M&B : Monsieur le Ministre pourriez-vous brièvement, vous présenter ?
Ministre Venant Burume : Je réponds au nom de Venant BURUME, et j’officie en tant que ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Environnement de la province du Sud-Kivu. Ingénieur électronicien industriel de formation, j’ai travaillé pendant plus ou moins vingt-cinq ans au sein de la société minière SOMINKI (Société Minière et industrielle du Kivu). Après la SOMINKI, j’ai travaillé pour CASAMINERALS, renommée LEDA MINING. J’ai été administrateur et puis Président du Conseil d’Administration de SINELAC, Société Internationale de l’électricité des pays des Grand lacs une branche de la communauté économique des pays des Grands Lacs en matière énergétique. Actuellement, j’occupe le poste de ministre provincial en charge des mines, énergies et environnement au Sud-Kivu.
Monsieur le Ministre, parlons des mines. Pourriez-vous nous expliquer la situation au Sud-Kivu?
Au fait, comme vous pouvez le constater, la province du Sud-Kivu est vraiment très minéralisée. Nous avons les minerais 3T, c’est-à-dire le coltan, la cassitérite et la wolframite. Nous disposons aussi de gisements d’or et, dans d’autres territoires, on décèle des indices de diamant. L’exploitation se fait d’une façon artisanale, puisque nos deux grandes sociétés, SOMINKI et BANRO Corporation restent, pour le moment, à l’arrêt. Nous continuons donc à pratiquer l’exploitation artisanale avec l’espoir que, demain, nous arrivions à créer de petites mines qui s’apparenteront graduellement aux grandes sociétés minières.
Combien de familles vivent-elles de la mine artisanale dans le Sud-Kivu?
Sur tout le Sud Kivu, on trouve plus de 100000 creuseurs officiellement reconnus. Toutefois, dans des territoires comme Shabunda, Mwenga, plus de 80 % des personnes exercent dans le secteur minier artisanal. À Kalehe aussi, avec la carence de l’emploi qui y sévit, la plupart de nos jeunes se replient sur l’exploitation artisanale. Dans ces régions, il s’agit de la seule occupation qu’ils peuvent choisir.
Des intermédiaires achètent donc le minerai à ces creuseurs ?
Les creuseurs creusent à partir des puits, et vendent leurs minerais aux négociants, qui les revendent à leur tour à des comptoirs. Ces derniers qui disposent de petites entités de traitement se chargent de l’exportation vers l’étranger
Pourriez-vous nous en dire plus ?
Oui. Je peux déjà vous dire que dans le secteur de l’or, nous distinguons deux types des négociants. La catégorie A se compose des négociants qui restent en ville ; et la catégorie B se constitue, elle, de négociants qui opèrent au niveau des sites. On compte au moins une centaine de négociants, ici, à Bukavu, qui achètent les minerais, venant soit des creuseurs soit des négociants de type B. Ceux-là vendent le minerai aux entités de traitement, dont les petites unités de transformation exportent la matière, plus ou moins nette, avec une certaine teneur acceptable.
Avez-vous affaire à beaucoup de grands acheteurs, à l’instar de la société Trafigura?
Nous recensons 5 à 10 entités de traitement, mais les très grands acheteurs se trouvent soit à Dubai, soit en Chine ou dans d’autres pays européens.
Un nombre énorme de minerais congolais part chez le voisin rwandais ? Cette situation peutelle évoluer ?
Avec la nouvelle politique, nous espérons que les choses vont évoluer puisqu’on se bat. Nous n’arrivons pas à comprendre que la plupart des acheteurs étrangers préfèrent construire des usines dans des pays voisins, alors que ça aurait été mieux s’ils venaient construire ici au pays, pour éviter des fraudes, et pour essayer de bien tracer nos minerais. Actuellement, des fonderies d’or se trouvent dans les pays voisins alors qu’ils n’ont aucune mine d’or, des industries de traitements de coltan ou de cassitérite ont été mises en place au Rwanda ou au Burundi, bien qu’ils n’aient pas de minerais chez eux. Ils se ravitaillent ici et là, et cela occasionne la fraude.
Quelle serait la solution?
En ce qui concerne l’or, nous militons pour que nous disposions d’un marché boursier, même ici, en province, pour permettre à tous d’exploiter l’or et aux négociants de vendre directement. Cela peut en plus contribuer à appuyer notre monnaie locale et nos taxes. Pour le moment, les gens préfèrent vendre à l’extérieur puisque cela représente dix fois moins que de vendre ici chez nous ; et que de l’autre côté, on constate un allègement de taxes. Nous n’avancerons pas tant que ce système restera en place.
Le Lualaba a récemment créé, aux côtés de la Gécamines, la Compagnie Générale du Cobalt, et également une centralisation des achats. Pourquoi le Kivu et les régions de l’Est ne suivraient-ils pas cet exemple?
Nous y réfléchissons sérieusement. On essaie de nettoyer les groupes armés qui pullulent dans les sites miniers. Comment négocier avec les entreprises tant que nous avons des groupes armés ? Et il n’est pas question de négocier une coopération quelconque avec les groupes armés, bien sûr! On espère qu’avec la réduction des DDR, on pourra négocier avec les creuseurs pour qu’ils puissent voir comment concentrer le tout en un seul site, afin d’aboutir à une bonne traçabilité de nos minerais.
Restez-vous très optimiste?
Oui, les creuseurs commencent eux-mêmes à comprendre qu’ils ont besoin que leurs minerais soient tracés, puisqu’une fois que le traçage est bien fait, nous récolterons des taxes qui seront payées au territoire sur lequel on exploite ce minerai-là. Les comités provinciaux sont chargés du suivi, parce qu’on doit parvenir à construire des édifices sociaux, comme des écoles, des centres des santés sur le site où l’on exploite les minerais. Et, pour y arriver, il est nécessaire que les minerais qui viennent de ce site-là soient bien tracés pour qu’on sache exactement combien de tonnes ont été exploitées et où.
On parlait tout à l’heure de l’exemple du Lualaba, du fait que le ministre des mines national soit force de proposition. Comment vous appuie-t-il ici, et les rôles se répartissent-ils entre le ministère national et provincial ?
Au ministère national et au ministère provincial, nous appliquons le code minier, et nous devons tous nous y référer. Nous devons cependant tenir également compte de certaines réalités au niveau des provinces, comme les grandes sociétés qui sont au Lualaba. Nous, nous demeurons au stade de l’exploitation artisanale. Dommage que nos grandes sociétés aient mis la clé sous le paillasson, il faudrait quand même qu’au niveau du ministère national ils tiennent davantage compte de la situation économique et de l’environnement. Ils devraient beaucoup plus soutenir les gouvernements provinciaux. Nous devrions, quant à nous, être capables de créer une classe moyenne grâce au secteur minier avec les petites mines, car ce n’est pas avec l’exploitation artisanale que nous allons parvenir à développer la province.
Comment comptez-vous mécaniser les mines artisanales ?
Notre grand problème, pour le moment, concerne la sécurité, et les groupes armés. La plupart des sites qui sont minéralisés ne sont pas validés, une étape obligatoire pour autoriser l’exploitation. Les minerais qui proviennent de ces sites, on les qualifie ici de minerais de sang. Il s’agit vraiment d’un manque à gagner pour la province.
Qui sont ces groupes armés ? D’où viennent-ils ?
Nous avons tous ces miliciens hutus, les Mayi Mayi. On en a beaucoup. Dans le haut plateau, on trouve aussi des groupes burundais.
Vous êtes également ministre du Tourisme et de l’Environnement. Pourquoi la province vous a-t-elle confié autant de responsabilités ?
Comme je vous l’ai dit au début de notre interview, je suis ingénieur électronicien, j’ai travaillé plus de trente ans dans le secteur énergétique, où je gérais des centrales hydro-électriques dans des sociétés minières. J’ai même participé aux travaux de construction de la ligne franche Inga Shaba. De ce fait, il a plu à son excellence le chef de l’État de me responsabiliser dans les secteurs énergétiques et puis dans le secteur minier. J’ai travaillé dans les mines pendant plus de 35 ans, mon expérience peut servir à mon pays.
Pour en revenir aux mines, pourriez-vous dresser un bilan au point de vue de l’énergie? Où en est la province et où va-t-on?
Nous détenons une centrale hydro-électrique de 28 MW Ruzizi 1, qui date de l’époque coloniale. La population a fort augmenté, ainsi cette centrale n’arrive plus à alimenter la ville convenablement. Nous avons la deuxième centrale Ruzizi 2, de type intercommunautaire, mais cette centrale alimente non seulement les deux pays voisins – le Rwanda et le Burundi –, mais également et le Sud-Kivu et le Nord-Kivu. Au moment où je vous parle, la province accuse un déficit énergétique de plus ou moins 60 % qu’on essaie de compenser, avec les privés qui soutiennent notre action, par leur apport en centrales photovoltaïques. Nous sommes en contact avec une société italienne, qui a proposé de construire une centrale de photovoltaïque de plus ou moins 20 MW dans un premier temps. Le projet de Ruzizi 3, avec 145 MW, existe enfin aussi, mais sa mise en œuvre prendra peut-être 4 à 5 ans. On compte aussi beaucoup sur le gaz méthane. Tout ça, ce sont des projets, il faudra voir s’ils deviendront réalités. Autrement, la province a pris juste une seule centrale, la centrale de Mugombe, qui alimente le territoire de Mwenga. Cette centrale comptait trois turbines de deux fois 750 MW. Aujourd’hui, il ne reste qu’une seule machine qui fonctionne. Cette centrale demande une réhabilitation, mais cela demande des fonds ou des partenariats publics ou privés. Nous attendons toujours.
BANRO est à l’arrêt, cette énergie consommée par BANRO a été remise dans le circuit ?
Oui, BANRO est à l’arrêt, mais BANRO n’a rien accompli au niveau du développement énergétique, puisque BANRO utilisait des groupes électrogènes. Or, la province n’est pas en mesure de prendre en charge des groupes électrogènes qui consomment des tonnes et des tonnes de carburant.
Au niveau touristique, cette région rayonnet-elle comme elle le devrait ?
En ce qui concerne le tourisme, moi je m’occupe juste de l’environnement et du point de vue de l’environnement, nous nous battons. Nous travaillons avec quelques organismes comme la FAO, qui nous aide à reboiser le paysage. L’arrivée des réfugiés rwandais a créé de gros dégâts, ils ont dévasté presque toutes les collines qui surplombaient la ville. Actuellement, nous appliquons un programme de reboisement.
Nous évoquions les groupes armés, nous avons besoin d’une précision, vous avez sur votre tutelle l’ICCN. Pourquoi ne bénéficient-ils pas de l’appui de l’ONU, qui est un organisme plutôt puissant ?
Au fait, tout dépend du type d’accord que l’ONU a signé avec le gouvernement congolais dans son mandat d’intervention. Il me semble cela dit que la protection des parcs ne fait pas partie de leur mandat.
Merci Monsieur le Ministre
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