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Thérèse Kayikwamba Wagner, aux manettes des Affaires étrangères 

« La politique n’est pas un objectif immédiat »

Ministre des Affaires étrangères, de la Coopération internationale et de la Francophonie dans le gouvernement de Judith Suminwa, Thérèse Kayikwamba, anthropologue et politologue, présente un profil riche d’une longue expérience. Coup de projecteur sur une « femme généreuse, ambitieuse et passionnée » qui, jusqu’en 2022, considérait que faire de la politique « n’était pas un objectif immédiat »

Née en 1983 à Kinshasa, elle confie avoir eu une enfance heureuse avec une mère congolaise et un père allemand. Très tôt, elle fut autonome « À 16 ans, je rangeais des articles dans un supermarché ». S’en suivront de petits jobs, aide-soignante dans une maison de retraite puis caissière, enseignante dans l’apprentissage des langues ou encore hôtesse dans une foire. « Beaucoup de sacrifices », dans cette période.

D’étudiante boulimique à chercheuse en herbe

Thérèse passe son master en anthropologie, science politique et pédagogie à l’Université de Mayence en Allemagne. En 2006, jeune chercheuse, s’intéresse alors aux campagnes électorales de Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila. 

Elle commence à nourrir un rêve : étudier à l’Université de Columbia, aux États-Unis. Entre-temps, elle s’inscrit en Master 2 en Droits de l’Homme et démocratisation à l’Université de Leuven, en Belgique. Elle travaille sur les questions d’ethnicités lors des conflits au Rwanda et au Burundi dans les années 90. Malgré ses efforts, elle passera à côté de son rêve de jeunesse. « J’ai commis ma plus grande erreur en n’ayant jamais postulépour Columbia », confessant un manque de confiance en soi. Alors qu’elle travaille avec la coopération allemande (GIZ) au Rwanda, elle redémarre une troisième fois des études. Sa famille ne comprend pas sa décision, mais elle s’entête et suit une spécialisation dans l’humanitaire à Harvard, aux États-Unis, où elle obtient un master en administration publique. 

Parcours sans calcul, mais avec stratégie

Entre 2012 et 2014 à Goma, elle est gestionnaire de projet pour Oxfam en pleine crise du M23. Elle sillonne le Nord-Kivu, entre Masisi, Beni, Walikale et Nyiragongo. « Une des périodes les plus passionnantes de ma carrière ».

Même si elle vit sa passion d’anthropologue, Thérèse Kayikwamba décide de changer de métier en 2016 en intégrant les Nations Unies. À Goma, elle travaille avec la Monusco comme chargée de planification stratégique.

Dans sa carrière, une constante : elle ne passe jamais plus de deux ou trois ans dans la même boîte. « Je n’ai pas calculé mon parcours. Dès mes débuts, j’ai pensé à ma stratégie de sortie et j’ai toujours su quand c’était le bon moment pour changer ». En 2016, elle travaille à Kinshasa comme conseillère politique dans la mise en œuvre de l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Une année plus tard, lorsque les Nations Unies ferment le bureau, elle s’installe en République centrafricaine pour la Minusca. « Cela a été difficile, car je n’avais pas le droit d’être accompagnée par ma famille. Cela a d’ailleurs motivé mon choix de partir pour Nairobi », se rappelle-t-elle. Au Kenya, entre 2019 et 2022, elle est conseillère pour Huang Xia, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies. C’est à cette période qu’elle rencontrera pour la première fois Félix Tshisekedi. 

Entre famille et carrière, « pas de recette magique »

Et sa famille dans tout ceci ? « Il n’y a pas de recette magique à part la communication transparente entre les ambitions personnelles et le respect des besoins de la famille ». Elle se décrit comme une « femme généreuse, ambitieuse et passionnée qui s’est fait beaucoup d’amis ». « Il y a toujours un équilibre à maintenir entre la vie privée et la vie professionnelle. Cela a dicté le tempo de ma carrière ». Elle lit beaucoup, parle anglais, français et allemand, suit les recherches des autres et note ses idées dans un journal. « Les langues sont un atout pour avoir une perspective plus large du monde », estime l’anthropologue. Jusqu’en 2022, après ses années avec les Nations Unies, elle ne se voyait pas rentrer au gouvernement. Au cours de son année sabbatique, elle affirmait que l’on « fétichise la politique comme le seul moyen de se réaliser », et que la politique n’était pas « un objectif dans l’immédiat ».

Madame la ministre

Deux ans plus tard, lorsqu’elle reçoit l’appel de Judith Suminwa, sa réflexion a changé. « En réaffirmant mon engagement vers le service public, je m’engage résolument à relever nos défis et œuvrer pour le bien-être de tous les Congolais(es) », écrit-elle sur X. En déclarant « qu’il n’y a aucun honneur plus grand que de servir son pays, une cause noble, mais avec beaucoup de responsabilités », elle se confronte à la guerre à l’est du Congo. « Les incursions rwandaises durent depuis trente ans et pendant tout ce temps notre pays n’a pas eu assez de forces pour recréer toute la chaîne sécuritaire », indiquait-elle au Monde quelques mois après sa nomination. 

Malgré tout, elle veut garder l’esprit ouvert de ses années d’apprentissage. « On ne peut pas communiquer avec une personne si l’on part avec un jugement. C’est là que l’anthropologie m’aide à créer un environnement qui permet d’interagir avec les personnes même lorsque je suis opposée à ce qu’elles représentent ». 

Don Pablo pour M&B Magazine

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