie… », s’exclame-t-elle d’une voix rauque.

La vraie vie ? Celle de Rachel Mwanza a déjà connu des rebondissements. Cette ado au tempérament volcanique est née en République démocratique du Congo (RDC). Dans ce pays cathédrale où tout est immense, surtout la misère et la violence, on retiendra que Rachel fut une shegué : un de ces enfants abandonnés dans la rue, car accusés d’être des sorciers. Vols, viols, prostitution, drogues, bastons, faim, peur : c’est ce cocktail explosif qui tient alors lieu d’apprentissage de la vie pour les milliers d’enfants maudits qui errent comme Rachel dans les rues insalubres de cette ville impitoyable.

Le pire peut-être, est que rien n’était écrit d’avance : Rachel vient d’une famille plutôt aisée. Papa travaille un temps dans le diamant à Mbuji-Mayi, capitale de la province du Kasaï-Oriental. Le dimanche, le père danse à la maison avec maman qui élève alors leurs six enfants. Mais il y a déjà cette fragilité. Cette mère qui, comme beaucoup de ses compatriotes, prête une oreille trop sensible aux églises évangélistes qui pullulent dans ce pays désespéré. L’un de ces faux prophètes accuse la petite fille : un démon se cacherait en elle. Rachel vit très tôt dans la hantise des malheurs qui pourraient s’abattre sur sa famille et la condamnerait alors immédiatement. Hélas, ils ne vont pas tarder. Le père perd son travail, la mère s’exile avec les enfants à Kinshasa. Ils seront vite rejoints par une grand-mère encore plus superstitieuse. Le sort de Rachel est scellé. Le père disparu, la mère part loin, en Angola, chercher de quoi survivre, et les enfants se retrouvent à la merci d’une parente ingrate, et de cette grand-mère, emplie de haine contre celle qui a certainement causé tous ces échecs : Rachel. Avant d’être ostracisée, chassée de chez elle à coups de pierres, la petite fille subit la torture indicible d’une séance d’exorcisme hallucinante.

Mais ce que son histoire révèle surtout, c’est une société en perte de ses valeurs, de ses traditions, qui s’impose sans faux-semblants. Le malaise est tel que la jeune fille a même du mal à faire valider par son pays natal la proposition de l’Unesco qui voudrait faire d’elle une ambassadrice des enfants de la rue. « C’est comme s’ils avaient honte de moi et des enfants de la rue, s’offusque-t-elle, et se sent désormais investie d’une mission. J’ai une étoile, alors je dois aider ma famille, et les enfants de la rue de Kinshasa. »

Elle a pardonné.  Sa grand-mère, sa mère. Elle rêve d’une vie de famille, avec « des enfants, qui seront les plus heureux du monde car je ne les quitterai pas un seul jour », confesse-t-elle.

Rachel Mwanza en 6 dates

1997 : Naissance à Mbuji-Mayi en République démocratique du Congo.

2004 : Accusée d’être une sorcière.

2008 : Première expérience de la rue à Kinshasa.

2012 : Joue dans Kinshasa Kids du Belge Marc-Henri Wajnberg.

2013 : Ours d’argent à Berlin pour Rebelle du Canadien Kim Nguyen.

2014 : Survivre pour voir ce jour (éditions Michalon) et début d’une nouvelle vie à Montréal.

 

Article publié dans Mining and Business n°1 – Juillet/Août 2015

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