Romain Battajon, avocat au barreau de Kinshasa/Matete
La législation minière en République Démocratique du Congo est essentiellement formée par le Code minier de 2002 révisé en 2018 et par le Règlement minier de 2003 révisé en 2018. Il a donc fallu 16 ans pour faire évoluer la loi de 2002. Pourtant, il apparaît que, 7 ans après la révision majeure de 2018, la législation minière congolaise demeure insatisfaisante, tant pour l’État et le peuple congolais que pour les opérateurs. Par conséquent, une nouvelle révision générale s’avère urgente. Plusieurs raisons expliquent cette situation et justifient le besoin d’améliorer le droit.
Harmonisation
Le principal argument est l’absence d’harmonisation entre la législation minière révisée en 2018 et d’autres textes légaux et réglementaires. Ceci vaut en matière fiscale et parafiscale, ou encore dans des secteurs spécifiques, comme la sous-traitance, le transport, les obligations environnementales, les règles de concurrence ou la lutte contre la fraude minière. À cette absence d’harmonisation s’ajoutent des défaillances (quelquefois à dessein, semble-t-il) dans la rédaction de documents, qui laissent libre cours à des interprétations divergentes.
Cette situation a amené certaines administrations à rechercher des failles rédactionnelles ou à adopter des lectures, parfois subtiles, mais souvent incongrues (pour utiliser un doux euphémisme), des textes. Ces circonstances permettent de contrôler et sanctionner des compagnies minières (cibles solvables), nonobstant les principes bien connus du droit minier congolais que sont le principe d’exclusivité de la compétence de certains services publics congolais pour inspecter le secteur minier, d’une part, et le principe d’exhaustivité et d’exclusivité du régime fiscal et parafiscal fixé par le Code minier.
Harcèlement administratif
En réalité, bon nombre d’entités publiques non listées par le Code minier comme habilitées à contrôler le secteur minier enfreignent ce principe, au niveau national et local. Un exemple ? Le Sénat, qui après avoir tenté d’initier des missions d’enquête parlementaire directement auprès des sociétés minières (violant aussi la Constitution et son Règlement intérieur) a fini par se cacher derrière le paravent de la DGRAD. Un autre exemple ? La Commission Nationale Anti-Concurrence (CONAC), soutenue dans sa démarche par le ministère de l’Économie, qui n’a pourtant aucune autorité pour inspecter les mines. Citons encore, parmi de multiples cas, l’administration, provinciale et nationale, de l’Environnement, alors que la législation minière est claire quant à l’identification des services publics de contrôle de ses obligations environnementales par l’industrie extractive. De nombreuses « autorités », agences, ou cellules s’arrogent une compétence de contrôle, à la place des régies financières, des organes du ministère des Mines, voire de l’autorité judiciaire, sous prétexte qu’ils font partie « de la Présidence » ou « du Gouvernement ». Il convient donc de remettre urgemment de l’ordre dans les textes. Les sociétés minières congolaises ne doivent plus être soumises à ce harcèlement administratif insupportable.
De plus, quand il ne s’agit pas d’entités non compétentes qui dégradent le climat des affaires et la rentabilité des entreprises par leurs quasi-tentatives d’extorsion, il existe également des textes réglementaires qui se contredisent ou se cumulent, au détriment des contribuables du secteur. C’est souvent le cas entre les dispositions fiscales et parafiscales spéciales prévues par la législation minière et certaines dispositions fiscales ou douanières du droit commun, qui trouvent à s’appliquer aussi. Cela finit par vider de sa substance et de ses effets incitatifs le régime spécial voulu par le législateur dans le Code minier. C’est aussi le cas entre les dispositions environnementales pourtant très exigeantes de la législation minière et la législation environnementale générale. Là encore, les exemples sont légion. Ce cumul de normes applicables et de contrôles crée un risque important sur la conformité et la réputation sociale des entreprises minières les plus sérieuses.
Ce n’est pourtant pas par méconnaissance des gisements au Congo si quasiment aucun nouveau grand investisseur minier ne s’est implanté en RDC depuis la révision de 2018. Le désordre juridique, judiciaire et sécuritaire ne fait que dissuader les réels investisseurs pour laisser la place aux « investisseurs » et affairistes de court terme, plus portés sur les « coups » sans impacts positifs pour le Congo et son peuple, que sur des projets structurants de long terme.
Il a certes été constaté, depuis un an, un regain d’intérêt pour le secteur minier congolais, à la faveur des bouleversements géopolitiques et du dynamisme de l’actuel ministre des Mines. Cependant, pour faire bouger les lignes, la seule volonté politique d’un bon ministre ne saurait suffire à rendre le secteur minier plus attractif et plus sécurisé.
Choc de simplification
Il faut désormais un vrai choc de simplification et d’harmonisation textuelles. Cela permettrait d’essayer d’inverser la courbe négative du « doing business » et de permettre aux géants miniers autres que les rares qui sont présents en RDC, notamment parmi les grands groupes occidentaux, d’envisager sérieusement d’investir en RDC.
Il est tout à fait possible de fixer des règles simples, claires et incitatives, tout en prévoyant des obligations fortes de ces investisseurs envers l’État et le Trésor public, envers les communautés impactées et l’environnement. Il pourrait par exemple être créé une grande autorité de contrôle et de régulation du secteur minier. Sous la tutelle du ministre des Mines, elle regrouperait en son sein tous les corps d’inspection, les directions, divisions et services compétents pour l’industrie extractive. Elle serait expressément désignée par la loi comme LA seule autorité compétente pour contrôler le secteur minier, en dehors bien sûr des matières relevant des régies financières.
Par ailleurs, il est nécessaire que le gouvernement fasse le bilan d’un certain nombre de dispositions du Code et du Règlement minier qui n’ont pas montré leur efficacité ou qui n’ont pas été appliquées à ce jour. Citons celles sur la procédure d’octroi de titres miniers par appel d’offres, ou celles sur l’artisanat minier qui ne sont pas respectées par les artisans et les coopératives.
Enfin, dans la logique d’État stratège voulue par le Président de la République, nous préconisons une réforme majeure des textes sur la Gécamines, voire son remplacement par un autre organisme à créer. Cela contribuerait à ce que l’État congolais, au-delà de son rôle de régulateur, prenne avec succès le virage de la révolution énergétique et des minerais stratégiques.