La République démocratique du Congo et le Rwanda se démarquent en tant que principaux fournisseurs mondiaux de coltan, un minerai vital pour l’industrie électronique, essentiellement pour ordinateurs et smartphones. De 2014 à 2023, les deux pays ont exporté ensemble un total de 32 702 tonnes de coltan.
Les exportations de coltan de la RDC ont atteint 1918 tonnes en 2023, contre 2070 tonnes pour le Rwanda. Selon les statistiques officielles des deux pays, compilées par l’ Agence Ecofin. C’est la cinquième fois depuis 2014 que le Rwanda exporte plus de coltan que son voisin congolais note le média spécialisé.
À part 2023, le Rwanda a dépassé la RDC en 2014, en 2015, en 2017 et en 2019. Après un pic à 2302 tonnes en 2014, les exportations rwandaises de coltan ont évolué en dents de scie, restant inférieures à 2000 tonnes jusqu’à l’année dernière.
Une contrebande alimentée par les multinationales
Sur la décennie, la RDC a de son côté atteint son pic en 2020, avec 2466 tonnes exportées. Si les deux pays ont occupé tour à tour la place de premier exportateur mondial de coltan, les volumes d’exportations consolidés sur 10 ans montrent que la RDC reste en tête avec 17 330 tonnes, contre 15 374 tonnes pour le Rwanda.
« Les chiffres suscités ne tiennent pas compte des circuits d’exportation de contrebande dans les deux pays, qui échappent au contrôle des autorités. Minerai essentiel à l’électronique moderne, le coltan est largement exploité de manière artisanale, notamment dans les régions du Nord et du Sud-Kivu, où la présence de groupes armés et la corruption généralisée rendent les contrôles difficiles », a précisé l’ Agence Ecofin, qui martèle que « la contrebande est même alimentée par les multinationales peu regardantes sur l’origine du coltan qu’elles achètent ».
Un rapport publié en mars 2022 par l’ENACT, une initiative de lutte contre le crime organisé transnational a indiqué qu’ « une enquête des Nations unies a révélé que de nombreux comptoirs achètent sciemment du coltan dans des zones contrôlées par des groupes armés et exploitent la distinction entre eux et les négociants pour prétendre ignorer l’origine du minerai […] Les entreprises internationales transportent ensuite le minerai directement vers le pays de destination ou le réexportent via l’Ouganda et le Rwanda vers des installations de traitement à l’étranger ».
« Made in Rwanda », vraiment ?
Ce rapport, « Mining and illicit trading of coltan in the Democratic Republic of Congo », souligne que le Rwanda constitue la voie privilégiée pour le négoce illicite du coltan. Kigali ne taxe pas les exportations du minerai et permet aux marchandises importées d’être requalifiées « Made in Rwanda » à condition de subir une transformation dans le pays avec une valeur ajoutée d’au moins 30%. « Il est donc probable que la majeure partie du minerai exporté du Rwanda soit d’origine congolaise », conclut l’ENACT.
Pour mettre fin à ce trafic illégal, l’ENACT propose au gouvernement congolais de développer une méthode nationale de diligence raisonnable permettant de tracer les cargaisons de coltan jusqu’à leur source, avec l’appui des coalitions mondiales d’organisations à but non lucratif.
Au plan sous-régional, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs devrait revoir son engagement en RDC, au Burundi, au Rwanda et en Ouganda afin d’encourager les partenariats avec la société civile pour tracer et certifier le coltan. Pour les multinationales, l’ENACT les invite à mettre en œuvre des programmes de traçabilité en vérifiant leur chaîne d’approvisionnement en coltan.
Source Agence Ecofin
