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Les critères ESG et l’accès aux financements étrangers pour les entreprises en RDC

Depuis quelques années, les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) deviennent une priorité de plus en plus pressante pour les États et, par conséquent, pour les investisseurs institutionnels

Auteurs: Henri Plessers Mboyo (Financialis, RDC) et Pierre Faddoul (Square Associates, Singapour)

Un nombre croissant d’entreprises en RDC se tourne vers l’étranger pour se financer en dette ou en capital. Depuis quelques années, les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) deviennent une priorité de plus en plus pressante pour les États et, par conséquent, pour les investisseurs institutionnels tenus, en parallèle des paramètres classiques, de les prendre en compte dans leurs processus d’engagement. À l’heure où la COP26 et les enjeux du développement durable sont au cœur de l’actualité, penchons-nous sur les critères ESG et leur impact sur l’accès aux financements étrangers pour les entreprises en RDC.

ESG, de quoi s’agit-il ?

Le sigle «ESG» renvoie aux facteurs environnementaux (normes environnementales, gestion des déchets, prévention des risques liés aux catastrophes industrielles, etc.), sociaux (intérêts et bien-être des personnes et des communautés, prévention des accidents du travail, travail des enfants, etc.) et de bonne gouvernance (qualité de la gestion et de la surveillance, lutte contre la corruption, profil des actionnaires, etc.) qui servent à l’évaluation d’un acteur économique en parallèle des paramètres traditionnels (rentabilité, valorisation et perspectives de croissance).

Pourquoi les facteurs ESG sont-ils de plus en plus importants pour les investisseurs institutionnels ?

On assiste à une mutation du cadre légal et réglementaire en faveur du développement durable dans de nombreux pays depuis quelques années, et cette dynamique s’est particulièrement accélérée avec l’Accord de Paris adopté en 2015 par 196 pays en vue de lut[1]ter contre le changement climatique, mais aussi face à la force des interpel[1]lations de la communauté scientifique et des groupes de pression. Il s’agit de taxes instaurées en vue d’influencer les comportements, de l’orientation des programmes de coopération interna[1]tionale, y compris pour les institutions financières de développement (SFI/ IFC, BIO, Proparco, KfW, etc.), et de nouvelles réglementations axées sur le rôle que devraient jouer les marchés de capitaux.

C’est le cas notamment avec le règlement européen SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) qui traite des exigences en matière de cohérence, de pratiques de divulgation et de transparence des acteurs des marchés financiers au sein des États membres de l’UE. Un cadre se met ainsi en place pour imposer des règles en ce qui concerne l’intégration des risques de durabilité et la prise en compte des impacts négatifs sur la durabilité dans leurs processus d’investissement et de conseil.

La réglementation n’est pas seule à réduire la taille de l’univers d’investissement. Aux USA, pays qui a signé son retour dans l’Accord de Paris en février 2021 seulement, le nombre de résolutions d’actionnaires présentant le développement durable comme thème central est en hausse constante depuis plusieurs années comme l’indiquaient déjà Karen Ward et Jennifer Wu de la banque J.P. Morgan Asset Management dans un article publié en 2019.

On ne peut pas prétendre qu’à ce jour les pratiques soient généralisées à l’échelle de la planète. Mais à moyen terme, on peut anticiper qu’à mesure que les menaces environnementales grandiront, d’une part, les politiques gouvernementales s’intensifieront, et, d’autre part, les investisseurs institutionnels devront pouvoir tenir compte des critères ESG pour leurs décisions d’investissement de la même manière qu’ils prennent en considération les variables classiques.

Dans le contexte de la RDC, les dirigeants d’entreprises peuvent-ils s’ouvrir à cette démarche ?

La durabilité semble s’imposer comme thème futur pour le financement des entreprises à travers la planète, et pas seulement parce que l’œil de l’investisseur se tourne de plus en plus sur les critères ESG. Il est donc important de savoir au moins dans les grandes lignes de quoi il en retourne.

A ce jour déjà, des pays comme la France ou les USA élèvent progressivement le niveau d’exigence des mécanismes de traçabilité et de certification des importations pour différents produits agricoles.

Depuis quelques années, l’influence des facteurs environnementaux et sociaux ne cesse de grandir auprès des consommateurs et des épargnants dans l’hémisphère nord. L’aversion pour le plastique à usage unique en est un exemple, et cette tendance ne cessera de se confirmer si l’on en croit différentes enquêtes qui indiquent, en prime, que les nouvelles générations apprécient de voir leur épargne travailler en accord avec les critères ESG. Enfin, dans une perspective d’investissement à long terme, la question de la durabilité ramène à la durée de vie des filières elles-mêmes. L’enjeu est de prendre en compte l’espace-temps durant lequel une ressource sera disponible ou un actif devra être maintenu en état dans les conditions d’exploitation et de rentabilité acceptables. Cela revient par exemple à mesurer – et à considérer les contre-mesures – l’épuisement d’une ressource minière en fonction de ses conditions d’exploitation, l’impact de l’industrie des sables bitumeux sur l’environnement et les conséquences directes et indirectes sur d’autres activités économiques, l’incidence du réchauffement climatique sur les cultures de café dans une zone donnée, etc. Il en va donc de la pertinence économique de l’investissement en lui-même dans une perspective à long terme, au regard des risques révélés par les critères ESG. Pour l’entreprise, il va de soi que l’intégration de ces facteurs revêt une véritable signification auprès des investisseurs institutionnels. Il faut également considérer que les financements durables sont et seront de plus en plus disponibles, et que si le marché accorde aujourd’hui une prime à la durabilité, il pourrait demain donner un handicap à ceux qui choisissent de ne pas s’y intéresser.

Les grandes entreprises ne seront pas les seules à devoir s’intéresser au respect des critères ESG pour recevoir des financements. Les startups et les PME ont aussi intérêt à anticiper le moment où cette grille d’analyse s’imposera dans les processus de sélection des apporteurs de fonds.

Les investisseurs disposent d’une variété de stratégies pour prendre en compte les facteurs ESG dans un processus de financement, allant de leur simple intégration dans la prise de décision, jusqu’à l’investissement à impact avec un objectif spécifique de durabilité. Si le but est toujours de mesurer le potentiel de l’entreprise à créer durablement de la valeur, certains critères prendront le pas sur d’autres en fonction de l’origine ou du profil de l’investisseur Tout au moins, il est nécessaire de comprendre l’évolution de leurs positionnements et de leurs préférences. Nous en soulignons les principaux éléments dans le tableau ci-après. Il appartiendra à l’entreprise de s’approprier convenablement l’approche de son interlocuteur, et, pourquoi pas, de proposer également un projet intégrant le développement de la démarche ESG qui convient dans l’affectation des fonds mobilisés.

*Financialis ACM (RD Congo) et Square Associates (Singapour) travaillent en partenariat pour fournir des services de conseil stratégique, opérationnel et financier appropriés, complets et sur mesure aux entreprises publiques et privées à différents stades de leur croissance.

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