Les experts tirent la sonnette d’alarme depuis des années : détruire les écosystèmes et multiplier les élevages intensifs nous fait prendre le risque de voir apparaître de nouveaux agents pathogènes. Cette crise que nous traversons ne serait même qu’un premier coup de semonce de Mère Nature. Dès lors, Covid-19 va-t-il enfin nous faire prendre conscience de l’impérieuse nécessité de protéger la biodiversité ? Décryptage.
Ce sont des bombes à retardement, nous le savons, et pourtant, entre les marchés d’animaux sauvages, le commerce de la viande de brousse, la proximité entre forêts primaires et élevages intensifs, nous mettons notre santé en péril. D’après le Professeur Grandcolas, Directeur au CNRS, « Plus des deux tiers des maladies émergentes sont des pathologies dont le réservoir de l’agent infectieux est un animal – souvent sauvage. » Et le nouveau coronavirus n’y échappe pas.
Selon la FAO, Food and Agriculture Organisation, 13 millions d’hectares de forêts sont rayées de la carte chaque année, soit environ 2400 arbres par minute. En plus des déséquilibres que cela induit, l’homme se retrouve ainsi en contact avec des agents pathogènes provenant de sa proximité avec des animaux ayant perdu leur habitat naturel. Si ces constats ne sont pas nouveaux, le Covid-19 pourrait changer la donne. « Quand la moitié de la population mondiale est confinée à cause d’un virus, on peut espérer un big bang dans les mentalités », souligne Aleksandar Rankovic, chercheur à l’Iddri, l’Institut du développement durable et des relations internationales.
La Chine de l’après Sras, en 2003, comme les pays d’Afrique touchés par Ebola, ont légiféré pour interdire le commerce et la consommation d’animaux sauvages. Mais plusieurs études ont montré que sans un accompagnement sur le long terme des populations vivant de cette industrie ayant pour but de leur procurer un revenu de substitution, cette interdiction est un échec. Echec parce que d’une part, le commerce continue « sous le manteau », et ensuite parce que le caractère illicite fait grimper les prix, ce qui motive les braconniers à chasser plus encore ! Précisons qu’un des pièges consisterait à « tropicaliser» le problème et à « oublier » que tous les pays sont concernés au premier degré. Lorsque la France, par exemple, coupe ses forêts et met le renard en danger d’extinction, elle laisse proliférer de véritables réservoirs à virus mis en cause dans plusieurs pathologies.
Les élevages intensifs de volailles ou de porcs en Europe ou en Amérique joueraient également un rôle majeur d’incubateur à virus. Cette question n’est donc pas chinoise, africaine ou sudaméricaine et on peut dès lors, avec le vieil adage, inviter chacun « à balayer devant sa porte ». Parmi les pistes de solutions, le reconditionnement des aides publiques aux bonnes pratiques pourrait être une piste, mais les lobbies guettent… Et ce temps semble donc encore loin, faute de courage politique. La crise Coronavirus aura au moins eu l’avantage de replacer ce sujet au cœur des débats.
La rédaction