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Commission électorale : tensions politiques en vue avant 2023

La confirmation de Denis Kadima, jugé proche du chef de l’État, à la tête de la Commission électorale (CENI), a jeté le trouble sur la crédibilité des prochaines élections, alors que le président Tshisekedi brigue un second mandat.

Félix Tshisekedi a tranché. « J’ai décidé de signer l’ordonnance désignant les membres du nouveau bureau de la CENI ». Dans une déclaration télévisée, le président a confirmé, le 22 octobre, le choix controversé de Denis Kadima au poste de président de la commission électorale (CENI). Une nomination déjà entérinée par l’Assemblée nationale mi-octobre, mais fortement contestée par deux des huit confessions religieuses chargées de désigner le futur président de la centrale électorale. Les très puissantes églises catholique et protestante avaient refusé de valider Denis Kadima, qu’elles jugeaient trop proche de Félix Tshisekedi. Pour preuves, les religieux ont avancé les pressions, les menaces et les tentatives de corruption du camp présidentiel pour imposer cet expert électoral, pourtant internationalement reconnu. Des accusations aussitôt relayées par l’opposition qui redoute que la présidentielle de 2023 ne soit « biaisée » et organisée dans l’unique objectif de faire réélire Félix Tshisekedi.

Dilemme cornélien

Le chef de l’État avait-il d’autres choix que de signer l’ordonnance de nomination de Denis Kadima pour éviter la crise politique ? Le problème, c’est que Félix Tshisekedi n’avait que de mauvaises solutions devant lui face au tollé soulevé par la candidature Kadima.

En la validant, il provoque une crise ouverte avec le FCC de Joseph Kabila, Lamuka de Martin Fayulu, mais également avec certains de ses alliés de l’Union sacrée, et notamment Ensemble de Moïse Katumbi.

Mais surtout, Félix Tshisekedi risque de se mettre à dos la très puissante Église catholique et les protestants, qui ont tous les deux récusé Denis Kadima. À l’inverse, si le chef de l’État avait refusé de valider la nomination de Kadima, il se brouillait avec les autres six confessions religieuses et pouvait être accusé de vouloir retarder le processus électoral, et faire glisser le calendrier pour se maintenir au pouvoir.

Tshisekedi tente de rassurer

Pour les proches du président, certes, il y a des mécontents, et un front anti-Tshisekedi, de Fayulu à Kabila, est clairement en train de voir le jour, «mais le chef de l’État tient à tout prix à organiser les élections dans les délais et c’est le plus important». Une question de crédibilité, notamment vis-à-vis de ses partenaires internationaux. Pour contrer la tempête qui s’annonce, Félix Tshisekedi a tenté de rassurer. Tout d’abord en expliquant que la désignation des membres de la CENI s’était déroulée « de manière régulière » malgré l’absence de consensus, et en précisant «qu’une majorité claire s’était dégagée». Le chef de l’État a enfin annoncé la nomination d’un responsable du bon déroulement et du suivi des élections.

Des déclarations de bonnes intentions

Le très actif porte-parole du gouvernement est également venu à la rescousse du président Tshisekedi pour calmer la contestation. «Le processus électoral n’est pas l’œuvre d’une seule personne, fut-il président de la CENI » s’est défendu en conférence de presse Patrick Muyaya. Pour garantir la crédibilité du scrutin, le gouvernement a également assuré que des organisations nationales et des missions d’observation internationale seront associées au processus électoral de 2023. Des missions internationales que Joseph Kabila n’avait pas autorisées en 2018. De son côté, Denis Kadima, très discret depuis le début de la polémique, s’est fendu d’un court message sur Twitter pour «s’engager à offrir à (son) pays, avec l’appui, la contribution et l’engagement de tous, des élections crédibles, inclusives et transparentes». Mais ces déclarations de bonnes intentions seront-elles suffisantes à garantir des élections non truquées en 2023 ? Pas si sûr.

«Il faudra faire avec»

Pour la chercheuse Ida Sawyer, du Wilson Center, «les Congolais sont bien conscients des risques associés aux institutions électorales qui manquent d’indépendance». Et de rappeler ce que certains ont tendance à oublier: l’élection contestée de 2018 dont Félix Tshisekedi a été le grand gagnant, après des tractions secrètes avec Joseph Kabila.

Reste donc à savoir si Félix Tshisekedi sera capable de ne pas reproduire les erreurs du passé en 2023 ? C’est le grand défi qui attend le président pour les mois à venir. Pour le moment, la désignation contestée des membres de la CENI et de son président n’envoie pas un très bon signal, comme le relève le militant pro[1]démocratie, Carbone Beni. «Le cas Denis Kadima est un peu semblable à la machine à voter de Corneille Naanga. Très décriée, mais utilisée au final. Le bureau est déjà là, et il faudra faire avec, en mettant en place un mécanisme de contrôle électoral efficace. À Denis Kadima de prouver qu’il était accusé à tort». Le nouveau président de la CENI devra rapidement faire ses preuves. Le temps presse pour organiser les élections de 2023 dans les temps. Il faudra trouver les finances nécessaires, recenser la population, enregistrer les électeurs… le tout dans un timing très serré et avec un budget des plus contraints.

Par Christophe Rigaud

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