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Exportation café-cacao : contre-offensive de la RDC pour renforcer la filière face aux défis de l’UE

Invoquant des motifs sécuritaires qui entravent la certification du café et du cacao produit dans l’est de la RDC, commercialisés en tant que produits issus de l’agriculture biologique et éthique, l’Union européenne a accordé une année aux producteurs de café et cacao pour assurer que leurs produits ne sont pas à la base de la déforestation.

« Nous allons renforcer le dialogue avec l’Union européenne donc faire une Tripartite UE-MONUSCO et Gouvernement, parce que la MONUSCO est déployée partout il y a des conflits pour certifier que les champs desquels sont issues les productions de cacao ne sont pas défrichés à partir des forêts », a répondu Julien Paluku, ministre du Commerce extérieur. Selon lui, l’Union européenne devra, dans cette tripartite, expliciter le règlement voté par son Parlement tandis que le Gouvernement défendra les intérêts du pays.

« Zéro déforestation »

La décision de l’UE découle de l’application de la règlementation européenne « zéro déforestation », qui interdit l’importation de produits agricoles issus de terres où la déforestation s’est produite après le 31 décembre 2020. Ce règlement, entré en vigueur le 30 juin 2023, vise à limiter autant que possible la déforestation et la dégradation des forêts causées par les matières premières agricoles importées dans l’Union européenne. La FEC considère cette décision comme une injustice. Elle affirme que d’importants efforts ont été consentis depuis des années pour assainir le secteur grâce au soutien de partenaires internationaux.

Fin décembre, le « Groupement territorial de Beni », appartenant à la FEC, a saisi le ministre du Commerce extérieur. Les producteurs de café et de cacao se disent « surpris de recevoir de la part des organismes de certification la notification de retrait de la RDC de la certification Fairtrade d’une part, et de l’autre, de la certification BIO ».

« C’est au prix de multiples efforts et sacrifices que les secteurs cacao et café congolais ont été remis sur l’échiquier du commerce international, avec le soutien de ses partenaires privés et multilatéraux (UE, USAID, FIDA, Banque mondiale) », rappellent-ils au ministre.

L’Union européenne justifie sa mesure par l’impossibilité de déployer ses enquêteurs sur le terrain pour l’évaluation, en raison de l’insécurité qui sévit, notamment autour de Beni, qui se trouve dans une province en proie à l’activisme de rebelles et de groupes armés. Le gouvernement congolais est ainsi appelé à assainir le climat des affaires sur l’ensemble du territoire national, afin de permettre un climat d’investissement.

La RDC exporté 32 505 tonnes de cacao, en 2022. Deux ans plus tôt, elle avait produit près de 37 000 tonnes de cacao, contre 26 400 tonnes en 2019 et 11 080 tonnes en 2015, soit un essor de plus de 234 % en cinq ans. Le pays a par ailleurs produit 14 220 tonnes de café en 2020, contre 12 400 tonnes en 2019, après un pic à plus de 18 115 tonnes en 2015 selon plusieurs données de la Banque centrale du Congo (BCC).

La contre-offensive de la RDC

Avec une moyenne d’exportation de 30.000 tonnes par an, la RDC ne figure pas encore dans le top du classement au niveau africain. Des spécialistes estiment que le pays pourrait exporter jusqu’à 100 000 tonnes par an.

« Si on a le café et le cacao à l’Équateur et on n’a pas de possibilité de les évacuer et de les transformer là-bas, nous allons rester sous la coupe de ceux-là qui nous appliquent des sanctions. Pour rendre compétitif notre cacao au niveau du marché international, nous devons améliorer certaines conditions au niveau interne : les routes, l’électricité et les zones économiques spéciales qui sont des utiles de viabilisation au niveau international », a expliqué Julien Paluku lors d’un briefing spécial.

M. Paluku estime qu’il faut une révolution au niveau africain qui permette de changer le paradigme de gestion de richesses par la transformation locale. Les exportations de café de la RDC ont progressé en 2023, atteignant 12 422 tonnes contre 10 729 tonnes en 2022, selon les données de la BCC, consultées par Actualité.cd.

La deuxième mesure du Gouvernement congolais serait de renforcer l’Agence nationale de promotion des exportations (ANAPEX), l’Office national des produits agricoles du Congo (ONAPAC) et l’Office congolais de contrôle (OCC) pour que la RDC élabore un système de certification nationale.

Le gouvernement va « intensifier les zones économiques spéciales travers la République pour permettre aux opérateurs économiques de commencer la transformation. On nous impose ce genre de mesure et on nous fait ce genre de chantage parce que nous, nous ne faisons pas la transformation de nos produits », a poursuivi le ministre du Commerce extérieur.

« Aujourd’hui, nous produisons entre 100 000 et 200 000 tonnes de cacao par an, mais notre ambition est claire : atteindre 3 millions de tonnes d’ici à 2030 », a affirmé le ministre, qui croit que cette croissance pourrait générer jusqu’à 30 milliards USD de revenus annuels, contribuant à diversifier l’économie du pays, sous le joug du secteur minier.

Le gouvernement se félicite que le cacao et le café congolais sont particulièrement prisés pour leur qualité. « Nos produits sont biologiques, cultivés sans engrais chimiques, sur des terres naturellement fertiles. Ils captent l’attention des chocolatiers et torréfacteurs du monde entier, notamment en Europe et en Asie » s’est félicité, M. Paluku.

Risque sur les opérateurs économiques

Pour le moment, le boom de production du cacao se concentre dans la région de Beni (Nord-Kivu) et dans l’ancienne Province orientale. Les milieux écologiques de ces régions sont propices à cette culture. La population locale, surtout à Beni, maîtrise les techniques culturales du cacao, renseigne Francois Nzanzu, directeur provincial de l’Office national des produits agricoles du Congo (ONAPAC) au Sud-Kivu, cité par Radio Okapi.

Pacifique Keta Upar, exportateur de café en Ituri, PDG de la société Café PAKT Trading, vend jusqu’à 200 tonnes de café par mois. Il voit d’un mauvais oeil la décision de l’UE sur l’exportation de café et de cacao vers l’Europe.

« Ceux qui travaillaient avec les entreprises européennes sont obligés de passer par des pays voisins et là comme toujours, ça va passer sur le label de ce pays comme des cafés de voisins et non pas des cafés congolais. Ces leçons doivent nous permettre de prendre des mesures adéquates pour essayer maintenant d’être concrets et pragmatique », a-t-il déclaré à DW

Pour lui, cette décision va jouer sur les prix du marché et favoriser encore la fraude vers les pays voisins, notamment l’Ouganda et le Rwanda, des concurrents directs.

La mesure de l’UE entrera en vigueur en décembre 2025, mais à Kinshasa, les autorités promettent de trouver une solution avec l’UE pendant cette période moratoire.

Mike Ntambwe, PDG de l’Agence nationale de promotion des exportations (ANAPEX), a révélé, dans une déclaration relayée par Actualite.cd, que plus de 400 tonnes de cacao disparaissent chaque semaine en raison de pratiques frauduleuses, entraînant une perte annuelle estimée à 60 millions de dollars américains.

Renforcer la traçabilité du secteur

Selon les données de la Banque centrale du Congo, les exportations de café de la RDC ont légèrement dépassé les 12.000 tonnes en 2023, contre 10.000 tonnes en 2022.

En 2022, la RDC s’est classée deuxième exportateur africain de cacao biologique, avec 10 869 tonnes expédiées. À l’instar du projet « Cacao Tshopo », qui vise à développer un label international pour cette région, des initiatives se multiplient pour valoriser la production locale et en renforcer la traçabilité.

Pour maximiser la valeur ajoutée, le gouvernement congolais a mis en place des zones économiques spéciales (ZES), notamment à Musienene, dans le Nord-Kivu, et à Maluku, près de Kinshasa. Ces ZES sont dédiées à la transformation locale des produits agricoles. 

Avec une distinction claire entre ses 155 millions d’hectares de forêt tropicale et ses 80 millions d’hectares de terres arables, la RDC dispose d’un vaste potentiel encore largement inexploité.
M&B

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