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Le secteur minier à l’épreuve du Covid-19 en République Démocratique du Congo

La République Démocratique du Congo(RDC) figure parmi les pays d’Afrique subsaharienne les plus affectés par le COVID-19. Contrairement à d’autres

La République Démocratique du Congo(RDC) figure parmi les pays d’Afrique subsaharienne les plus affectés par le COVID-19. Contrairement à d’autres pays, la RDC fait non seulement face à la pandémie, mais aussi à la résurgence d’Ebola au Nord-Kivu. À ces crises, s’ajoute une crise économique aiguë. La Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI) prédisent la récession des économies des pays d’Afrique subsaharienne, jamais vue depuis 1970, et que ces derniers auront besoin des milliards de dollars pour stimuler leurs économies. 

 Importance et vulnérabilité du secteur extractif 

La crise sanitaire fragilise le secteur minier en RDC en particulier avec la chute significative des cours du cuivre et du cobalt au cours de ces derniers mois. En effet, l’économie de la RDC dépend des exportations de ces produits miniers (cf. tableau ci-dessous) qui sont intégrés dans les chaînes d’approvisionnement mondiales. En conséquence, les restrictions imposées au sein de ces chaines où la Chine domine largement pourraient durement affecter l’économie congolaise. Le secteur minier informel dont la production est estimée à 15 % dans la filière de cuivre et cobalt joue également un rôle capital, en particulier, dans les économies des régions minières. En effet, autant le secteur minier industriel alimente le budget de l’État, autant l’artisanat minier génère des revenus de subsistance pour les nombreux mineurs artisanaux, dont le nombre est estimé entre six cent mille et un millions.

•Impact de la pandémie sur le secteur minier 

Les mesures de restrictions et de confinement affectent l’approvisionnement des entrants et la fourniture des services et de la main d’œuvre qualifiée dont l’industrie minière a besoin. C’est ainsi que Glencore a subi un retard sur l’arrivée des intrants pour la construction de son usine d’acide et a dû renvoyer plus de 300 employés indiens, tandis qu’une partie de son personnel entre en chômage technique. D’autres sociétés telles que Kamoa Copper et Sicomines ont mis leurs mines en quarantaine. Ceci s’ajoute au risque d’une baisse de la demande mondiale pour certains minéraux en raison des répliques économiques de la pandémie, et présage un impact significatif sur les performances du secteur minier de la RDC. Le Think Tank Congo Challenge dirigé par l’ancien Premier ministre Matata prédit une baisse annuelle de 20 % des recettes publiques sur les filières cuivre, cobalt et pétrole, hors revenus collectés par les sociétés d’État. À brève échéance, la pandémie pourrait plus affecter les droits de douane, qui sont, selon une étude de NRGI en cours, les plus importants au titre de contribution du secteur minier au budget de l’État. 

Les gouvernements locaux des régions productrices et qui, depuis 2018, perçoivent des paiements directs des sociétés minières seront aussi affectés. Par ailleurs, la crise sanitaire s’étend dans un contexte économique déjà précaire. En début d’avril, les réserves en devise de la Banque Centrale du Congo étaient à 693 millions d’USD, équivalant à peine à deux semaines d’importations. Le gouvernement a revu à la baisse la croissance en 2020 à 1 % contre une prévision initiale de 4 %, et le FMI prédit une contraction de 2,2 %, soit la pire performance depuis 2002, tandis que l’inflation s’aggraverait à 11 % contre 5 % initialement. 

Réponses possibles pour la RDC 

Comme ailleurs dans le monde, le gouvernement congolais a pris des mesures visant à limiter la propagation du virus et à protéger le tissu économique. Le Président Félix Tshisekedi a mis en place une Task Force multisectorielle. Aucun plan de relance n’est encore divulgué, mais une riposte budgétaire est exclue étant donné que les marges de manœuvre budgétaires et pour l’emprunt sont limitées. En janvier 2020, les opérations financières de l’État s’étaient clôturées par un solde négatif de 136 milliards de CDC, soit 80 millions d’USD. La priorité consiste à obtenir un allégement de la dette et de nouveaux prêts, processus déjà en cours avec la Banque mondiale, le FMI et la Banque africaine de développement (BAD). En plus de l’allégement de la dette approuvé par le FMI, permettant au pays d’épargner 20 millions d’USD, le Fonds vient d’approuver une nouvelle facilité de crédit rapide de 363,27 millions d’USD, après la première de 368 millions d’USD de décembre 2019, tandis que des négociations pour un programme plus ambitieux sont en cours. Une autre mesure pourrait consister à revoir la politique fiscale, à la fois pour faciliter spécifiquement l’entrée des équipements nécessaires pour combattre le virus, et plus largement atténuer l’impact économique de la crise. Des mesures similaires avaient été prises en 2008 pour juguler l’impact de la crise financière sur le secteur minier. Cependant, le gouvernement devrait être prudent quant à l’efficacité d’une réponse fiscale par rapport au secteur minier. Le secteur étant hétérogène en termes de dynamique des produits miniers (par exemple, l’or se porte bien actuellement) et des projets miniers, les impacts pourront varier d’une filière à l’autre, et, au sein d’une filière, d’un projet à l’autre. 

Le gouvernement devrait ainsi considérer les lignes directrices ci-après dans la formulation des réponses politiques ou fiscales : 

•Définir les objectifs d’intervention. Par exemple, répondre à des impacts particuliers de la crise tels que le risque de perte d’emplois. 

•Déterminer si l’intervention politique ou fiscale aura l’impact escompté. Il y aurait besoin d’une modélisation des impacts des mesures, et d’une définition minutieuse de critères de sélection et de conditions pour en bénéficier comme recommandé par IGF & ATAF.

•Tenir compte des capacités réelles de l’administration publique à superviser l’application stricte desdites mesures. 

•Divulguer publiquement les mesures prises pour en rendre compte aux citoyens. La pandémie affecte déjà le secteur minier de la RDC et plus largement l’économie du pays, et les citoyens ne devraient pas tarder à manifester leurs frustrations. En apportant des réponses à cette crise, le gouvernement devrait faire de la transparence et de la redevabilité des piliers de sa gestion. Une telle gouvernance permettrait à tous les Congolais d’apprécier l’ensemble des efforts du gouvernement, mais plus encore leurs impacts sur l’économie nationale et sur leurs conditions de vie.

Par Jean-Pierre Okenda

Natural Resource Governance Institute 

NRGI DRC Manager 

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