L’édition 2024, « Enquête Afrique 2050. L’Afrique de demain vue par celles et ceux qui la feront » Choiseul Africa décrypte la vision 300 acteurs et actrices économiques qui seront les décideurs de demain. L’étude, axée sur le développement durable, la numérisation et les relations commerciales avec le reste du monde, propose une perspective intérieure sur l’avenir souhaité pour le continent.
Quid du marché de libre échange ?
« L’échelle d’appartenance des dirigeants interrogés dépasse les frontières nationales et s’inscrit dans une identité panafricaine, voire mondiale », se félicite Choiseul. Sur l’ensemble des réponses, seule une très faible minorité (7 %) des dirigeants africains interrogés se qualifient d’abord comme citoyen de leur pays de naissance. 51 % se considèrent davantage citoyens du monde et 42 % davantage africains.
Ce phénomène s’illustre notamment dans le cadre des réflexions autour de la zone de libre-échange africaine qui prendrait la forme d’un marché commercial unique sur le continent. 97 % des sondés considèrent ainsi le projet d’un marché continental comme étant souhaitable. De plus, cette adhésion massive s’accompagne d’une confiance en la faisabilité d’un tel projet, avec 85 % des personnes interrogées qui considèrent ce projet comme réaliste. La création d’un grand marché continental est très largement perçue comme bénéfique (36 %) voire très bénéfique (57 %) à leurs activités économiques ou à celles de leurs pays.
Stone Atwine, Fondateur et Directeur général d’Eversend (Ouganda), considère ainsi que « le moteur économique le plus important dans les années à venir pourrait être l’intégration régionale et l’augmentation du commerce intra-africain grâce à des projets tels que la zone de libre-échange continentale africaine ». Cependant, en raison d’un manque d’homogénéité des besoins, certaines personnes interrogées, dont William Nkontchou, Président d’AFIIP (Cameroun), invitent à « consolider les marchés régionaux, plutôt qu’un marché africain ».
Développement
L’optimisme reste le mot maître, pour les décideurs africains interrogés, quant au développement socio-économique du continent pour les décennies à venir. Plus de 80 % d’entre eux sont ainsi convaincus que la situation socio-économique de leur pays à horizon 2050 sera « favorable » voire « très favorable ».
Yanish Bondahjagalu, Directeur financier de Verod Capital Management Limited (Maurice), note qu’« il y a encore beaucoup à faire en termes de développement économique et social en Afrique, mais avec tous les acteurs économiques (privés et publics), l’Afrique progresse graduellement. En tant que marché émergent, le marché africain offre de nombreuses opportunités ».
Parmi ces opportunités, et afin d’atteindre des conditions économiques les plus favorables possible, les 300 dirigeants ont mentionné l’agrobusiness (63 %) et l’énergie (60 %), suivies du numérique (36 %) et de l’industrie manufacturière (32 %) comme locomotives de la croissance africaine.
Au-delà des secteurs concernés, nombreux ont cité le potentiel que représente la jeunesse africaine. Selon les statistiques des Nations unies population africaine est la plus jeune au monde, avec quelque 60 % des Africains âgés de moins de 24 ans en 2020.
Cette confiance en l’avenir s’exprime également par des perspectives de développement hors de l’Afrique mentionnées très largement par les décideurs (82 % d’entre eux), avec 29 % des décideurs interrogés évoquant un possible déploiement au-delà du continent à court terme.
Des domaines de réserve
Malgré cet élan d’optimisme, le rapport met à jour des craintes que ressentent ces futurs décideurs. Entre autres, des contraintes par des facteurs non-économiques, essentiellement sociaux et politiques. Les « risques politiques » et l’insécurité ressortent en effet comme étant deux menaces majeures auxquelles est confrontée l’Afrique, pour respectivement 74 % et 50 % des dirigeants interrogés. »
Le principal frein économique au développement et à la croissance, excluant les obstacles politiques dans cette enquête, est le manque d’investissements, cité par 48 % des répondants. Ce constat est particulièrement marqué en ce qui concerne les investissements dans les infrastructures. Seuls 18 % des dirigeants interrogés considèrent que les infrastructures, dans leur secteur d’activité respectif, sont suffisantes pour accompagner le développement économique du continent, 82 % étant d’un avis contraire.
Pour accélérer cette dynamique économique, plusieurs secteurs ont été identifiés comme devant bénéficier en priorité d’un renforcement de leurs infrastructures : les infrastructures dans l’énergie (mentionnées par 60 % des répondants), le transport et la logistique (57 %), ainsi que les infrastructures numériques (44 %). Plus de la moitié des dirigeants interrogés estiment qu’en 2050, ce déploiement d’infrastructures sera effectif.
Le processus de développement est déjà en cours, d’après Rose Muturi, Directrice générale de Branch International pour l’Afrique de l’Est (Kenya), qui considère que « les infrastructures s’améliorent à un rythme très élevé, ce qui permet aux économies de croître plus rapidement ».
Toutefois, deux tiers des dirigeants (67 %) déplorent des difficultés de recrutement. « Cette situation est un élément critique de la compétitivité de l’économie africaine et un frein, en l’état, du plein déploiement de la croissance », s’inquiètent les auteurs de l’enquête.
Numérisation et commerce extérieur horizon 2050
La contribution de l’économie numérique dans le PIB mondial atteindra 25 % en 2026, contre 15,5 % en 2016, selon la Banque mondiale. Actuellement, seulement 17 % des dirigeants africains estiment que la numérisation des appareils productifs et de l’économie est pleinement réalisée. Pourtant, 95 % des décideurs ayant lancé un processus de numérisation au sein de leur entreprise affirment que cela a renforcé leur compétitivité, dont 46 % de manière significative.
Cette révolution qu’est le numérique en rappelant qu’« Internet a été l’un des facteurs qui ont permis à l’Afrique de faire un bond en avant en matière de développement économique et social » estime Rose Muturi, Directrice générale en charge de l’Afrique de l’Est de Branch International (Kenya).
Pour ce qui est des partenaires extérieurs, l’Europe dispose d’une image très favorable parmi les dirigeants africains interrogés. Elle est pour la majorité des répondants le partenaire commercial idéal (53 % des choix), avec une aspiration légèrement plus forte dans l’espace francophone (59 %) qu’en Afrique anglophone où la demande d’Europe est disputée par la Chine (24 % contre 16 % au niveau continental) et, dans une moindre mesure, les Etats-Unis (17 % pour 11 % à l’échelle du continent). « La Russie n’est pas particulièrement perçue comme un partenaire commercial intéressant et souhaitable, ne recueillant que 3 % de manifestation d’intérêt à le voir devenir le premier partenaire commercial », indique l’étude.
« Les résultats inédits que nous révélons offrent des éléments de compréhension éclairants pour quiconque s’intéresse aux dynamiques africaines, à la relation qui unit l’Afrique et l’Europe, et au reste du monde de façon plus large » indique Pascal Lorot, Président de Choiseul Africa.
M&B