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Coronavirus, la promesse d’une aube ?

« Effondrement » : c’est le mot en vogue. Et ceux qui l’utilisent se réfèrent bien évidemment à « Comment tout peut s’effondrer »

« Effondrement » : c’est le mot en vogue. Et ceux qui l’utilisent se réfèrent bien évidemment à « Comment tout peut s’effondrer », le best seller de Pablo Servigne et Raphaël Stevens qui, en 2015, nous expliquait pourquoi, et bien plus rapidement que nous le pensons, notre civilisation thermo-industrielle est appelée à disparaître. Dans cet essai, les auteurs démontrent avec brio « qu’aujourd’hui est utopiste celui qui croit que tout peut continuer comme avant » et, prophétisant que « l’effondrement est l’horizon de notre génération, le début de son avenir », nous invitent à repenser en profondeur et avec optimisme « ce que pourrait être la société de demain, ce que nous pourrions en faire. »

Aux dires de certains, cette crise sanitaire sans précédents que nous traversons et qu’il faudra à l’évidence conjuguer à une crise économique d’une rare amplitude nous fera atteindre ce point d’effondrement décrit par les deux chercheurs.  Peuvent-ils avoir raison ? L’heure n’est évidemment pas à ce type de spéculations.

On peut toutefois explorer cette hypothèse et imaginer sur quelles bases construire un autre « demain ».   Tout d’abord, précisons que l’effondrement dont il est ici question n’a rien a voir avec les apocalypses en version série B et leurs lots de villes en feu si souvent vues à la télévision. Loin de là. C’est plus de l’effondrement d’un système global qu’il s’agit.

Système de pensée, de valeurs, d’analyse, de production.   Cet effondrement pourrait en outre advenir sur plusieurs années. Car bâtir un système nouveau et le mettre en place malgré les résistances de ceux qui sont les grands bénéficiaires du système actuel – et qui ne lâcheront donc pas leurs indécents privilèges sans entrer en résistance – prendra un certain temps. Ce temps de transition, temps des innovations sociétales, devenant le temps du fameux changement de paradigme si souvent disserté dans les colloques économiques internationaux… et jamais mis en pratique.

Si tout va bien – et gageons que tout ira bien ! – la première étape consistera inévitablement à acter le fait qu’il n’est pas possible de baser notre modèle de société sur une croissance infinie dans un monde fini, au sens physique du terme.

Donella Weadows et les co-auteurs du célèbre « Limites à la croissance » nous l’avaient d’ailleurs démontré il y a une cinquantaine d’années. Cette croissance ou, en tout cas, les valeurs que nous lui associons aujourd’hui – toujours plus de technique, de consommation, de richesse -, étant essentiellement basée sur le matériel.

Lors de ce changement radical de société, on peut bien sûr craindre que les populations des pays riches n’acceptent que du bout des lèvres de réduire drastiquement leur consommation. On peut tout autant imaginer que celles des pays pauvres mettent tout en œuvre pendant cette période pour atteindre un niveau de consommation et de production identiques à leurs homologues européennes ou américaines. Et, pour le coup, on peut entrevoir que les efforts de nos meilleurs pédagogues restent aussi vains que les négociations internationales sur ce chapitre depuis des décennies.

Sauf que voilà. Entre temps, un virus, microscopique, passé de l’animal à l’homme sur un marché de Wuhan, aura tout remis en cause. Car ce virus nous aura invités, pour la première fois, à choisir réellement, radicalement, et non plus intellectuellement, entre la vie et la croissance économique. Ce virus, qui aura fait s’effondrer quelques uns de nos plus imprenables bastions de certitudes nous aura confrontés, pour la première fois, de façon concrète et brutale, au fait que tout peut basculer, et donc s’effondrer, en quelques semaines.

Je ne doute donc pas qu’il nous oblige à nous poser les bonnes questions et donc, à revisiter nos modèles de sociétés en profondeur. Ainsi, et à l’instar d’un certain 11 septembre, lors duquel la puissance occidentale a soudainement pris conscience de sa fragilité, le Covid-19 va marquer son époque et entrouvrir assurément la porte d’un avenir fort différent de celui que nous imaginions il y a quelques semaines encore. Avec ou sans effondrement.

Fabrice Lehoux

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