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Coronavirus : l’économie s’est-elle grippée? la réponse est oui. décryptage

Les historiens du futur diront peut-être de ce mois de mars 2020 qu’il fut celui du déclin de l’Occident.

Les historiens du futur diront peut-être de ce mois de mars 2020 qu’il fut celui du déclin de l’Occident. C’est en tout cas ce que l’on est tenté de penser devant la sidération qui semble s’être emparée des principaux dirigeants de la planète. La crise économique déclenchée par la pandémie de coronavirus est, il est vrai,d’une violence inouïe. Et nul ne semble savoir à ce jour si les mesures d’exception prises par delà le monde,et notamment l’injection de sommes astronomiques dans les circuits financiers par les banques centrales,suffiront à l’endiguer. Analyse.

À la recherche du temps perdu…

Tout commence à Wuhan, en Chine, début décembre 2019.Un virus d’origine inconnue provoquant des pneumonies aux formes aigües, voire létales, s’y développe rapidement.La Chine de Xi Xinping, peu encline à communiquer sur ces sujets, va donc rester assez discrète avant d’annoncer,à la stupéfaction générale, le confinement de Wuhan.Nous sommes le 23 janvier. Les images de cette mise sous cloche de la mégalopole industrielle chinoise de 11 millions d’habitants fascinent. Elles sont toute fois considérées comme lointaines, presque exotiques.

Et c’est probablement là que tout bascule. Entre échéances électorales aux États-Unis et en Europe ou négociations post Brexit, les principaux dirigeants du G20 ont plutôt tendance à minimiser l’impact de ce qui se profile qu’à préparer leur pays au tsunami à venir. Quoi qu’il en soit,ces trop nombreuses semaines pendant lesquelles le monde ne réagit pas lui seront fatales. Le 31 janvier, deux touristes chinois sont testés positifs au Covid-19 en Italie. On connaît la suite. Et pourtant, là encore, la prise de conscience n’est pas au rendez-vous. Jusqu’à mi-mars, le Président Trump évoquera « une simple grippe saisonnière ».

Krachera, krachera pas…

Les marchés financiers ont dans leur ADN une peur viscérale de l’incertitude. Et, après être restés sereins jusqu’à fin février, comprennent début mars que cette crise sanitaire qui paralyse l’usine du monde depuis un mois, et qui s’attaque désormais à l’Europe, peut faire vaciller des équilibres économiques déjà bien fragiles. De fait, la planète financière est à peine remise de la crise de 2008. Et si elle semble l’être, c’est en grande partie parce que les banques centrales américaine et européenne mènent depuis des années une politique de Quantitave Easing, concept technocratique signifiant qu’elles font tourner la planche à billets pour doper les marchés. Or,cette stratégie a eu pour effet de déconnecter les bourses de l’économie réelle et de créer des bulles spéculatives.

Bien avant cette crise, nombre d’économistes ne cachaient d’ailleurs plus s’attendre à une correction sévère et imminente des marchés malgré leur forme olympique.

La chute de l’or noir…

Le coup de grâce viendra de Moscou, dont le représentant à l’OPEP, Igor Sechin, quitte la table des négociations visant à réduire la production mondiale de pétrole au bout de trente minutes. Nous sommes le 7 mars. Cette baisse souhaitée par le Cartel des pays producteurs, et par l’Arabie Saoudite en particulier, ayant pour effet escompté de soutenir les prix de l’or noir autour des 60 USD. Le 8, suite au camouflet infligé par Moscou, Ryad déclenche une véritable guerre des prix et ouvre grand les vannes pour faire dévisser les cours et plier les Russes.Mais Poutine, assis sur un confortable fonds souverain de 150 milliards de dollars, fait de la résistance. Implacable joueur d’échecs, il a surtout vu la formidable opportunité de faire chuter l’industrie du pétrole de schiste du vieil ennemi américain.Dès le 9 mars, le prix du baril (112 litres de brut) plonge et s’échangera autour des 20 USD deux semaines plus tard. Le 12 mars, les bourses chancellent. Le monde assiste,impuissant, à un krach sans précédent.

Le cocktail infernal !

Ainsi, cette crise économique est provoquée par trois facteurs relativement distincts, mais qui, ensemble,sont cataclysmiques. Le premier, l’arrêt de la production mondiale lié à la crise sanitaire, va induire une chute de la croissance sur 2020 située entre 3 et 6 %, selon les experts. Ce qui va plonger la plupart des économies en récession.Le second, à savoir la chute des marchés, va provoquer des pertes d’une ampleur insondable dans le secteur financier. Nos confrères du Figaro nous rappellent qu’en mars, le Dow Jones a chuté de plus de 23 %, du jamais-vu depuis 30 ans, et le Standard & Poor’s 500, de 20 %. En Europe, l’indice large Euro Stoxx 600 a plongé de 23 % et le CAC 40 a dégringolé de près de 27 %, soit l’équivalent de 450 milliards d’euros de capitalisation partis en fumée sur la seule place parisienne.

Reste le pétrole. L’arrêt de l’activité industrielle et touristique dans le monde a induit une chute brutale de la demande. Avec un prix aussi bas, les grands pays importateurs, la Chine notamment, auraient pu faire des stocks gigantesques afin de réduire leur facture énergétique. Mais la chute de l’activité réduit les possibilités de stockage à peau de chagrin. Du jamais vu. Pour Mickaël Tran, analyste financier, « entre l’offre pléthorique et la demande anéantie, le surplus de pétrole mondial pourrait atteindre 10,6 millions de barils par jour, soit près d’un milliard de nouveaux barils à stocker en trois mois, de quoi s’approcher très vite des limites de stockage. »

Quid du futur à court terme?

À court terme, cette crise polymorphe sera en partie atténuée par un arrosage abyssal de cash par les pays du G20. Les montants faisant consensus étant situés autour de 5 000 milliards de dollars, dont 2 000 pour les seuls États Unis (soit environ 10 % de leur PIB annuel). Par contre,soyons clairs : il ne s’agit ni plus ni moins que d’une mise sous respiration artificielle de l’économie mondiale ! Et nul ne sait à ce jour ce qui va arriver lorsqu’on va débrancher,ni qui va payer la facture et encore moins comment.La faillite inévitable de milliers de petites et moyennes entreprises va mettre des millions de gens au chômage,et une casse sociale de grande ampleur est à craindre partout dans le monde. Là encore, en fonction de la durée de la crise sanitaire, le pire peut être évité. La reprise rapide d’activité dans les pays qui auront su protéger leurs entreprises (et leurs employés !) peut permettre d’éviter le pire.

Et en Afrique?

En Afrique, la chute du prix des matières première saura des conséquences dramatiques à court terme. On craint également une chute drastique des investissements étrangers, voire le retrait de certaines majors. Et si l’on ajoute à cela les ravages causés sur les récoltes par les invasions de criquets ou la sécheresse de ce début de saison en Afrique australe, l’avenir est plutôt sombre.On se demande enfin comment certaines locomotives économiques régionales exportatrices de pétrole, Nigéria, Angola vont rester des facteurs de stabilisation économique et politique dans leur zone d’influence respective .Ceci dit, et au regard de l’effort consenti par les banques centrales africaines et par les États, les institutions bancaires devraient résister à l’onde de choc et donc continuer à assurer leur rôle de moteur économique du développement. Une chose est en tout cas certaine, il va y avoir un avant et un après Covid-19. Et si l’Afrique saisit cette opportunité,cette crise peut lui être salutaire.

Fabrice Lehoux pour Mining&Business Magazine

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