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Partenariat RDC-France interview de SEM François Pujolas, ambassadeur de France en RDC, avant son départ de Kinshasa

Monsieur l’ambassadeur, quel bilan faites- vous de ces trois années passées en République démocratque du Congo ?

J’ai le sentiment d’avoir été un témoin privilégié, dans un moment historique pour la RDC. Arrivé fin 2018, j’ai en effet pu assister à la première transition pacifique à la tête du pays depuis l’indépendance. Les Congolais ont dû, d’une certaine manière, réinventer la politique dans un environnement totalement inédit. Dans une carrière diplomatique, on ne vit pas de tels épisodes à chaque poste. Mais durant cette période, j’ai été dans l’action avec mes équipes, que je tiens à remercier, car elles ont fait un travail remarquable, pour conduire la relance du partenariat RDC-France. Ce travail n’est pas qu’un travail sur dossier, il faut aller à la rencontre des partenaires, entretenir des relations constructives avec de nombreuses personnalités. Pendant ces années, j’ai aussi eu la chance de pouvoir m’appuyer sur mon épouse Revati.

La reprise du partenariat RDC-France a-t-elle été une priorité pour les présidents des deux pays ?

Oui, après la première rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi et Emmanuel Macron à Nairobi, en marge du One Planet Summit, en mars 2019, Jean-Yves Le Drian fut le premier chef de la diplomatie d’un pays membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre du G7, à se rendre à Kinshasa en mai 2019.

En tant qu’ambassadeur, on doit d’abord faciliter les relations bilatérales, au plus haut niveau. Le rapprochement entre les deux présidents a permis, non seulement au ni- veau bilatéral, mais aussi au niveau multilatéral, de se retrouver sur de mêmes positions et de mêmes objectifs. Par exemple dans la lutte contre l’épidémie de covid-19, le financement des économies africaines, objet du sommet de Paris en mai dernier, ou encore la préservation des forêts tropicales.

La coopératon entre les deux pays a-t-elle été relancée ?

Oui, elle a été renforcée dès 2019 par l’adoption d’une «déclaration conjointe» engageant 300 millions d’euros de subventions sur des priorités décidées en commun (santé, éducation, environnement, sécurité…).

Demain, une fois l’accord avec le FMI validé, la France pourra également consentir des prêts souverains à la RDC. Sur la sécurité, la France a montré dans le passé, à de nombreuses reprises et continue de le faire, par ses responsabilités particu- lières au sein du Conseil de sécurité, son at- tachement à l’intégrité territoriale, à la souveraineté de la RDC. Concrètement, nous avons relancé les projets de modernisation de la police judiciaire et doublé les formations des personnels de défense. L’école de guerre de Kinshasa, lancée avec le soutien de la France, a été inaugurée par le président Tshisekedi en janvier dernier. Pour aider à la lutte contre les groupes terroristes, une formation opérationnelle est organisée au cours du premier semestre de cette année, pour préparer tout un bataillon des FARDC au combat en zone de jungle. Sur la Francophonie, la relation privilégiée entre Paris et Kinshasa ne doit pas être qu’un slogan. Nous soutenons à cet égard l’organisation des Jeux de la Francophonie à Kinshasa à l’été 2022.

La France est un partenaire économique naturel de la RDC. En effet, ses besoins essentiels correspondent à des domaines d’expertise où la France figure parmi les leaders mondiaux, qu’il s’agisse de l’eau, l’électricité, les infrastructures, l’agroalimentaire, la santé ou le numérique.

Enfin, la France n’a pas ménagé ses efforts pour mobiliser les partenaires de la RDC et dépasser certaines hésitations. Elle a largement contribué à la normalisation des relations avec l’Union européenne mises à mal à la fin de la période Kabila. Elle joue un rôle moteur dans la nouvelle dynamique qui préside au partenariat entre la RDC et l’Union européenne.

À propos d’Europe, l’amité entre la Belgique et la France a été perturbée à la fin des années Kabila, non ?

Je ne pense pas qu’il y ait eu menace sur la qualité de la relation entre Belges et Français qui sont des partenaires, des alliés et des amis. Ce que je peux dire c’est que j’entretiens avec mon collègue belge des relations tout à fait naturelles de confiance et de transparence. À l’instar d’ailleurs des relations entre diplomates européens, mais sans doute un peu plus et pour différentes raisons, dont notre relation ancienne avec le continent africain ou encore notre appartenance à la communauté des pays francophones. Enfin, la seule leçon à retenir, c’est que dans la compétition internationale ouverte à de nombreux partenaires, l’avenir de notre relation avec l’Afrique passe par l’Europe.

Quels sont les événements marquants de votre séjour au Congo ?

Il y en a eu énormément. L’avantage du Congo, si je puis dire, pour un diplomate, c’est qu’on ne s’y ennuie jamais, car il se passe toujours quelque chose et au moment où l’on s’y attend le moins. Mais au-delà des nouvelles, bonnes ou mauvaises, j’ai été marqué par la résilience du peuple congolais. En vivant ici, on est frappé par les difficultés innombrables auxquelles fait face

la population, et, malgré tout, par cette résilience tout à fait admirable qui lui permet de tenir, souvent avec le sourire. À un niveau personnel, notre séjour a été marqué par la tragique disparition de notre ami Luca Attanasio, l’ambassadeur d’Italie assassiné au début de cette année dans la région de Goma. Un sentiment d’injustice pour son épouse et ses filles, et pour lui, personnalité si attachante, généreuse et tournée vers les autres.

Avez-vous des regrets ?

Je n’ai pas de regret particulier, mais votre question appelle une réponse prospective parce que notre partenariat ira en se renforçant. Il y a cinq priorités sur lesquelles nous devons continuer à avancer.

La lutte contre l’insécurité et l’instabilité, notamment à l’Est, est une nécessité absolue. La seconde priorité, c’est l’économie, car le développement est la vraie réponse à l’insécurité sur le plan régional et national. Il faudra sans doute accentuer les efforts d’ouverture aux investisseurs internationaux et donc d’amélioration du climat des affaires. Moderniser l’économie, cela va de pair avec l’assainissement et la modernisation des finances publiques, priorité du président Tshisekedi dans laquelle la France est engagée.

Le capital humain est le troisième sujet important. La France est très impliquée dans les domaines de la santé et de l’éducation. L’éducation, c’est la clé pour l’avenir et la gratuité de l’enseignement ne doit pas se faire au détriment de la qualité, c’est-à-dire la formation des enseignants. Le premier institut de formation des maîtres, projet porté par la France, devrait être lancé à la fin de l’an-née. Sur la santé, la France est présente et le sera plus dans les prochaines années sur les deux chantiers prioritaires que sont la couverture santé universelle et la lutte contre les épidémies. Transition écologique, également. Les échéances climatiques se rapprochent et des progrès rapides sont attendus dans la gestion durable des forêts et la contribution des minerais stratégiques ou encore de l’hydroélectricité. La France est aux côtés de la RDC pour apporter son expertise et participer le cas échéant au développement des projets correspondants.

Un dernier point où la RDC et la France devraient coopérer davantage, c’est dans la culture et la francophonie. En effet, l’enjeu est stratégique : la francophonie c’est avoir une langue en partage, mais aussi des valeurs telles que la diversité culturelle. Cette richesse est consubstantielle de l’éclosion et du développement des jeunes talents, dans es domaines artistique, sportif ou encore du numérique.

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