Les chefs d’Etat de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) ont appelé ce week-end à un « cessez-le-feu immédiat », un « retrait des groupes armés », et ont annoncé l’envoie de nouvelles troupes pour mettre fin au conflit dans l’Est du Congo. Des dispositions déjà négociées en novembre dernier à Luanda, mais qui sont restées sans effet sur le terrain militaire, où les rebelles continuent de progresser dans le Masisi.
Deux mois après la feuille de route de Luanda, la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) remet le couvert à Bujumbura. Une nouvelle fois, les chefs d’Etat de la région se sont accordés pour exiger un « cessez-le-feu » et un retrait de tous les groupes armés. Mais ce qui n’a pas été respecté à Luanda, le sera-t-il à Bujumbura ? Les mesures prises en Angola en novembre dernier n’avaient eu aucun impact sur le terrain. Le M23 s’était certes retiré de deux de ses positions, à Kibumba et Rumangabo, mais les rebelles ne s’étaient pas repliés comme convenu vers l’Est, et en avaient profité pour avancer vers l’Ouest et occuper de nouvelles localités dans le Masisi. Une fois de plus, l’armée congolaise est restée impuissante face aux coups de boutoir des rebelles, et la force est-africaine s’est contentée d’observer l’avancée du M23 en simple spectatrice. Les discussions de Luanda n’ont donc pas permis de modifier la physionomie du conflit, et la région se retrouve plus que jamais dans une impasse inquiétante. En poursuivant sa progression vers l’Ouest, la rébellion cherche désormais à contourner la forte présence militaire autour de Goma pour tenter de prendre la ville-verrou de Sake, qui couperait ainsi la capitale du Nord-Kivu de tout ravitaillement par la route.
Une force africaine contestée
A Bujumbura, la présence de Félix Tshisekedi et de Paul Kagame, accusé de soutenir le M23, n’a produit aucune avancée. Le communiqué du sommet de Bujumbura ressemble comme deux gouttes d’eau à celui de Luanda. Outre le cessez-le-feu et le retrait des groupes armés, la force est-africaine promet de continuer de se déployer dans la région. Le hic, c’est que cette force n’a pas fait ses preuves pour le moment, et n’est visiblement pas disposée à faire la guerre au M23. Elle n’est pour le moment qu’une simple force d’interposition, à l’image de la Monusco, très discrète dans ce conflit avec le M23.
La force de l’EAC est en train de prendre le même chemin que la mission des Nations unies au Congo, provoquant de la même manière l’hostilité des populations locales, qui ne comprennent pas sa passivité et dénoncent les « zones tampons » créées par sa présence. Si les forces rwandaises ont bien été exclues de la force régionale, après les révélations du soutien de Kigali au M23, la présence de l’Ouganda commence à faire polémique.
Le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU affirme en effet que Kampala servirait de base arrière et de soutien aux rebelles. Ce qui renforce davantage la défiance des Congolais envers les militaires kényans de l’EAC.
Impasse et dialogue de sourds
Ce qui est inquiétant, c’est qu’on ne voit pas de porte de sortie au conflit. Les revendications du M23 sont ignorées par Kinshasa, qui refuse le dialogue, l’armée congolaise n’arrive pas à inverser le rapport de force militaire sur le terrain, et les militaires est-africains se cantonnent au simple rôle d’observateurs. Entre la RDC et le Rwanda, on est désormais entré dans un véritable dialogue de sourds, où chacun s’accuse de « génocide ». Kinshasa dénonce le soutien de Kigali au M23, alors que Kigali accuse Kinshasa d’utiliser les FDLR comme supplétif pour lutter contre le M23. Sans modification de la situation militaire, seule la négociation politique semble être en mesure de débloquer cet imbroglio sécuritaire qui plonge l’Est du Congo dans une guerre sans fin depuis bientôt 30 ans. Le communiqué de Bujumbura prône bien le dialogue pour sortir de l’ornière. Mais pour l’instant, personne ne veut négocier en position de faiblesse.
Christophe Rigaud – Afrikarabia