Quatre ans seulement après l’apparition de la pandémie de Covid-19, l’épidémie du Mpox est une urgence sanitaire mondiale qui aurait pu être évitée, affirment les scientifiques et les responsables de la santé publique. Depuis le début de l’année 2024, elle a tué environ 575 personnes en RDC, et plus de 30 fois plus de personnes ont été infectées, selon les dernières données des Centres africains de contrôle et de prévention des maladies, publiées dimanche. Pourquoi, en dépit de l’alerte de 2022, les gouvernements, l’OMS et les organisations de santé ne ripostent pas?
Erreurs et inactions des gouvernements
Les erreurs et l’inaction des gouvernements, des agences de santé et des bailleurs de fonds de la recherche scientifique ont créé l’environnement idéal pour que le virus mute en une souche qui se propage plus facilement entre les humains. Un vaccin efficace serait disponible, les États-Unis auraient stocké des millions de doses, mais la RDC n’a toujours rien reçu. Selon les critiques, l’OMS serait en cause dans le retard pris dans l’acheminement des vaccins.
La RDC a signalé près de 20 000 cas cette année, dont un certain nombre causé par une nouvelle souche qui a infecté plus de 700 personnes au Burundi voisin. Des cas limités ont également été recensés au Rwanda, en RCA, au Cameroun, en Ouganda, au Kenya et plus loin en Asie et en Europe.
Plus de 15 000 cas de variole ont été recensés en RDC en 2024, et au moins 550 décès ont été enregistrés, bien que de nombreux cas ne soient ni diagnostiqués ni traités. La plupart de ces décès concernent des enfants, dont certains meurent de faim parce que des lésions atroces dans la bouche et la gorge les empêchent de manger.
« La RDC et l’Afrique disposent d’une grande expertise, mais n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour effectuer les recherches », déclare David Heymann, professeur d’épidémiologie des maladies infectieuses à la London School of Hygiene and Tropical Medicine, interrogé par Bloomberg.
Un vaccin rare et (très) cher
Face à l’épidémie qui frappe actuellement l’Afrique, Bavarian Nordic, l’un des rares laboratoires pharmaceutiques à disposer d’un vaccin, le MVA-BN, qui offre une protection contre la maladie, s’affaire à augmenter ses capacités de production.
La société pourra produire 10 millions de doses supplémentaires d’ici à la fin de 2025, mais il n’y a pas de commandes. Sous la pression des États membres, l’OMS a demandé à Gavi d’entamer des négociations d’achat avec Bavarian Nordic, même si l’approbation du vaccin n’a pas encore été obtenue.
L’Union européenne a fait don de 175 000 doses et Bavarian Nordic de 40 000 doses supplémentaires. Le gouvernement américain s’est engagé à donner 50 000 doses de Jynneos provenant de son stock national. La RDC pourrait simplement acheter des vaccins contre la variole. Mais le vaccin japonais est compliqué à administrer, il nécessite une aiguille spécialisée rare, et le vaccin danois est cher. En 2022, Bavarian Nordic le vendait à environ 110 dollars la dose. La vaccination complète nécessite deux doses.
L’OMS hésite encore, mais n’a plus de temps…
L’OMS a déclaré qu’au cours des deux années qui se sont écoulées depuis la dernière épidémie, « aucun donateur n’a investi un seul centime au niveau mondial pour lutter contre le mpox ». Dès le mois de janvier, l’évolution du virus a conduit Laurens Liesenborghs, médecin spécialiste des maladies infectieuses, et certains de ses collègues dans le Sud-Kivu, dans l’Est du pays. Ils y ont découvert un modèle émergent de transmission interhumaine du mpox. « Ce que nous avons vu m’a vraiment surpris », déclare Liesenborghs, « il s’agissait d’une épidémie complètement différente ».
Trois ans après la dernière épidémie mondiale de variole, l’OMS n’a toujours pas approuvé officiellement les vaccins, bien que les États-Unis et l’Europe l’aient fait, ni délivré une licence d’utilisation d’urgence qui permettrait d’en accélérer l’accès, a rapporté le New York Times vendredi 23 août.
« Depuis vingt ans, nous n’avons pas eu les moyens de nous pencher sur les mécanismes de transmission ou sur d’autres questions », explique l’épidémiologiste Anne Rimoin, qui travaille au Congo depuis vingt-deux ans pour comprendre comment la variole se propage, qui elle touche et comment elle peut être prévenue et contrôlée.
Le 23 août, l’OMS a déclaré qu’elle disposait de toutes les informations nécessaires pour achever son examen d’urgence et a accepté que l’Unicef et Gavi puissent acheter des vaccins déjà approuvés par d’autres organismes de règlementation. Elle a indiqué qu’elle avait échangé des informations et fourni des conseils aux fabricants de vaccins au cours des 12 derniers mois.
Source : Bloomberg, Le Monde et The New York Times