Il aime les défis et fait fi des critiques. Ils furent nombreux.
L’entrepreneur congolais Éric Monga et ses partenaires ont tenu leur pari, la livraison de la centrale photovoltaïque de Lumbwe est prévue bientôt. L’homme est dans l’action, il s’exprime, mais sur son terrain favori : le site de son projet. Un reportage exclusif de M&B à Fungurume.
Bonjour Éric Monga. Merci de nous accueillir sur le site de votre centrale photovoltaïque de Fungurume. Nous sommes à 100 kilomètres de Kolwezi, près de la mine de Tenke Fungurume. Fin décembre 2022, vous avez posé la première pierre de la construction d’une centrale solaire dont le projet est porté par Kipay Energy, qui produira, en 2024, 48 Mégawatts d’énergie solaire. Tout d’abord, à qui est destinée l’électricité qui sera produite par les panneaux photovoltaïques ?
C’est très simple, ma priorité ce sont les ménages. Fungurume est une ville qui est passée de 30 000 habitants à 300 000 habitants en à peine 10 ans. Seul 1% de la population a accès à l’électricité. Dans un premier temps, l’essentiel de notre production d’énergie ira à la population. Par la suite, l’énergie solaire produite par la centrale de Lumbwe pourra profiter aux opérateurs économiques de la région. La capacité, pour l’instant, c’est 2,4 MWc en solaire plus 1,8 MWh en stockage. Notre objectif est d’alimenter la population de Fungurume en injectant l’électricité produite par le solaire dans le réseau SNEL.
Vous êtes un entrepreneur et homme d’affaires également connu pour votre grand intérêt par l’énergie. Vous êtes également impliqué dans la construction du barrage de Sombwe dans le Mitwaba à proximité Kiubo. Quelle est cette « énergie » qui vous motive ?
Je dois vous rappelle que dans la région où nous vivons en RDC le déficit énergétique est supérieur à 3500 mégawatts dont 1500 MW dans l’industrie minière. Alors que vous pouvez imaginer que tout nouvel apport en énergie électrique est le bienvenu. Inga on en parle depuis plus de 20 ans, mais ce n’est pas la seule voie pour l’électrification de la RDC ! L’ambition de Kipay Energy est de contribuer à la réduction du déficit d’énergie en RDC.
Revenons sur la centrale de Lumbwe à Fungurume. Vous avez dû vous battre contre un certain nombre de détracteurs et d’oppositions. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai été critiqué, car dansNous nous sommes battus contre les l’idées de certaines personnes, que les un Congolais ne peuvent t pas mettre oeuvre un tel projet ni le concrétiser ni même entreprendre des projets complexes. Je suis fier de montrer qu’on peut le faire. Mais je ne l’ai pas fait seul, il y a toute une équipe Congolaise derrière moi qui est composée également de jeunes ingénieurs et techniciens congolais très qualifiés. Ce sont les meilleurs du Congo.
C’est vrai, il y a eu de la jalousie. Certains concurrents nous voyaient marcher sur leurs platebandes et ne se sont pas privés de nous le dire. On nous a accusés de tout pour nous bloquer même de « voler » le courant de la SNEL. Nous avons été en justice, mais la justice nous a évidemment donné raison puisqu’il n’ avait rien de vrai dans toutes ces allégations.
Le site de la centrale s’étend sur sept hectares. 78 tables portant chacune 56 panneaux solaires. Vous projetez de produire 46 mégawatts d’électricité en 2024. Cela sera le plus important projet solaire privé en RDC. Racontez-nous le commencement ?
Mes projets autour de l’énergie ont deux volets. Le solaire et l’hydro. Lorsque l’eau diminue généralement en septembre et octobre, je compense mon énergie par le solaire. Donc on ferme nos machines, l’eau monte dans les réservoirs. Je ferme la vanne à 6 h du matin, l’eau monte, vers 18 h, on a beaucoup d’eau. Ainsi de suite. Pendant ce temps, je remplace cette énergie par les champs solaires. Ils peuvent être installés près de l’endroit où l’énergie entre dans les réseaux de SNEL.
Nous avons commencé bien sûr par des études. Une fois les études achevées, le lieu choisi, on est passé à la commande de matériel. Puis nous avons commencé la construction. J’ai été très discret pour ne pas attirer l’attention de certains opposants. J’ai fait le mort. Je sais bien faire.
Quels matériel et technologie avez-vous choisis ?
Beaucoup croyaient que j’allais choisir une technologie normale, et d’ailleurs ils ne se sont pas privés d’essayer de me barrer l’accès aux fournisseurs de cette technologie. Il a donc fallu être plus malin. J’ai choisi de commander directement les panneaux solaires en Chine.
Un grand fabricant français de panneaux m’avait communiqué l’adresse d’un des meilleurs fabricants chinois. Nous avons fait du « sur mesure » puisqu’on avait besoin de gros panneaux.
Quand on a embarqué la marchandise, il y a eu des manœuvres militaires dans la mer de Chine à cause des problèmes à Hong Kong. Cela a retardé notre bateau de 35 jours. Arrivée à Kasumbalesa, la marchandise a encore connu 10 jours de retard à cause de la file des camions et la grève des transporteurs surtout à la douane. On était censé terminer en décembre, nous avons deux mois de retard sur le planning.
La centrale solaire de Fungurume s’appuiera sur la technologie Tracker. C’est un système qui permet aux panneaux solaires de suivre automatiquement la position du soleil. La rotation automatique des panneaux solaires pourra atteindre -55 à +55 degrés.
Cette technologie utilise des capteurs d’irradiation solaire, de vent et de température pour pouvoir suivre le mouvement du soleil en temps réel. Le grand avantage de cette technologie très innovante est qu’elle nous permettra d’augmenter la production d’énergie de 10 à 15% par rapport à une centrale solaire orientée dans une seule direction.
Avec une production prévue de 4.967,63 MWh par an, Ll’installation représenteera actuellement la plus grande centrale solaire photovoltaïque privée en RDC en plus avec la technologie de tracking. Elle sera raccordée par une ligne de transmission à une sous-station de la SNEL, située à 7 km de la concession.
Nous suivons trois étapes de construction. D’abord la Phase 1 que nous livrerons en avril avec une installation photovoltaïque qui produira 2,43,6 MWc. En décembre 2023 nous aurons terminé la Phase 2. La production passera alors à 10 MWc.
Et pour finir, en 2024 avec la Phase 3 où nous ambitionnons de produire 46 MWc en photovoltaïque. Pour le moment, nous sommes en phase 1, l’installation photovoltaïque c’est 4.36827 modules PV sur 78 tables dont nous venons justement de célébrer la dernière pose. Ces tables sont contrôlées par un système de traçabilité pour améliorer leur rendement.
En matériel il y a un système de stockage d’énergie par batterie, un convertisseur de puissance en tant qu’interface entre les panneaux et la batterie pour la charge et la décharge du système de stockage. C’est important de préciser que nous pesons favorablement sur l’économie de CO2 avec 55.470.000 kg d’émissions de CO2 en réduction par an. Je suis fier de le mentionner.
Kipay Energy soutient l’expertise locale pour l’innovation. Vous vous entourez toujours de jeunes talents et vous n’hésitez pas à confier le développement de l’expertise de votre projet de jeunes ingénieurs et entrepreneurs congolais.
Oui en effet. C’est une autre fierté. Nous avons confié l’expertise technique et la mise en œuvre du projet à des sociétés congolaises, Smart Congo, LBK et EKMM. Le renforcement des compétences nationales s’est la clé du succès et du développement du secteur de l’énergie verte en RDC. Et notre contribution, à nous Kipay Energy, est de préparer le secteur de l’énergie au Congo pour les générations futures. Cette capacité à travailler ensemble pour un même idéal est la meilleure expérience personnelle que je tire de cette grande aventure. À travers ces mots, j’exprime ma reconnaissance et mes remerciements à tous mes partenaires et ceux qui me font confiance.
De mémoire, le budget du projet de la centrale hydroélectrique de Sombwe dans le Mitwaba était autour de 400 millions de dollars. Des oppositions vous reprochaient de construire un barrage trop près d’un parc national. Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur le sujet ?
Il y a plusieurs barrages et projets dans les parcs nationaux Congolais , mais le nôtreOui le projet du barrage est près d’un parc national, non pas àmais pas à l’intérieur. Les oppositions ont été levées par le gouvernement et nous travaillons de près avec l’ICCN.
Comme le projet de la centrale solaire de Fungurume, ce projet répond aux objectifs fixés par le Président de la RDC dans son plan d’action pour le développement des 145 territoires.
L’objectif est d’apporter des solutions concrètes pour les secteurs de l’eau, de l’électricité, de l’éducation et des infrastructures routières. Il faut quand même savoir que le déficit énergétique au Congo est abyssal. Moins de 10% de la population dispose d’un accès à l’électricité et moins de 1% de la population dans les zones rurales. La population du territoire nous a également apporté son soutien comme leur chefs coutumiers, et les prêtres, tous ceux qui ont cru en cette idée.
Ça, c’est la première chose. Ensuite, Il n’y a rien de moins polluant que l’énergie hydraulique, ceci étant, le volet pour la conservation de la nature fait partie intégrante du projet. Nous sommes très attachés à la protection de l’environnement, à sla conservation. Nous avons travaillé et éelaboréà la préparation d’une Étude d’impact environnemental et social (EIES) pour évaluer l’impact du projet Sombwe.
Les parties prenantes sont toutes impliquées et notre priorité est d’assurer une communication transparente de toutes les concertations www.sombwedialogue.com. Je veux ajouter que ce projet est congolais et il est porté par les meilleurs du Congo et aussi les meilleures expertises et compétences venues de l’extérieur. Des scientifiques, ingénieurs, des topographes, des géologues , les hommes de terrain. La centrale hydroélectrique produira 166 MW d’électricité qui sera transmise par une ligne de haute tension de 2065 km qui relie Sombwe à la sous- station de Fungurume.
L’énergie verte est aujourd’hui un enjeu pour le développement socio-économique durable de la RDC.Je note avoir subit beaucoup de pressions menaces (ôte toi que je m’y mettes ) ainsi que des propos racistes et mensongers parce que je suis noir et Congolais.
Une dernière question, que signifie Kipay ?
EM : (rires) Ah ! C’est une bonne question : Un nom , une philosophie , un symbole qui designe la montagne de cuivre !
Par Marie-Aude Delafoy – Photos ODelafoy pour Photo.Africainside
15 mars 2023.