Dirigeante, bâtisseuse de paix, militante des droits de l’homme, elle est avocate et contribue, sans compromis, depuis plus de 40 ans à la promotion des droits de la femme en République démocratique du Congo. Julienne Lusenge a été désignée parmi les 100 personnes les plus influentes de 2024 par le magazine américain Time.
Porter la parole des femmes de RDC dans le monde
En RDC, des milliers des femmes et les filles vivent encore dans la violence, la misère et le déni de leurs droits fondamentaux au quotidien. Révoltée par ces injustices, Julienne Lusenge a cofondé la Sofapedi (Solidarité féminine pour une paix et un développement intégré) en 2000, qui œuvre à la prévention des violences sexuelles et sexistes, au soutien et à l’autonomisation des survivants, et à la reconstruction de leur vie. L’association comprend un hôpital et des cliniques mobiles qui fournissent des soins médicaux et psychologiques holistiques aux survivants de violences sexuelles. Entre 2010 et 2020, le centre médical a accueilli et traité 6 284 personnes, dont 567 personnes déplacées à l’intérieur du pays. Elle a également cofondé le Fonds pour les femmes congolaises (FFC), en 2007.
« Je ne suis pas diplomate, juste une activiste qui va droit au but lorsque je m’adresse aux Nations Unies » affirme-t-elle. Par cinq fois, elle s’est adressée au Conseil des Nations Unies pour porter la voix des femmes congolaises. Une aptitude qu’elle a acquise bien tôt lorsqu’elle travaillait comme journaliste, en 1978 à Radio Handicap, en Ituri. « Mon père m’a appris à parler et à défendre mes idées. J’ai grandi dans une famille où il était naturel que mon père et ma mère se parlent, même s’ils n’étaient pas d’accord. Dès l’enfance, mes parents m’ont appris à lutter contre l’injustice, à ne pas voir les autres souffrir et disparaître », se souvient-elle.
De la prévention et de la réduction des violences sexuelles et sexistes, au renforcement de la participation et du leadership des femmes dans la construction de la paix, l’engagement politique et la société civile, Julienne Lusenge donne aux femmes les moyens de prendre leur vie en main et d’influencer leurs propres communautés. Julienne multiplie les ateliers, des visites et des conférences pour partager son expérience et écouter les préoccupations de femmes sur les questions de droits et celles des violences entre Kinshasa, Goma et l’Est de la RDC, l’Amérique et l’Europe. Et rien ne saurait décourager cette native de Watsha qui a vu le jour en 1958, dans le Haut-Uélé.
Reconnaissance internationale
Julienne Lusenge a été l’une des lauréates du Prix des droits de l’homme 2023, décerné par les Nations Unies pour son impact considérable. Tous les cinq ans, il distingue une personnalité pour « des réalisations exceptionnelles dans le domaine des droits de l’homme ».
En 2021, elle avait été lauréate du Prix Aurore pour l’éveil de l’humanité, doté d’un million de dollars, décerné par l’Arménie en reconnaissance de l’aide humanitaire qu’elle a apportée pendant 40 ans aux victimes des violences sexuelles commises en temps de guerre en RDC. « Elle a fondu en larmes, mais a déclaré qu’elle était très heureuse et qu’elle n’arrivait pas à croire qu’elle pourrait enfin faire beaucoup plus pour les nombreuses femmes congolaises qui ont été soumises à d’horribles abus », rapportait la presse après l’évènement.
« J’aide les associations qui accompagnent les femmes dans la revendication de leurs droits et la promotion de leurs valeurs. Parfois je prends des risques, comme lors des investigations de la Cour pénale internationale où j’ai risqué ma vie pour documenter les actes de violence contre les femmes. Une fois notre maison a été prise d’assaut et j’ai souvent pleuré à cause des soucis que cela cause à ma famille », déclarait-elle lors de la réception de son prix.
Défoncer les portes
« Les sociétés ne sont aussi fortes et résistantes que leurs femmes et leurs filles. Le travail de Julienne Lusenge incarne cette vérité », estime Volker Türk, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme.
Julienne Lusenge est également membre du conseil d’administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. « C’est mon travail de parler, de solliciter des fonds pour que les femmes aient accès à la justice. Nous voulons éduquer nos enfants dans la famille et trouver l’équité dans notre société, travailler dans la solidarité pour aller plus loin ensemble », insiste-t-elle, sereine et le regard droit.
« Le travail de Julienne continue d’être essentiel pour la construction de la paix au Congo. Comme elle le dit elle-même, “les femmes sont les premières victimes de la guerre, mais elles seules détiennent la clé unique de la paix” », a écrit M. Volker Türk sur Julienne Lusenge dans le Time Magazine.
Elisha Iragi pour M&B Magazine