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Entretien avec S.E Madame Roxane de Bilderling, Ambassadeur Belgique en République Démocratique du Congo.

Je suis mariée, mère de quatre enfants. Je suis entrée dans la diplomatie en 2000. Avant cela, j’étais interprète indépendante

Vous avez été accréditée en septembre 2023, pourriez-vous nous parler de votre carrière et éventuellement, de votre vie de famille ?

Je suis mariée, mère de quatre enfants. Je suis entrée dans la diplomatie en 2000. Avant cela, j’étais interprète indépendante. En poste, je suis allée au Kenya, en Afrique du Sud et puis une première fois en RDC en 2011.

Je suis rentrée à Bruxelles et je suis repartie au Kenya une deuxième fois comme ambassadeur. Et puis, de nouveau un bref passage à Bruxelles. Je suis ensuite partie comme ambassadeur au Japon et enfin me voilà ici en RDC. 

Vous connaissez déjà la RDC. Quelles sont vos premières impressions ? Beaucoup de changements ?

Quand je suis arrivée à Kinshasa, donc après 12 ans, même si j’avais eu l’occasion d’y repasser quelques fois en mission, je n’ai pas eu tellement l’impression que ça avait beaucoup changé, étonnamment. C’est vrai que dans le quartier où nous habitons, on voit beaucoup de constructions.

C’est peut-être nouveau, beaucoup de bâtiments assez hauts.

Kinshasa était une des rares villes qui n’avait pas encore beaucoup de gratte-ciel. Et j’ai aussi l’impression qu’il y a énormément de monde, beaucoup de circulation. Mais pour le reste, je n’ai pas vu beaucoup de changements.

Quelle est votre feuille de route ?

J’arrive à un moment évidemment important pour la RDC, puisque le pays organise des élections à la fin de l’année.

Et pour nos relations bilatérales, c’est un moment où la Belgique a fait le choix de se réengager résolument en RDC. Nous avons un programme de coopération qui a redémarré pour 5 ans. C’est notre plus grand programme de coopération et développement, en bilatéral. Nous avons aussi repris notre partenariat militaire avec des formations destinées à l’armée congolaise à Kindu.

Alors, pourquoi fait-on cela  ? Parce que l’on part du constat que l’on a une histoire commune et qu’il ne faut ni la renier ni l’oublier. Il faut au contraire voir comment ces liens qui nous unissent vont nous permettre de mieux travailler ensemble à l’avenir. Et nous, peut-être plus que d’autres, avons cet intérêt spontané pour la RDC, cette connaissance, cette impression qu’on est proches et qu’on se sent plus concernés par ce qui se passe ici. Nous avons une volonté de continuer à nous impliquer pour améliorer le sort des Congolais qui ont encore beaucoup de difficultés dans leur vie quotidienne, au niveau de l’accès à l’eau, à l’énergie, à l’emploi.

Comment travaillez-vous avec la « Team Europe » ? 

La Belgique, hôte des institutions européennes, est un pays très pro-européen. Parfois, il faut rappeler que la Belgique est un petit pays, mais très ouvert sur le monde. On commerce énormément avec nos voisins. 

Donc pour nous, l’Europe est dans notre ADN. En outre, on va prendre en janvier la présidence de l’Union européenne. Cela aura moins d’impact à l’extérieur de l’Union parce qu’aujourd’hui, la politique étrangère est exercée par l’Union européenne elle-même avec un représentant et des délégations qui fonctionnent vraiment comme des ambassades. C’est cela, la Team Europe en RDC. Ce sont nos coordinations permanentes à différents niveaux. On se voit très souvent pour créer des synergies dans nos actions.

Par exemple, on a une agence d’exécution de la coopération belge, Enabel, qui effectue aussi des programmes financés par l’Union européenne ou d’autres partenaires.

Donc, il y a vraiment une intégration. On discute de nos priorités, on essaie de s’accorder, évidemment d’éviter les doublons, car c’est essentiel. Le but est de renforcer nos interventions pour avoir un impact plus fort.

Les Belges sont-ils dans les mines de la RDC ? Quel est votre constat de la présence européenne dans le grand Katanga notamment ?

J’ai rencontré des gens dans ce secteur. Mais je reconnais que la présence de la Belgique et d’autres pays européens est beaucoup moins importante qu’il y a quelques années. Historiquement, il y avait une très forte présence belge. Ça se sent toujours très fort ici au Katanga. Aujourd’hui, si c’est un peu moins visible, il y a une volonté de voir comment on peut changer cela.

La RDC a signé il y a quelques semaines un partenariat avec l’Union européenne sur les minerais critiques. C’est très important. Cela ne suffit pas évidemment parce qu’après, il faut mettre en œuvre ce partenariat. De nos jours, il y a encore beaucoup de difficultés pour les entreprises européennes à investir dans ce secteur.

Même s’il y a une volonté de le faire pour relever les défis de la transition verte, de la transition énergétique.

Cela peut changer ?

Oui, on va voir un changement. Mais cela va prendre un peu de temps. Il va falloir encourager le secteur privé à s’impliquer, parce qu’il y a encore toute une série d’obstacles notamment des obstacles de due diligence qui sont assez compliqués. Il y a les obstacles du secteur bancaire. Il y a le coût pour les entreprises qui prennent parfois des matières premières ou des matières déjà transformées. C’est peut-être moins cher d’aller les acheter en Chine que de les faire transformer ici. Alors, comment peut-on renverser la vapeur ? Essayer de rendre cela plus attractif pour nos entreprises ?

La réflexion est en cours, mais il ne faut pas traîner parce que les défis sont énormes. L’Union européenne a maintenant décidé d’investir dans les infrastructures pour faciliter le transport de ces produits. 

Il y a notamment ce fameux couloir de Lobito qui fait partie des couloirs prioritaires que l’Union européenne appelle « Global Gateway », la nouvelle stratégie d’investissements responsables de l’Union européenne. Ces investissements vont permettre aussi d’améliorer le transport par chemin de fer, beaucoup plus fiable, efficace. Et c’est concret parce que cela a été signé en même temps que le partenariat sur les minerais stratégiques.

 Il y a déjà un consortium qui a travaillé sur la partie angolaise de la ligne et l’idée, c’était de continuer le prolongement sur la partie congolaise de la ligne. Un consortium américain et européen et une entreprise belge, Vecturis.

Quelles sont les autres opportunités pour les sociétés belges ?

Il y en a énormément. Je suis convaincue qu’il y a de nombreuses opportunités dans l’agriculture et la transformation.

On en parle beaucoup. On est dans un pays qui importe encore énormément de nourriture alors qu’il a la capacité d’en produire davantage. Cela signifie évidemment des investissements importants, non seulement pour faire de la production agricole, mais aussi de la transformation. Cela nécessite un accompagnement qui permet ces investissements. Et c’est un secteur qui crée beaucoup d’emplois et qui peut apporter des solutions à l’inflation. 

En termes d’arsenal législatif, il y a encore des choses qui doivent se passer. Mais aussi l’approvisionnement en énergie.

Mais je suis convaincue, qu’avec un peu d’aide au niveau du cadre législatif, il y a énormément à faire. 

Quels sont les freins à l’investissement qui doivent sauter ? Quelle serait la priorité ?

À mon avis, c’est avant tout la sécurité juridique dans son ensemble, ce qu’on appelle le climat des affaires. Je sais que des efforts ont été faits. Une cellule de climat des affaires a même été créée. Mais je crois qu’il y a encore beaucoup de chemin.

J’ai eu l’occasion de parler à pas mal d’acteurs économiques ici, à Lubumbashi. C’était une façon pour moi de me rendre compte si les problèmes étaient les mêmes que ceux de Kinshasa. Et c’est le cas. 

Donc, d’une part, l’insécurité juridique, mais aussi l’arsenal des impôts. Les règles en matière fiscale sont parfois très compliquées et très diverses. Elles font appel à trop d’agences et d’institutions. Cela rend la situation difficile pour les opérateurs économiques qui font l’objet de redressements réguliers et de pressions. Je crois qu’une simplification du système fiscal serait bienvenue. Les chefs d’entreprise n’ont aucun problème avec le principe de payer l’impôt. Mais il faut savoir à l’avance quelles sont les règles, qu’elles ne changent pas, qu’elles soient prévisibles et justes. 

Donc l’amélioration du climat des affaires est une priorité ?

Oui, c’est une des choses qui devraient être mises en priorité sur la table d’une prochaine administration. Je suis convaincue qu’il y aura beaucoup d’entreprises qui seraient prêtes à venir si ce domaine-là s’améliorait, ne fût-ce qu’un tout petit peu.

Une interview exclusive réalisée par M&B Magazine.

Entretien recueillie par Olivier Delafoy. Décembre 2023.

Crédit Photos : Photo.AfricaInside 

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