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ENTRETIEN AVEC JEAN-MARIE KANDA

PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS, DOYEN HONORAIRE
DE LA FACULTÉ POLYTECHNIQUE DE L’UNIVERSITÉ DE LUBUMBASHI

« CRÉER UNE CHAÎNE DE VALEUR
AUTOUR DE LA BATTERIE, EN TIRANT PARTI
DE LA DOTATION EXCEPTIONNELLE DE LA RDC
EN RESSOURCES MINÉRALES »

Professeur des universités, doyen honoraire de la faculté polytechnique de l’Université de Lubumbashi, Jean-Marie Kanda coordonne aujourd’hui le Centre Africain d’Excellence pour la recherche, l’innovation et la formation sur les batteries. Administrateur au sein du Conseil Congolais de la Batterie, il occupe depuis février 2025 le poste de conseiller principal au collège Mines, Énergie et Hydrocarbures auprès de la Présidence.

Acteur clé du développement de la filière batterie en RDC, il suit depuis ses débuts la volonté politique affichée en 2021 par le chef de l’État d’inscrire le pays dans la course mondiale aux énergies du futur.

Monsieur le Professeur, trois ans après ce signal fort de la Présidence en faveur de l’industrialisation des batteries, où en est concrètement la RDC dans ce chantier stratégique ?

En 2021, la RDC, sous les recommandations et l’accompagnement de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique, bureau de Yaoundé, avec l’appui du siège général à Addis-Abeba, ainsi que du ministère de l’Industrie, de la Primature et de la Présidence, a organisé en novembre 2021 le DRC-Africa Business Forum. L’idée était de rassembler plusieurs pays africains et acteurs pour porter un nouveau narratif, celui de rompre avec la logique d’exporter les ressources minières brutes, de la mine au port, sans transformation locale. L’idée est de créer une chaîne de valeur autour de la batterie, en tirant parti de la dotation exceptionnelle de la RDC en ressources minérales, et d’inciter les investisseurs à transformer ces ressources localement. 

Pourquoi la batterie ? 

Parce que le cobalt, le nickel, le manganèse, le cuivre et le lithium, tous disponibles en RDC, sont aujourd’hui des métaux clés dans la fabrication des batteries. La RDC a, au-delà de ses potentiels, des certitudes sur ses réserves et elle ne voulait pas avancer seule. Elle a donc convaincu certains pays, principalement la Zambie, qui a intégré l’idée. Ensemble, la RDC et la Zambie ont signé un protocole d’accord pour développer une zone économique spéciale transfrontalière.


Un accord a été signé en avril 2023. Mais bien avant cela, la RDC a lancé le Centre Africain d’Excellence pour la recherche sur les batteries, parce que, si nous avons une industrie des batteries, il nous faut de la compétence, de la recherche. En décembre 2023, les États-Unis ont rejoint l’accord entre la RDC et la Zambie pour codévelopper cette chaîne de valeur.


Vous avez évoqué les ressources en cobalt et autres métaux, mais il y a un autre point au cœur de ce changement de paradigme : les compétences. Le projet a été lancé en 2021, les accords avec la Zambie ont été conclus en 2023. À quand les premières batteries issues de nos chaînes ?


Ce n’est pas encore nécessairement la batterie finale qu’il faut attendre tout de suite. L’idée est de commencer par les étapes de transformation. Si nous avons du cobalt, ne l’envoyons pas sous forme brute en Chine. Raffinons-le ici. Il faut donc installer des raffineries en RDC. Selon les besoins, le cobalt peut être transformé en métal, en sulfate ou en hydroxyde. Aujourd’hui, seuls 20 à 21% du cobalt mondial va dans les batteries, mais c’est la partie à plus forte valeur.


En transformant localement, nous ajoutons de la valeur. Ensuite, on fabrique les précurseurs de batteries, puis les matériaux actifs de cathode, les électrolytes, et enfin on assemble les batteries. Chaque étape ajoute de la valeur. En Europe, le besoin principal est la mobilité électrique, mais en Afrique, ce sont les stations de stockage d’énergie, les motos ou les bus. Le Kenya en est un bon exemple. 

Il ne faut donc pas se demander « À quand la première batterie ? », mais plutôt « À quand la première raffinerie ? ». Car sans elle, impossible d’avancer dans la chaîne de valeur. Pour cela, il faut de l’énergie, des infrastructures, et c’est là que le gouvernement travaille, avec la Première ministre Judith Suminwa et le ministère de l’Industrie.
Le ministre Julien Paluku, jusqu’à l’an dernier, puis Louis Watum, son successeur, ont poursuivi cet engagement.

Et quels sont les résultats ?


Il a réussi à ratifier les accords avec les partenaires financiers et techniques, notamment Afreximbank, la UNECA, la BADEA. Il a lancé la zone économique de Musompo en posant la première pierre. Le foncier est prêt, grâce à l’implication de l’État. L’Agence des Zones économiques spéciales est engagée. Ce sont des projets soutenus au plus haut niveau et qui dépassent les cycles électoraux.

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