A-t-on le droit de porter un jugement de valeur sur celle et celui qui a choisi de ne pas se faire vacciner, privilégiant le libre arbitre de son propre «risque santé», plutôt que celle de la communauté, voire celui des plus faibles ou plus exposés? La question pourrait ne plus être d’actualité, mais celle de l’émission d’un «passeport d’immunité» s’avère bien, elle, à l’ordre du jour. Faudra-t-il passer par l’étape de la vaccination obligatoire pour pouvoir renouer avec une vie normale, renouer avec les usages d’antan, les voyages, la fréquentation des lieux publics, des musées, des bars, des restaurants ?
En Israël, le pays le plus avancé dans la vaccination contre la Covid-19 où 10 % des plus de 60 ans ont été vaccinés avec le vaccin Pfizer, les résultats d’une étude préliminaire ont été rendus publics au mois de février par la Clalit, l’Institut de recherche de la principale caisse de santé israélienne. Cette analyse portait sur les 200000 vaccinés âgés de plus de 60 ans. Elle révèle une chute du taux d’infection après quatorze jours, mais indique également que le sérum de Pfizer préviendrait la transmission de la maladie asymptomatique. Le pays, pionnier en la matière, commence à récolter les fruits de sa campagne de vaccination avec 2 millions de vaccinés en janvier, soit près de 23 % de sa population.
Le passeport vaccinal
Alors que l’avis des spécialistes quant à l’immunité non durable des ex-malades de la Covid-19 semble crédible aujourd’hui, la question du vaccin rendu «obligatoire» et la création d’un passeport d’immunité fait débat dans le monde. En Israël; le ministre de la Santé a indiqué déjà qu’il délivrerait des «passeports verts» aux Israéliens, dès qu’ils auront reçu leur deuxième injection. Israël et la Grèce entendent ensemble préserver leurs nations et relancer le tourisme grâce à un «passeport vaccinal». Les deux pays ont annoncé, le 8 février, la mise en place d’un accord permettant à leurs citoyens respectifs de voyager sans restriction sanitaire. Il leur suffira de présenter un «passeport vert», une preuve de leur vaccination. Et dans le reste de l’Europe? Bien que la vaccination ne soit pas obligatoire en Espagne, le ministre de la Santé, Salvador Illa, a décrété fin 2020 que le pays tiendrait un registre des personnes refusant de se faire vacciner. Le Danemark et la Pologne ont eux aussi instauré un certificat de vaccination sur leur territoire. D’autres pays méditerranéens se sont montrés favorables au passeport vaccinal : le Portugal, Malte, ou encore l’Italie. La compagnie aérienne australienne Qantas imposera, quant à elle, la vaccination obligatoire.
Loin de faire l’unanimité de la part des grandes nations, la Grèce met en avant les raisons économiques pour la survie de son économie. «Pour des pays comme la Grèce, qui dépendent du tourisme, il est impératif que ce problème soit résolu avant la saison estivale.» Certains états membres de l’Union Européenne, comme l’Allemagne, se montrent cependant réticents en raison des incertitudes concernant l’effet du vaccin sur la transmission du virus. «Nous devrions être en mesure de nous mettre d’accord» sur des normes communes pour ces certificats, a déclaré le Belge Charles Michel. «Dans un second temps, nous pourrons voir si et dans quelles circonstances ce certificat peut être utilisé».
Quid du continent africain? L’OMS , opposée à ce passeport, estime que la question d’un passeport vaccinal est encore prématurée et n’a pas de raison d’être. «À l’heure actuelle, il existe encore des inconnues critiques concernant l’efficacité de la vaccination pour réduire la transmission et la disponibilité limitée des vaccins», a estimé l’agence Onusienne. Il se trouve que la communauté internationale peine à prouver son rôle dans la lutte contre le virus en Afrique. Face à cette pandémie qui tue et détruit les économies mondiales, le rôle des partenaires bilatéraux des nations africaines devrait être de construire une solidarité internationale incontournable pour lutter contre la Covid-19. Leurs efforts s’avèrent toutefois insuffisants. On peut se poser la question de savoir si, après la guerre commerciale des masques sur les tarmacs d’aéroports, s’ensuivra celle des vaccins. La réalité des différences entre les pays riches et pauvres, le Nord et le Sud, se fait une fois de plus criante dans cette course effrénée et hystérique aux vaccins.
Le vaccin, un enjeu de coopération
Contre toute attente, le continent africain, qui est le dernier servi dans cette guerre menée par le Nord pour contrôler les stocks de vaccins, multiplie les accords bilatéraux avec les laboratoires étrangers, mais attend toujours les premières livraisons. L’Afrique du Sud vient, elle, de suspendre temporairement le déploiement de son programme de vaccination avant même son démarrage. En effet, l’efficacité du vaccin d’origine virale, développé par le laboratoire britannique AstraZeneca et l’université d’Oxford, a été mise en cause pour les personnes âgées de plus de 65 ans. Le pays a décidé de changer de stratégie au profit des vaccins Johnson & Johnson. Zweli Mkhize, le ministre sud-africain de la Santé, a annoncé «qu’étant donné les résultats des études d’efficacité, le gouvernement poursuivra la première phase de vaccination prévue en utilisant les vaccins Johnson & Johnson au lieu du vaccin AstraZeneca». «L’efficacité du vaccin Johnson & Johnson contre le variant 501Y.V2 a été prouvée», a-t-il ajouté.
L’humanité face à un défi d’ordre moral
Alors que de nouvelles variantes du SARSCoV-2 se substituent désormais à la Covid-19 dans une grande majorité de pays, l’OMS a appelé à une synergie au niveau international pour le lancement dans les mois à venir des campagnes de vaccination de masse dans les pays. La communauté internationale doit impérativement mobiliser toutes les ressources nécessaires à l’exécution immédiate du programme Covax de l’OMS, qui entend fournir 2 milliards de doses d’ici la fin de l’année 2021, dont 1,3 milliard délivrées à 92 pays «à faibles revenus». Pourtant, en juin 2020, la Commission européenne, devant le Parlement européen, et le président français Emmanuel Macron, avait affirmé un franc soutien, lors du Sommet mondial sur la vaccination… Le cap des deux millions de morts de la Covid-19 vient d’être franchi dans le monde. Il ne suffit donc plus d’invoquer les miracles du multilatéralisme, la coopération est en réalité fondamentale pour vaincre la pandémie elle-même, et la communauté internationale se trouve confrontée à un véritable défi collectif, son test de crédibilité. Le politologue américain Fareed Zakaria évoque dans sa dernière publication «Retour vers le futur» un morceau d’histoire intéressante. 1968, nous sommes en pleine guerre froide, un représentant de Moscou, Viktor Jdanov, assistait pour la première fois à une réunion de l’OMS. Il propose une campagne mondiale d’éradication de la variole. Après des réticences, Washington s’aligne sur la proposition. La variole fut éradiquée en 1980. En 2021, les USA et la Chine semblent réécrire le scénario, et nous rêvons du même dénouement. La réponse à cette pandémie transfrontalière ne peut être qu’universelle.
Filly Sima
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