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Entretien avec Éric Kalala, Directeur général d’EGC

Mieux redistribuer la richesse, voici un des nombreux défis de l’Entreprise générale du cobalt. M&B s’est entretenu avec, Éric Kalala, nommé à la tête de l’EGC par le Président Tshisekedi en aout 2023.

Mieux redistribuer la richesse, voici un des nombreux défis de l’Entreprise générale du cobalt. M&B s’est entretenu avec, Éric Kalala, nommé à la tête de l’EGC par le Président Tshisekedi en aout 2023. Avec cette nomination, le Président congolais espère donner un nouveau souffle à la filiale de la Gécamines, quelque peu délaissée depuis sa création en 2019.

Éric Kalala, pourriez-vous vous présenter ?

Je suis Directeur général de l’Entreprise Générale du Cobalt. Je suis en charge depuis 6 mois de ce nouveau projet. Mais en fait, j’ai plus de 20 ans d’expérience dans la logistique avec Bolloré Transport & Logistics RDC devenue AGL RDC. J’ai une formation dans la finance d’entreprises et en Commerce international, j’ai ainsi précédemment occupé le poste de Président Directeur général d’AGL RDC sa, présente entre autres dans la logistique minière. Dans un tout autre domaine, j’ai également été Président de GVA RDC et ainsi participé au lancement de Canal box en RDC par le déploiement de fibre dans les foyers HTTX.

En quelques mots, parlez-nous d’Entreprise Générale du Cobalt ? 

Il est en effet question de cobalt. Mise en place sur base du Décret 19/15 du Premier ministre du 5 novembre 2019, EGC est l’entreprise étatique en RDC en charge de la gestion des minerais stratégiques d’origine artisanale. Au sens de la loi congolaise, les minerais stratégiques sont au nombre de trois : le germanium, qui n’est pas produit de manière artisanale en RDC, mais aussi le coltan et le cobalt. EGC est la seule entreprise publique dont le siège social est à Kolwezi, chef-lieu du Lualaba et capitale mondiale du cobalt.

Quels ont été les changements dans l’entreprise depuis que vous êtes en poste ?

Le changement majeur a été la mise en place d’une nouvelle équipe de direction ainsi que d’un nouveau Conseil d’administration. EGC est une entreprise étatique, mais le Conseil d’administration a associé plusieurs compétences qui viennent de différents secteurs : banque-assurance, trading, avocats d’affaires, climat des affaires, mais aussi à des métiers très techniques. Le Gouvernement de la République a voulu mettre en place des expertises qui viennent du privé et tous azimuts pour façonner ce projet primordial pour le pays. 

Parlons des cours mondiaux. Quel est le prix du cobalt aujourd’hui et quelle est la tendance à moyen terme ?

En ce qui concerne le cobalt, les cours sont assez bas, on est aux alentours de 28 700$ la tonne pour l’instant alors qu’on vient de beaucoup plus haut. En effet, on était jusqu’à 95 000$ la tonne en 2018. À ce titre, je rappelle l’intervention du Président de la République lors du Conseil des ministres du 25 août 2023. Il précisait que les cours étaient anormalement faibles et que nous devions agir pour avoir une meilleure maitrise de la commodité, mais aussi pour une meilleure redistribution de la richesse provenant de l’extraction de notre cobalt et de nos minerais. Ces ressources importantes sont épuisables.

D’après des sources indépendantes, 80% des ressources de cobalt connues à ce jour seraient consommées à l’horizon 2050. Nous dirigeons-nous vers une pénurie ?

À ce stade, je pense qu’il est trop tôt pour nous avancer, car il y aura de plus en plus de cobalt recyclé et de nouveaux producteurs comme l’Indonésie en association avec le Nickel. De plus, il y aura plusieurs alternatives technologiques, donc les réserves que nous avons sont encore suffisantes. De plus, la recherche continue pour identifier de nouvelles ressources en RDC. Notre défi est que le RDC prenne ses responsabilités en assurant un sourcing stable, propre et fiable.

Est-il prévu de continuer à développer de nouvelles mines dans le pays ? 

Il est prévu de développer de nouvelles mines. À ce stade, le plus important est de certifier les réserves et d’exploiter de manière efficiente les sites ouverts. À ce propos, des investissements plus conséquents sont dirigés sur la recherche pour avoir une meilleure connaissance de notre sous-sol pas seulement dans les régions connues, mais aussi dans toutes les zones.

La certification des réserves a, semble-t-il, déjà commencé ?

Oui en effet, il y a des travaux en cours. Il y a le BRGM, mais également le Service Géologique National et la Gécamines mettent en place des dépenses d’investissement substantielles dans ce sens. 

Sachant que la RDC concentre 70% des réserves mondiales de cobalt, quels sont les risques et les défis ?

Il s’agit avant tout d’une opportunité extraordinaire pour accélérer notre développement. Notre défi au niveau d’EGC, c’est d’améliorer la redistribution de la richesse. C’est-à-dire qu’il faut que l’on puisse s’assurer que les artisanaux, nos artisans perçoivent la juste rémunération de leur travail harassant. La gouvernance en RDC étant d’obédience socialiste, l’inclusion sociale de toutes les couches de la population est primordiale. En RDC depuis des siècles, dans notre histoire, les gisements les plus importants ont été découverts par les artisans. Ils ont donc un métier, un savoir-faire séculaire que nous devons faire valoir. Au niveau social, c’est une activité qui permet de générer beaucoup d’emplois. Notre défi, c’est que ces emplois soient de qualité tant au niveau environnemental qu’au niveau de l’organisation du travail. Nous devons aussi être assurés qu’ils respectent les normes d’une mine responsable en termes d’équité. L’incidence serait également d’augmenter les revenus de l’État par la perception des taxes qui induiront la création d’infrastructures ainsi que le progrès social. Durant les dernières années, des améliorations ont été enregistrées sur le volume de production, il s’agit maintenant d’implémenter le concept de mine durable tout en consolidant les acquis.

Les artisans, les artisanaux, combien sont-ils ? 

Je n’ai pas la réponse exacte aujourd’hui. L’objectif est de pouvoir mieux contrôler le secteur, imposer la régulation et s’assurer que les creuseurs artisanaux ne soient plus exploités. Il faut un état des lieux, une cartographie exhaustive pour éviter le mélange entre l’artisanal et l’industriel. Mais, c’est aussi d’avoir un cadastre fiable, une connaissance fine de ce que le secteur représente en termes de population, mais aussi en termes de revenu par une traçabilité financière tout en évitant la présence de personnes vulnérables et d’enfants dans les sites.

Une bonne partie du problème réputationnel ou d’éthique qui se pose par rapport à nos minerais et à notre cobalt en particulier, c’est qu’il y a des accusations sur la question des droits humains. Donc un de nos leitmotivs, une de nos batailles sera de démontrer qu’en fait l’extraction minière en RDC est pratiquée de manière responsable. Ainsi, on pourra sécuriser toute la chaîne d’approvisionnement des principaux industriels de par le monde.

Parlons des impacts. Par exemple l’impact sanitaire de l’industrie minière sur les populations, qu’en est-il exactement ? 

Justement, comme vous l’avez vu, la manière dont nous avons souhaité procéder c’est de commencer par les fondamentaux. Les fondations consistaient à réaffirmer les normes d’exploitation responsables en RDC. C’est donc pour cette raison que dès notre mise en place, nous avons avec toutes les parties prenantes organisé un atelier afin de revalider ensemble les normes d’exploitation en RDC. Il est important de démontrer que les règles et les standards en place en RDC sont au diapason des normes internationales et de celles de l’OCDE, si pas plus strictes. Donc, à ce niveau-là tout a été validé, les parties prenantes ont pu donner leur avis. Nous sommes désormais tous parfaitement d’accord. Cela nous envoie vers l’expérimentation pratique par la mise en place sur les sites pilotes. Il y a également plusieurs partenaires multilatéraux qui apportent leur soutien. Mais au-delà nous avons le soutien du Président de la République, du Gouvernement de la République, mais surtout du ministère des Mines et de la Gécamines qui sont des moteurs dans cette transformation fondamentale de l’environnement minier au Congo.

Existe-t-il un document officiel qui documente ces standards ?  

Oui en effet. C’est très bien documenté. Maintenant, l’idée des phases pilotes, c’est de les tester de manière empirique et de s’assurer de la solidité et de l’applicabilité. Si éventuellement, il y a des inflexions à effectuer et elles pourront être modifiées sur base des essais avec toutes les parties prenantes, dont les artisans en premier lieu. Notre ambition, c’est vraiment d’être dans le concret en 2024. 

Vous allez commencer avec combien de sites ?

Nous avons identifié avec nos principaux plusieurs sites, des ZEA, zones d’exploitation artisanale et des permis d’exploitation petites mines, PEPM. La volonté, en termes de climat des affaires, étant de pouvoir sécuriser les détenteurs de titres afin que leurs sites ne soient plus envahis. La meilleure manière d’empêcher l’envahissement des sites est d’occuper les artisanaux dans des sites bien minéralisés en toute légalité. À ce niveau, nous travaillons avec la Gécamines, avec le cadastre minier, avec le service géologique national ainsi que les coopératives régulièrement établies en RDC.

Il y a eu une profération de mines clandestines. Avez-vous observé une dégradation de la situation avec un envahissement de certaines mines ? 

Nous ne constatons pas de dégradation particulière. Par contre, nous devons être un fer de lance de la légalité dans ce domaine. La mise en place de l’Autorité de Régulation des Minerais Stratégiques, l’ARECOMS, va également dans ce sens. Désormais pour ceux qui ne respectent pas les lois de la République, la régulation va exercer le rôle régalien de l’État. C’est un processus évolutif et pédagogique, mais il va de soi que pour maintenir des investissements directs importants dans le domaine, l’État exerce ses prérogatives pour assurer à toutes les entreprises citoyennes un bon climat de travail.

Qui va s’occuper de la régulation du marché du cobalt ? L’ARECOMS ou EGC ? 

La régulation sera faite par l’ARECOMS. EGC, c’est un processus industriel, un processus de minage, de rachat, de trading et de transformation. ARECOMS était le chaînon manquant que nous n’avions pas dans l’industrie. Son arrivée va permettre d’avoir non seulement une meilleure maitrise de la manière dont nous procédons dans le respect des lois, mais aussi de parvenir à une meilleure gestion de nos minerais stratégiques pour les artisanaux autant que pour les industriels.

Vous conviendrez qu’on a quand même perdu beaucoup de temps. Où en est-on avec l’ARESCOMS ?

L’équipe a été mise en place. Elle marque une volonté claire d’aller de l’avant. Je suis sûr que les premiers actes de l’Autorité permettront de démontrer la volonté pour la RDC de garder en main le contrôle de cette filière. Ce sera un outil qui va également pouvoir nous permettre de déployer EGC partout là où il le faut. 

Parlons maintenant traçabilité. Qu’est-ce qui est prévu pour rassurer les utilisateurs finaux des minerais ? 

Notre objectif est de pouvoir apporter des garanties et les sécuriser en termes de réputation, car ce sont des industries sensibles. Nous sommes ainsi en train de travailler sur plusieurs options avec plusieurs supports techniques pointus et de haute facture technologique. C’est non seulement une traçabilité au niveau de la provenance du minerai puisqu’on doit savoir exactement d’où il vient et par qui il a été exploité selon quelles normes. Nous communiquerons dès que nous aurons finalisé les tests sur les phases pilotes. Il y a une deuxième traçabilité également essentielle pour nous, c’est la traçabilité financière. On travaille à des solutions pour identifier et maitriser les flux financiers. On doit s’assurer également que les artisanaux sont correctement payés et que les recettes générées par l’exploitation leur parviennent et que les caisses de l’état aussi sont convenablement approvisionnées. En effet, ces minerais doivent permettre l’essor économique de notre pays.

Les sites sur lequel vous travaillez se trouvent souvent sur des concessions industrielles ce qui est un quand même un gros problème. Quand seront-ils transformés en sites miniers légaux ? 

Négatif. Nous insistons sur la légalité de notre offre sur toute sa chaîne de valeur. Toutefois, lors de l’atelier, nous avons proposé aux différents industriels des solutions techniques et juridiques pour permettre l’existence de l’artisanat qui constitue une soupape sociale et une activité créatrice d’emploi et de richesse. L’idée est donc comme précisée plus haut de réserver certains carrés miniers minéralisés aux artisanaux par des solutions d’amodiation partielle, elle ne pourrait se faire qu’avec le consentement du titulaire du site. Il est essentiel de protéger d’envahissement les industriels détenteurs de périmètres concédés légalement par l’État. Pour un climat des affaires apaisé, ce sont des occurrences qu’il nous faut absolument résoudre avec le support des autorités provinciales.

Est-ce le cours actuel du cobalt vous permet, vous EGC, de fonctionner correctement ? Quelle est la conséquence sur votre politique de rémunération des creuseurs artisanaux ? 

Ce point fait justement l’objet de la validation de notre modèle économique. Il est clair que les cours du cobalt actuellement sont très bas. Au-delà d’être une question économique, notre approche est avant tout systémique. Je pense qu’une partie de la solution pérenne sur l’amélioration des cours, c’est un contrôle de notre environnement et de la chaîne d’approvisionnement en général. Donc les efforts que nous allons faire pour organiser l’artisanat et les efforts qu’ARECOMS devra faire dans la régulation et même le Ministère permettront d’atteindre des résultats en termes d’amélioration du revenu de nos mines. Tous les partenaires sont d’accord, mais maintenant il s’agit de sécuriser, de tracer et de contrôler notre production. Pour donner un ordre d’idée, l’OPEP c’est 40% de la production mondiale de pétrole. La RDC à elle seule, c’est 70% du cobalt, métal essentiel de la transition énergétique. Donc, vous voyez qu’en toute justice, nous devons maitriser ce que nous produisons. Il faut également que le maximum de valeur ajoutée soit conservé en RDC, cela signifie que dans la chaîne de valeur, il faut qu’on aille au maximum de la transformation de nos minerais. Avec la COVID, on a appris qu’il est indispensable de minimiser les flux de matière. Cela veut dire qu’on ne va pas transporter du sable. Les transformations doivent se faire en RDC en mettant en place des solutions logistiques et d’énergie.

Où sera transformé le cobalt en concentré ? Est-ce que ce cobalt va être mélangé avec du minerai industriel ?

On ne veut pas faire de mélanges, car nous voulons une traçabilité claire. Sur la question de l’industrie, nous travaillons en étroite collaboration avec le Conseil Congolais de la Batterie qui essaie de fédérer toutes les différentes entités publiques qui travaillent dans le domaine la transition énergétique. À ce niveau-là aussi, il y a toute une stratégie qui est en train de se déployer qui va jusqu’à la formation académique. On pourra mieux communiquer via le CCB une fois qu’on aura atteint nos objectifs et qu’on aura avancé sur les écueils ou sur les contraintes que nous avons au niveau local.

Quelles sont les tâches externalisées ou gérées par la Gécamines ?

Ce n’est pas encore finalisé. Nous sommes en train de travailler sur la modélisation de notre modèle économique. Ensuite, ce modèle sera opérationnel. 

Quel sera le rôle de CEEC et de SAEMAPE ?

Ce sont des partenaires et nous sommes en train d’envisager une collaboration plus étroite encore. Le CEEC a mis en place, par exemple à Musompo, un laboratoire de haute technologie qui permet d’avoir des résultats dans un temps record et des résultats authentiques sur la minéralisation des échantillons ou de la production. Cela va nous aider par rapport à la rémunération des artisanaux qu’il faut rétribuer au juste prix. On constate qu’ils se font souvent gruger tant sur l’humidité que sur la composition de leur minerai. Donc le CEEC va pouvoir nous soutenir à faire des tests précis de la composition de chaque échantillon. Le SAEMAPE organise les coopératives. Notre modèle est de travailler avec les coopératives. Ce sera également un partenaire de choix avec qui nous voulons développer. Nous travaillons aussi avec le ministère du Développement rural pour la mise en place des registres des coopératives. On souhaite s’assurer que les coopératives respectent les lois en général, mais surtout les lois sociales.

Est-ce que les normes sont pleinement atteintes ? On a l’impression pour l’instant que ce n’est pas le cas. 

Les efforts sont constants, nous avançons encore. Nous avons un cahier des charges de ce que nous souhaitons faire respecter et qui correspond à la Loi, nous sommes concentrés dessus et serons très transparents sur les résultats. On souhaite vraiment les implémenter à 100% puisqu’il en va de la crédibilité de notre cobalt au niveau international. Si nous ne prenons pas notre responsabilité en tant que fournisseur mondial de cobalt, les industriels risqueraient de chercher des voies alternatives ou des produits des produits de substitution. Donc notre travail c’est vraiment celui de crédibiliser le cobalt pour permettre de sécuriser les industriels.

Vous aviez un monopole qui avait été accordé par Décret du Premier ministre et qui va expirer bientôt. Ce monopole va-t-il tomber ? 

C’est l’autorité publique qui en décidera. Le monopole devait servir en fait à implémenter nos solutions sur la filière. Malheureusement, on a eu du retard au démarrage et donc notre priorité est de commencer le projet. Après, ce sera l’autorité du gouvernement mis en place pour prendre des décisions. 

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