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ENTRETIEN AVEC DENIS LECOUTURIER DG DU CONSEIL CONGOLAIS DE LA BATTERIE

« NOS INTERLOCUTEURS, QU’ILS SOIENT
BYD, CATL, TESLA OU D’AUTRES, TROUVERONT
AU CONSEIL CONGOLAIS DE LA BATTERIE
UN POINT D’ENTRÉE UNIQUE ET SÉRIEUX »

Monsieur le Directeur général, pourriez-vous nous expliquer ce qui s’est passé depuis un an au Conseil Congolais de la Batterie ?

Il y a un an, cela faisait juste une petite année que nous existions. Depuis, nous avons élaboré notre plan directeur, qu’on appelle aussi plan stratégique. Nous avons fait, avec la collaboration d’un cabinet spécialisé, un plan directeur qui a été validé par le conseil d’administration et qui sera notre boussole pour les années à venir.

Nous avons identifié six axes parce que le sujet est vraiment transversal. C’est-à-dire que, même si la mission principale du CCB est la transformation locale et l’intégration de la chaîne de valeur mondiale, on ne peut pas aborder cette transformation au Congo, dans ce marché, sans aborder d’autres axes. 

Pourriez-vous donner des exemples ?

Le sourcing, car nous devons pouvoir assurer à tout transformateur qui viendrait du minerai à transformer, que ce soit du cobalt ou du lithium, un approvisionnement fiable, en quantité et en qualité. Ensuite, l’énergie. Vous savez qu’il y a déjà un déficit d’énergie pour les mines et la transformation en a besoin aussi. Donc l’énergie, c’est aussi un axe très important qu’on doit traiter. Il y a les infrastructures pour amener les intrants et assurer la sortie des produits transformés, que ce soit le rail et les routes. On a aussi identifié le cadre structurant permanent, dans lequel il y a tout ce qui est formation, développement des compétences, cadre légal et fiscal ou climat des affaires. C’est un axe important. Et enfin, comme sixième axe, il y a tout ce qui est financement. On voudrait aussi recourir à des financements innovants pour maximiser la participation des Congolais dans cette industrie. Et tous ces axes sont interdépendants et transversaux. C’est ça la difficulté. On ne peut pas juste dire « voilà, le CCB, c’est uniquement la chaîne de valeur locale, la chaîne de valeur de la batterie, la transformation des minerais locaux ». On est obligé d’aborder tous ces sujets : énergie, sourcing, infrastructure, financement, etc.

Est-ce que le CCB est une simple vitrine ou un véritable moteur d’action ?

Dans la présentation que nous avons faite de notre plan directeur, nous avons représenté chaque axe séparément avec des intersections. En effet, lorsque vous avez en face de vous une entreprise norvégienne, chinoise ou américaine qui a besoin d’énergie, on ne peut pas se contenter de répondre « ce n’est pas nous, c’est les autres ». Par contre, nous n’avons pas l’ambition de nous substituer, par exemple à la SNEL, au ministère des Infrastructures ou à toute autre partie prenante. Donc, justement, pour tenir compte de cela, nous voulons créer une gouvernance multisectorielle.

Le Conseil dispose-t-il aujourd’hui des leviers suffisants pour mettre en œuvre ce programme et, plus tard négocier d’égal à égal avec des géants comme CATL ou Tesla ?

Pas encore, mais bientôt. Nous commençons à mettre en place notre plan directeur, la première étape, c’est de structurer cette gouvernance. L’idée, c’est quoi ? C’est d’avoir un comité de pilotage multisectoriel, composé d’experts provenant du privé du public et de la société civile, d’avoir par exemple six directions internes, une par axe, avec du personnel engagé, d’embaucher de l’expertise, nous prévoyons même au sommet de la structure de gouvernance, un comité interministériel. Ainsi, nos interlocuteurs, qu’ils soient BYD, CATL ou d’autres, trouveront au CCB un point d’entrée unique et sérieux. Ce n’est pas encore le cas dans les faits, mais c’est ce qu’on s’efforce de mettre en place.

Il y a peu d’informations qui filtrent sur les acteurs impliqués, les délais, notamment sur les projets avec la Zambie ou la zone économique pour la batterie. Pouvez-vous nous en dire davantage, notamment sur la zone économique ?

Ce qui se passe, c’est que nous avons intégré ces projets très importants, bien entendu, dans notre schéma global. Ces projets visent la transformation locale au sens général. Pour les projets comme le programme de la zone économique spéciale pour la batterie, ce sont des briques qui construisent la chaîne de valeur. Où en est-on ? Il y a eu la pose de la première pierre de la zone économique spéciale désignée par les autorités congolaises à Musompo. Je crois savoir que nous sommes pour le moment dans les démarches au niveau du foncier pour régulariser tout cela, mais la zone a été choisie, l’étude de préfaisabilité a été terminée. Maintenant, dès que le foncier est réglé, l’étude de faisabilité commence. Nous sommes dans des projets industriels, cela prend du temps. Et effectivement, le temps du grand public n’est pas le même que le nôtre. Nous devons communiquer plus et mieux.

Puisque vous parlez des zones spéciales, ne serait-il pas plus simple d’avoir un partenariat direct avec un grand acteur privé comme BYD ? CCB  jouant le rôle de facilitateur, au lieu de mettre en place toute une structure préalable ?

Nous avons l’expertise qu’il faut. En étant structurés, professionnels, nous renforçons notre souveraineté. Nous décidons nous-mêmes, en connaissance de cause, de ce qui est bon pour notre pays, de la direction dans laquelle nous voulons aller et nous traitons alors d’égal à égal avec ces grands groupes que vous mentionnez, dans une relation Win-Win.

Cependant, dans le secteur minier, on observe que les groupes privés se méfient souvent des États. N’avez-vous pas peur que vos efforts soient doublés ou contournés ?

C’est la raison d’être de cette gouvernance multisectorielle que nous mettons en place. Nous avons fait un pré-roadshow à Kinshasa. Nous avons rencontré plusieurs parties prenantes, présenté nos plans, et cela s’est très bien passé. Nous comptons venir sur le Katanga, puis organiser régulièrement des rencontres avec les parties prenantes nationales et internationales. Nous ne venons pas avec une solution toute faite, nous allons construire ensemble avec nos partenaires.

Plutôt que de voyager à grands frais, ne serait-il pas plus judicieux de dérouler le tapis rouge ici et de montrer aux grands groupes comme BYD le potentiel sur le terrain ?

Oui, je pense que c’est possible. Mais à condition que nous soyons bien structurés, qu’un gros travail ait été fait en interne au préalable, que nous puissions répondre à toutes les questions et orienter vers la direction la meilleure pour le Congo. Si nous sommes solides, alors oui, nous pouvons les faire venir et leur présenter le potentiel ici même.

Dernière question : en 2035, pensez-vous que la RDC produira localement des lingots, des cellules de batterie ou même des voitures électriques complètes ?

C’est difficile à dire, il y a beaucoup de paramètres qui entrent en jeu. À mon avis, la production de précurseurs est très probable. En revanche, des batteries électriques complètes… Quand on voit que, même en Norvège ou ailleurs en Europe, un pays mature et fortement subventionné, certains projets ont échoué… Je crois que, dans dix ans, le marché automobile ne sera pas encore totalement mature ici. Mais sur la chaîne de valeur, nous aurons certainement progressé de trois à quatre échelons, et c’est déjà beaucoup, avec déjà de grosses retombées en valeur ajoutée pour les populations congolaises. Une méga-usine de batteries ou de voitures électriques complètes ? Franchement, je ne peux pas vous le garantir.

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