«Une des choses qui rend cette crise économique historique, c’est que nous avons un choc à la fois sur l’offre et sur la demande »
Comment analysez-vous la crise économique actuelle ?
Dans un monde aussi intégré que le nôtre, les décisions des uns ont forcément des conséquences sur les autres. La crise actuelle nous montre que lorsqu’on fait le choix de la mondialisation, il faut maximiser toujours plus la coordination des décisions au niveau des instances de gouvernance mondiale.
Cette crise met également en lumière le niveau des inégalités entre pays, distinguant par exemple ceux qui ont des systèmes de santé robustes et ceux qui n’en n’ont pas, ou ceux dont les enfants peuvent continuer leur scolarité grâce aux moyens technologiques et ceux qui ne le peuvent pas.
Quelles peuvent en être des conséquences directes pour la RDC?
Fin mars 2020, la Banque Centrale du Congo (BCC) prévoyait une croissance de 1,1% pour 2020, et il est probable que ce chiffe soit révisé à la baisse. Il est donc urgent de mettre en place un fonds de soutien aux entreprises pour assurer leur survie et préserver le plus d’emplois possible. Ce fonds pourrait être alimenté par une adjudication spéciale de bons du trésor. Une des choses qui rend cette crise économique historique, c’est que nous avons un choc à la fois sur l’offre et sur la demande. Il est donc important que les entreprises continuent à générer des revenus au risque d’occasionner des pertes d’emplois importantes qui entraineraient la dynamique économique dans un cercle vicieux (moins d’emplois entraine une demande plus faible, et une baisse de la demande occasionne une baisse des investissements…).
Qu’est ce qui va changer, d’après vous, après Corona Virus?
Nous allons vers un monde du travail plus dématérialisé, sans aller pour autant vers le « Tout Digital » car beaucoup de fonctions sociales nécessitent une présence physique, notamment dans la construction ou dans le secteur de la santé qui devrait bénéficier d’une attention gigantesque après cette crise. Je pense aussi que nous allons assister à une reconfiguration des chaînes de valeur (sanitaire, alimentaire et énergétique) au niveau mondial. Les États Unis et l’Europe vont sans doute repenser leurs circuits d’approvisionnement pour sortir du « Tout fait en Chine ». Celle solution a en effet montré ses limites. C’est une opportunité pour les gouvernements africains de se pencher sur un modèle économique qui leur permettra de tirer profit au mieux de cette nouvelle configuration. Qu’ils puissent faire preuve d’audace et de vision.
Le paradigme libéral de « plus de croissance et plus de technologie » ne sera pas remis en cause. Mais on va assister, pendant un certain temps, à plus de régulation et au retour d’un État plus interventionniste. En tout état de cause, je pense que « l’Humain » – dans le sens du développement complet de l’individu comme finalité d’une société – sera placé au centre des politiques publiques. Une crise a ça de bon qu’elle nous oblige à nous questionner sur les objectifs que nous poursuivons en tant qu’individus ou en tant que communauté.
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