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Entretien avec Annebel OOSTHUIZEN, Directrice Générale de KAMOA

Pourriez-vous vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours professionnel chez Kamoa Copper ?

Je suis Annebel Oosthuizen, et je dirige aujourd’hui les opérations de Kamoa Copper l’un des plus importants complexes miniers de cuivre au monde. Mon parcours au sein de cette entreprise commence en 2015, où j’ai rejoint l’équipe en tant que responsable comptable. Au fil de près de dix années, j’ai eu le privilège d’évoluer à travers plusieurs postes à responsabilités croissantes, portée par la transformation exceptionnelle de Kamoa-Kakula : d’un projet d’exploration naissant à un acteur mondial, reconnu pour son innovation technique, son leadership environnemental et son ancrage local. Cette ascension fut pour moi bien plus qu’une progression professionnelle : une aventure humaine et stratégique rare. J’ai participé directement à la conception opérationnelle du site, à sa montée en puissance, et aujourd’hui à son rayonnement comme modèle d’excellence durable alliant performance industrielle, énergies renouvelables et développement socio-économique.

Quelle est la politique actuelle de Kamoa Copper en matière de soustraitance locale ?

À Kamoa Copper, notre politique de sous-traitance locale ne se contente pas de répondre aux obligations légales : elle incarne notre engagement stratégique à contribuer au développement économique de la République Démocratique du Congo. Je m’assure personnellement que nos pratiques soient pleinement conformes à la loi n° 17/001 de 2017 et à ses modifications, qui encadrent la sous-traitance dans le secteur privé. Nous privilégions délibérément les entreprises enregistrées localement, majoritairement détenues et gérées par des Congolais, et employant une maind’œuvre nationale, conformément aux exigences de l’ARSP. Nos procédures d’approvisionnement sont conçues pour accorder une priorité tangible aux fournisseurs locaux qualifiés. Ceux-ci sont systématiquement intégrés dans nos appels d’offres dès que cela est possible.

Chaque partenaire local fait l’objet d’un processus de due diligence rigoureux, se voit enregistré dans notre base de données dédiée et obtient un numéro de fournisseur avant toute transaction. La régularité et la traçabilité sont la norme.

Notre ambition va au-delà de la simple conformité. Je considère qu’il est de notre responsabilité et de notre intérêt de renforcer les capacités entrepreneuriales locales. Nous identifions et accompagnons activement de nouveaux fournisseurs congolais, en veillant à ce qu’ils répondent à nos exigences techniques, qualitatives et opérationnelles. Chaque décision d’achat s’inscrit dans un cadre transparent, compétitif et vérifiable, où seuls les mérites et la compétence déterminent l’attribution des marchés.

Cette approche rigoureuse et exigeante renforce simultanément notre chaîne logistique et stimule une croissance économique inclusive. Elle incarne le rôle de Kamoa comme partenaire de long terme dans le développement industriel de la RDC créant de la valeur partagée, durable et vérifiable.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontés pour identifier et développer des soustraitants locaux compétents ? Existe-t-il un programme spécifique de soutien ou de renforcement des capacités ?

Chez Kamoa Copper, nous considérons que l’identification et le développement de sous-traitants locaux compétents constituent un impératif stratégique non seulement pour bâtir une chaîne d’approvisionnement résiliente et ancrée localement, mais aussi pour favoriser une croissance économique durable en République Démocratique du Congo. Cette ambition, cependant, ne va pas sans défis. De nombreuses petites et moyennes entreprises congolaises se heurtent à des contraintes financières substantielles, qui limitent leur capacité à investir dans des équipements modernes, à financer leur croissance ou à supporter les délais de paiement inhérents aux grands projets. Par ailleurs, un certain nombre d’entre elles ne disposent pas encore des systèmes de gestion qu’ils soient commerciaux, financiers ou opérationnels nécessaires pour opérer à l’échelle et selon les standards rigoureux imposés par l’industrie minière.

Les mentalités, elles aussi, peuvent faire obstacle. Certains fournisseurs présument, à tort, que le simple dépôt d’une offre garantit l’obtention d’un marché. La réalité est tout autre : chaque contrat fait l’objet d’un processus d’appel d’offres transparent et concurrentiel, où au moins trois propositions sont évaluées par un comité de sélection indépendant sur la base de critères stricts prix, qualité, délais afin d’assurer l’équité et l’efficacité.

Pour surmonter ces obstacles, Kamoa Copper a déployé une série de mesures concrètes de renforcement des capacités. Nous facilitons l’accès au financement via des partenariats avec des institutions bancaires locales et, conformément à la réglementation congolaise, accordons un acompte de 30 % aux soumissionnaires retenus. Nous encourageons activement le mentorat, en jumelant des sous-traitants locaux avec des experts internes ou internationaux afin de favoriser le transfert de compétences. Enfin, nous soutenons la formation de coentreprises entre des équipementiers expérimentés et des entreprises congolaises, accélérant ainsi l’acquisition de savoir-faire technologique et opérationnel.

Notre approche associe rigueur procédurale et accompagnement ciblé.

Il ne s’agit pas simplement d’attribuer des contrats, mais de construire pierre après pierre un écosystème fournisseur local, compétitif et intégré, capable de contribuer durablement au succès de Kamoa Copper comme au développement économique de la RDC. L’objectif est clair : ne pas se contenter d’acheter local, mais élever une chaîne d’approvisionnement congolaise aux standards internationaux.

Des allégations de monopoles ou de cartels dans la sous-traitance minière ont été formulées, l’ARSP étant soupçonnée de manquer de neutralité.

Comment gérez-vous les risques liés au favoritisme, aux conflits d’intérêts ou à la dépendance excessive à l’égard de certains prestataires de services ?

À Kamoa Copper SA, nous sommes parfaitement conscients des risques que font peser sur les opérations minières les pratiques monopolistiques, les influences indues ou une dépendance excessive vis-à-vis d’un nombre restreint de prestataires. Ces risques sont particulièrement aigus dans un contexte aussi complexe et exigeant que celui de la sous-traitance minière en République

Démocratique du Congo. Pour y faire face, nous avons instauré un système de gouvernance rigoureux, intégré à chaque étape de notre chaîne d’approvisionnement depuis l’établissement des listes de soumissionnaires jusqu’à la rédaction des contrats de service. Toute activité de sous-traitance se conforme strictement à la loi n° 17/001 de 2017 et aux directives de l’Autorité de Régulation de la Sous-Traitance (ARSP). Aucun fournisseur n’est retenu sans avoir préalablement fait l’objet d’un enregistrement formel et d’une diligence raisonnable approfondie.

Nos processus d’achat reposent sur des appels d’offres transparents, concurrentiels et traçables. Chaque décision d’attribution fait l’objet d’une évaluation collégiale, impliquant plusieurs départements.

Le recours à un fournisseur unique reste exceptionnel et doit être dûment justifié par écrit, puis validé par la direction. Afin de prévenir tout conflit d’intérêts et de garantir l’intégrité des procédures, l’ensemble de nos collaborateurs sont tenus de respecter un code de conduite exigeant, qui inclut l’obligation de divulguer toute situation personnelle susceptible d’influencer leur jugement. Par ailleurs, des mécanismes de validation à multiples niveaux encadrent strictement les décisions d’engagement.

Enfin, nous veillons activement à diversifier et à faire évoluer notre base de fournisseurs, évitant ainsi toute dépendance excessive et favorisant une saine concurrence. Cette vigilance stratégique contribue directement à la résilience de notre chaîne logistique. Ce cadre normatif exigeant ne se contente pas d’assurer équité et transparence : il construit et entretient la confiance de nos parties prenantes.

Chaque contrat signé souscrit à un double impératif excellence opérationnelle et éthique des affaires et participe à une ambition plus large : celle de générer, ici en RDC, une valeur à la fois économique et sociale, durable et partagée.

La chaîne d’approvisionnement de l’industrie minière fait souvent l’objet d’une surveillance étroite. Quelles procédures Kamoa a-t-elle mises en place pour garantir la transparence et l’intégrité des processus d’approvisionnement et d’achat ?

Chez Kamoa Copper, la transparence et l’intégrité ne sont pas de vaines déclarations de principe : elles sont au coeur de notre modèle opérationnel et de notre engagement en faveur du développement économique de la

République Démocratique du Congo. Nous sommes convaincus qu’une chaîne d’approvisionnement équitable, ouverte et compétitive est la pierre angulaire d’une économie locale robuste et le meilleur tremplin pour permettre aux entreprises congolaises de se positionner sur les marchés régionaux et internationaux.

Chaque opportunité commerciale fait l’objet d’un processus d’appel d’offres structuré, documenté et entièrement traçable, supervisé par un comité d’adjudication multidisciplinaire afin d’en garantir l’impartialité.

L’enregistrement préalable des fournisseurs et des contrôles de conformité rigoureux sont obligatoires une condition qui permet aux entreprises locales qualifiées de concourir dans un cadre sécurisé et équitable. Les attributions de marchés reposent exclusivement sur des critères objectifs et mesurables : le prix, la qualité technique et les délais de livraison. Seuls les soumissionnaires les plus compétitifs ceux qui démontrent une réelle valeur ajoutée sont retenus.

En maintenant ces exigences, nous ne nous contentons pas de respecter les normes internationales en matière de pratiques commerciales éthiques : nous favorisons l’émergence d’une classe dynamique d’entrepreneurs congolais, nous consolidons les écosystèmes industriels locaux et nous démontrons, par l’exemple, que la RDC est capable de rivaliser avec les chaînes d’approvisionnement les plus performantes au monde. Chez Kamoa Copper, chaque contrat signé est un pas de plus vers une excellence opérationnelle partagée et une preuve tangible que le potentiel économique du pays peut se réaliser pleinement, dans le respect des règles et au bénéfice de tous.

Avez-vous mis en place un système interne d’alerte pour les employés ou les fournisseurs ? Si oui, pourriez-vous expliquer comment il fonctionne ?

Kamoa Copper renforce son engagement en faveur de la transparence et de la responsabilité dans ses opérations en République Démocratique du Congo par le déploiement d’un système de signalement externalisé, moderne et sécurisé. S’appuyant sur sa politique établie de protection des lanceurs d’alerte, l’entreprise s’est associée à NAVEX, l’un des principaux fournisseurs mondiaux de solutions de gestion des signalements, pour mettre en place, dès septembre, une plateforme technologiquement avancée.

Ce dispositif de « dénonciation », géré de manière externe et indépendante, sera accessible par plusieurs canaux sécurisés interface en ligne, téléphone et QR codes afin d’assurer l’anonymat et une protection robuste contre toute forme de représailles pour les personnes signalant, de bonne foi, des irrégularités ou des préoccupations.

Pour garantir une adoption large et une compréhension claire de cet outil, Kamoa Copper conduit une campagne de sensibilisation approfondie visant l’ensemble de son écosystème : collaborateurs, dirigeants, sous-traitants, fournisseurs et communautés riveraines.

Cette démarche vise à ancrer davantage une culture d’entreprise fondée sur l’intégrité, la redevabilité et la parole libérée.

Les signalements reçus seront traités par l’équipe Gouvernance et Conformité de Kamoa Copper, qui pourra, le cas échéant, faire appel à des enquêteurs externes et indépendants afin de renforcer l’impartialité des investigations et la confiance dans le processus.

Cette initiative illustre non seulement la volonté de Kamoa Copper d’appliquer les normes éthiques les plus exigeantes, mais elle souligne également le rôle précurseur que joue la RDC dans l’adoption de bonnes pratiques internationales en matière de gouvernance d’entreprise et d’engagement des parties prenantes.

« Notre nouveau système d’alerte, externalisé et sécurisé, garantit que chacun qu’il soit employé, fournisseur ou partie prenante puisse s’exprimer en toute sécurité, de manière anonyme et sans crainte de représailles ».

L’accès à une énergie fiable reste l’un des principaux enjeux de la région. Où en sont vos projets d’autonomie énergétique ou d’intégration des sources d’énergie renouvelable ?

Une alimentation en énergie fiable est indispensable au fonctionnement d’un site minier de classe mondiale. Consciente des défis structurels auxquels fait face le réseau électrique de la République Démocratique du Congo, Kamoa Copper a choisi de jouer un rôle actif dans l’amélioration de l’infrastructure énergétique nationale, plutôt que de se contenter de solutions temporaires ou autonomes.

En partenariat avec la SNEL, la société nationale d’électricité, Kamoa Copper a, au travers d’Ivanhoe Energy, engagé un investissement de 450 millions de dollars américains pour réhabiliter des capacités hydroélectriques existantes, mais sous-utilisées.

La modernisation de la centrale de Mwadingusha a été achevée avec succès en 2021. Les travaux se poursuivent aujourd’hui sur la turbine G25 du complexe d’Inga II, dont la remise en service est prévue pour octobre 2025. Une fois opérationnelle, elle portera la capacité totale du projet à 178 MW.

Les besoins actuels de Kamoa Copper s’élèvent à environ 150 MW.

60 mégawatts sont fournis par la SNEL ; le solde est importé par des fournisseurs indépendants via le Southern African Power Pool. La remise en état de l’unité Inga II contribuera significativement à augmenter la part d’énergie d’origine locale dans l’approvisionnement de la mine.

Parallèlement, Kamoa Copper diversifie son mix énergétique en développant une capacité solaire substantielle. Grâce à des contrats d’achat d’électricité signés avec deux producteurs indépendants, la mine disposera de 60 MW d’énergie solaire d’ici mi 2026. Enfin, pour parer à toute interruption, la société installe actuellement des groupes électrogènes de secours d’une capacité totale de 214 MW. Au-delà de la sécurisation de ses propres opérations, cette stratégie énergétique multidimensionnelle hydroélectricité, solaire et de secours vise à assurer l’avenir énergétique de Kamoa ainsi qu’à renforcer durablement le réseau électrique national. Elle illustre la conviction de Kamoa Copper selon laquelle le développement minier doit s’accompagner d’investissements structurants profitant à l’ensemble de l’économie. « Nos investissements dans l’hydroélectricité, le solaire et les moyens de secours garantissent notre avenir énergétique tout en contribuant au renforcement du réseau national de la RDC, pour le bénéfice de tous. »

Quelles mesures concrètes ont déjà été prises, sur le plan technique ou environnemental, pour atteindre l’objectif des premières opérations à zéro émission nette du secteur ?

L’engagement de Kamoa-Kakula en faveur d’une exploitation minière bas carbone ne relève pas de la simple ambition : il se concrétise déjà par des initiatives techniques et environnementales tangibles, qui placent le complexe minier parmi les acteurs les plus avancés dans la transition énergétique du secteur.

Le site est déjà principalement alimenté par une hydroélectricité propre, issue de centrales réhabilitées avec l’appui financier et technique de Kamoa.

La modernisation de Mwadingusha et celle en cours de la turbine G25 d’Inga II financée à hauteur de 450 millions de dollars permettront d’injecter 178 MW supplémentaires dans le réseau national, dont 70 MW seront dédiés aux opérations de Kamoa-Kakula dès fin 2025.

Parallèlement, deux centrales solaires photovoltaïques d’une capacité combinée de 60 MW, couplées à des systèmes de stockage par batterie, viendront diversifier et verdir davantage le mix énergétique. Un investissement supplémentaire de 200 millions de dollars est par ailleurs consenti pour moderniser la ligne de transport entre

Inga II et Kolwezi, renforçant ainsi la fiabilité et la capacité du réseau électrique national.

La future fonderie de Kamoa, fonctionnant intégralement à l’hydroélectricité, émettra l’une des plus faibles intensités d’émissions de gaz à effet de serre (scope 1 et 2) au monde pour une unité de production de cuivre. Mais la démarche va au-delà des émissions directes : les émissions de scope 3 liées à la logistique et au transport sont également prises en compte via le recours au corridor ferroviaire de Lobito, des partenariats avec des raffineurs responsables et une stratégie de décarbonation appuyée par des méthodologies scientifiques, avec l’accompagnement de BDO.

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