Une sélection, non exhaustive, des grandes rencontres et interviews de la rédaction de M&B Magazine en 2022. Des écrivains, des juristes, des femmes leaders d’entreprises, des PDG et des chercheurs nous ont fait confiance. Notre sélection avec un lien ou QR code vers l’entretien complet en version numérique ou dans notre magazine papier.
Philippe Baudrier
Directeur marketing d’Eutelsat, entreprise qui compte lancer la révolution de l’Internet par satellite à petit prix. En RDC, Konnect couvre 100% du territoire congolais.
Que peut apporter votre service à la République démocratique du Congo ?
Notre satellite Konnect couvre 40 pays de la zone subsaharienne et 100% du territoire de la RDC. Dans les grandes villes ou les hameaux les plus reculés ou par exemple autour de Goma, Bukavu, Tshikapa ou Mbuji-Mayi, vous pouvez désormais avoir une connexion de qualité. Nous sommes aujourd’hui capables de raccorder des villages entiers là où vous n’avez aucune connexion ou seulement de la 2G/3G.
Parlons prix, s’il vous plait !
Aujourd’hui, nous proposons 50 mégabits par seconde sur l’ensemble de la RDC, a des prix très abordables puisque nous commençons a 25 dollars par mois pour une antenne individuelle. A partir de 70 dollars, on peut s’offrir une connexion illimitée pour une école. S’agissant du matériel, l’entrée de gamme du kit c’est 150 dollars plus le cout d’installation. C’est très facile à poser. En une heure, le foyer ou l’entreprise est branchée.
Jean-Jacques LUMUMBA
Lors du retour de la dépouille de Patrice Lumumba, inhumée jeudi 30 juin 2022 à Kinshasa, son petit-neveu et militant anti-corruption, Jean-Jacques Lumumba, revenait sur l’héritage politique de son grand-oncle et le long chemin qu’il reste encore à parcourir pour davantage de justice sociale 62 ans après l’indépendance.
Quel est le message politique que vous souhaitez que l’on retienne de Patrice Lumumba ?
Le plus grand message de Lumumba, c’est que sans justice, il n’y a pas de liberté. Et que sans dignité, il n’y a pas d’hommes libres. Lumumba était l’un des chantres de la justice sociale. Il s’est battu contre les injustices à tous les niveaux. Lumumba s’est battu pour qu’il y ait du pain pour chacun.
62 ans après l’indépendance, le Congo reste un pays extrêmement pauvre, avec une guerre à l’Est qui n’en finit pas. La route est t’elle encore longue pour sortir le pays de cette situation ?
Tout reste à faire au Congo parce que nous avons tous contribué à détruire les structures de l’État. Quand on assassine Lumumba, on assassine la démocratie.
Quand la morale n’est plus là, quand la classe politique ne vise pas l’intérêt général,
le sens même de l’État est détruit. Et s’il y a des responsables à désigner, ce sont les dirigeants politiques congolais. Tout est à refaire dans ce pays, en commençant par la justice et la sécurité bien sûr. Il faut également reconstruire « l’Homme congolais » par l’éducation. Il faudra, pour cela, investir dans la culture, l’éducation, le civisme et le patriotisme dont nos enfants ont tant besoin. Ce sont les principaux outils qu’il nous faut mettre en place pour lutter contre le mal absolu qui nous ronge et nous tue : la corruption. On connaît les « ennemis internes du Congo » comme le disait Lumumba. Ce sont nos propres frères, nos propres dirigeants. J’en appelle à la responsabilité de chaque Congolais. C’est le message de Lumumba : chaque Congolais doit défendre sa souveraineté.
Jason STEARNS
Président du conseil consultatif du Groupe d’Étude sur le Congo et professeur adjoint d’études internationales à l’Université Simon Fraser, Jason Stearns travaille sur la dynamique des conflits en Afrique centrale depuis 2001. Entretien sur son dernier livre, « La guerre qui ne dit pas son nom ».
Est-ce qu’il y a eu des rendez-vous manqués ?
Au début de la transition, après 2003, on avait l’impression que le Congo allait dans la bonne direction. On l’oublie parfois, mais le début de la transition a vu la démobilisation de 130 000 soldats, la création de nouvelles institutions démocratiques et la naissance de la Troisième République. La tendance était très positive. À cette époque-là, je travaillais pour la Monuc (la Mission de l’Organisation des Nations unies en République démocratique du Congo), et on voyait comment la situation s’améliorait pour les Congolais. Mais tout a basculé en 2007 avec l’arrivée de la nouvelle rébellion de Laurent Nkunda. Pour comprendre ce basculement, il faut revenir à l’Accord global inclusif de 2002 qui contenait déjà les germes d’un nouveau conflit. Trois grands belligérants avaient signé cet accord : le RCD, le MLC et le gouvernement. Mais le RCD, qui contrôlait à l’époque 1/3 du territoire national, estimait que l’accord ne lui était pas favorable, et qu’il allait perdre aux élections. Or, pour réussir une transition, il faut que tous les signataires aient l’impression que l’accord leur est favorable. Le RCD, avec son soutien, le Rwanda, a donc décidé de créer une rébellion : le CNDP. Tout est parti de là.
Pourquoi le Rwanda s’est-il alors impliqué dans l’Est du Congo ?
Ce que j’ai compris en menant de nombreux entretiens, c’est que les deux arguments principaux dénoncés par les Congolais sur l’implication du Rwanda au Congo, à savoir : les richesses du pays et l’ethnie, ne sont pas les plus importants.
Le Rwanda n’est pas à l’Est du Congo à cause de l’argent ou d’une solidarité ethnique avec les Tutsis congolais. Le Rwanda est présent davantage pour des raisons de politique intérieure. La légitimité du FPR du président Paul Kagame provient de son rôle de protecteur des Tutsis rwandais. C’est lui qui a mis fin au génocide des Tutsis. Et ce spectre du génocide plane sur tout ce que fait le Rwanda à l’extérieur, mais aussi en interne. Et donc, il était important pour conserver cette légitimité d’être présent dans le pays où les génocidaires ont fui : c’est-à-dire l’Est du Congo – même si cela n’est plus une menace sécuritaire pour le Rwanda.
Enfin, la menace la plus importante pour Paul Kagame ne provient pas des FDLR du Congo, mais de sa propre armée. Le président rwandais a continué les opérations à l’Est du Congo pour focaliser l’énergie du FPR et ses soldats sur une menace à l’extérieur du pays, plutôt qu’à l’intérieur. Lorsque la menace peut venir de votre propre armée, il est très dangereux de la laisser «au chômage». C’est une question de survie politique pour Paul Kagame.