Une nouvelle usine de transformation du cuivre et du cobalt sera construite en RDC pour traiter le minerai industriel ainsi que la plupart des minerais artisanaux dans un contexte de forte demande de minerais cruciaux pour les véhicules électriques.
Le projet, développé par la société congolaise privée Buenassa Sarl en collaboration avec l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) dirigée par Éric Kalala, devrait coûter environ 350 millions de dollars selon les chiffres révélés par Bloomberg. Delphos International Ltd., une société de conseil financier basée à Washington, figure parmi les investisseurs du projet selon les représentants des deux sociétés et du gouvernement.
Selon le média spécialisé, « l’implication de Delphos souligne un intérêt croissant des gouvernements occidentaux pour garantir la sécurité d’approvisionnement en minéraux stratégiques tels que le cuivre et le cobalt, tout en réduisant la dépendance à l’égard de la Chine ». Delphos collabore étroitement avec le gouvernement américain, se spécialisant dans le financement du développement et du crédit à l’exportation. Selon Roya Rahmani, présidente de Delphos International, le projet Buenassa est « tout à fait aligné sur les objectifs géopolitiques des États-Unis ».
Un accord américain pour soutenir un plan entre la RDC et la Zambie visant à développer une chaîne de valeur pour les véhicules électriques a été un élément clé derrière la décision de la société de s’engager dans le projet de la fonderie, a-t-elle ajouté. Le gouvernement de la RDC compte valoriser le potentiel du pays en multipliant des partenaires stratégiques et en misant sur une expertise locale, une ambition affichée lors de l’édition 2023 du Forum Battery Metals.
Inverser la tendance
Buenassa, détenue par l’homme d’affaires congolais Eddy Kioni, travaille avec Entreprise Generale du Cobalt, société de l’état qui régule l’artisanat minier congolais. EGC a du mal à mettre en place ses opérations depuis sa fondation en 2019 pour formaliser et améliorer les conditions de l’exploitation minière artisanale.
« L’idée est d’inverser la manière dont les minéraux et la richesse générée sont contrôlés », a déclaré Kioni à Bloomberg.
À New York, le président Félix Tshisekedi n’a pas donné de détails sur cet accord. La RDC exige un plus grand contrôle de l’accord et M. Kioni a affirmé que Buenassa pourrait bénéficier des renégociations.
Initialement, Buenassa prévoyait de produire 30 000 tonnes de cathodes de cuivre et 5 000 tonnes d’hydroxyde de cobalt, principalement provenant des centaines de milliers de Congolais qui extraient ces minéraux à la main. Après cet accord, Eddy Kioni prévoit désormais une expansion du projet avec le soutien de Delphos et du gouvernement.
La nouvelle usine permettra « que tout le cobalt du secteur artisanal puisse être concentré dans cette raffinerie », a déclaré le ministre de l’Industrie, Julien Paluku.
Buenassa traitera également le minerai industriel pour assurer la rentabilité de la fonderie. L’entreprise est en pourparlers avec un négociant en matières premières basé aux États-Unis pour commercialiser la production, a ajouté Kioni, refusant de préciser lequel.
Un géant minier au cœur de la transition énergétique mondiale
La RDC, un des principaux exportateurs de matières premières au monde, se situe encore au bas de la chaîne de valeur mondiale du cobalt, ne captant actuellement que 3% d’une valeur qui devrait atteindre 300 milliards de dollars USD par an d’ici 2030 selon le Professeur Jean-Baptiste Ntagoma de Congo Challenge et de l’Université Catholique de Bukavu.
Une étude Bloomberg, cité par le spécialiste, évalue les coûts de production des précurseurs de batterie électriques (MNC) en RDC à 39 millions USD, soit environ trois fois inférieures par rapport aux États-Unis (117 millions USD) et à la Chine (112 millions USD) et deux fois inférieures par rapport à la Pologne (65 millions US).
La plupart des minéraux de la RDC sont exportés actuellement vers la Chine pour le raffinage final. Les deux pays ont un accord de 6,2 milliards de dollars, ” minéraux contre infrastructures”, actuellement en cours de renégociation pour créer « une nouvelle aventure » entre eux, veut croire Félix Tshisekedi.
En juillet, un projet de loi qui visait la Chine avait été introduit à la Chambre des représentants des États-Unis par le représentant républicain du New Jersey Chris Smith qui affirmait “qu’elle a recours au travail forcé et à l’exploitation des enfants pour extraire le cobalt en RDC ». L’objectif de cette mesure était d’interdire les produits importés contenant des minéraux essentiels aux batteries des véhicules électriques, extraits par le travail des enfants et dans d’autres conditions abusives en RDC. La Chine, qui compte plusieurs investissements dans le secteur minier congolais, pourrait être parmi les principaux concernés d’une mise en application de cette mesure. « Le Parti communiste chinois exploite les vastes ressources en cobalt de la République démocratique du Congo pour alimenter son économie et son programme mondial, sur le dos des travailleurs victimes de la traite et des enfants qui travaillent », avait déclaré le bureau de M. Smith après la présentation du projet de loi en juillet dernier.
La RDC fournit environ 70% du cobalt mondial et est l’un des trois premiers producteurs de cuivre, le pays jouera un rôle clé dans la transition mondiale vers les énergies vertes, affirment les spécialistes. La production minière congolaise reste dominée par les mines industrielles appartenant à des entreprises étrangères telles que Glencore Plc et le China’s CMOC Group Ltd., mais le gouvernement et l’industrie sont sous pression pour améliorer les conditions des mineurs artisanaux, qui creusent à la main dans des conditions souvent dangereuses. Selon Amnesty International, plusieurs habitants du Lualaba ont perdu leurs domiciles suite à l’activité minière dans la province.
Sources Bloomberg, Mines.cd et Associated Press
M&B