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À propos de l’autre décision de l’ARECOMS du 22 février 2025…

Depuis le début de l’année 2025, les milieux miniers congolais et internationaux ont essentiellement parlé de l’ARECOMS (Autorité de Régulation et de Contrôle des Marchés de Substances Minérales Stratégiques) suite à sa décision n° 01 du 22 février 2025 suspendant les exportations de cobalt congolais, renouvelée en juin 2025 et suivie par ses décisions du 20 septembre et du 10 octobre 2025 relatives au régime spécifique des quotas d’exportation de cobalt, qui est entré en vigueur le 16 octobre 2025. 

La présente tribune s’intéresse à l’autre décision, la décision n° 02, prise également le 22 février 2025 par le Conseil d’Administration de l’ARECOMS (« la décision ARECOMS n° 02 »). Elle a suscité moins de commentaires, mais son intérêt n’est pas moindre.

En effet, par cette décision portant « mesures réglementaires urgentes relatives à la filière du Cobalt », l’ARECOMS a eu comme principaux objectifs, notamment, d’assainir et réguler le marché du cobalt et de vérifier la conformité aux lois en vigueur et aux recommandations des organisations internationales en matière de traçabilité et de transparence des investissements miniers.

Ayant constaté, avec l’aide des services spécialisés du ministère des Mines et suite aux plaintes de nombreux opérateurs miniers et de la Chambre des Mines, qu’une proportion significative du cobalt congolais provenait depuis quelques années d’une exploitation artisanale et semi-industrielle illégale, en grande partie exercée sur les permis d’exploitation d’opérateurs industriels spoliés, avec l’aide d’un certain nombre d’entités de traitement de minerais, l’ARECOMS a pris plusieurs mesures importantes.

Tout d’abord, elle a décidé d’interdire tout mélange de minerais de cobalt issus de l’exploitation artisanale ou semi-industrielle non certifiée avec des minerais issus de la production industrielle ainsi que l’exportation des produits issus du mélange de ces deux procédés. Ensuite, elle a rappelé que l’exploitation du cobalt devait être réalisée en conformité avec les lois et règlements en vigueur en RDC et avec les normes de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE), particulièrement celles concernant (a) l’interdiction, dans toute la chaîne d’approvisionnement du cobalt, de la présence des enfants, femmes enceintes et personnes vulnérables, et (b) le respect exigé des conditions de travail sécuritaires et des pratiques non conformes aux directives ou règles nationales et internationales en matière de droits de l’Homme.

Par suite, c’est l’ARECOMS qui aura alors pour mission de veiller au strict respect des normes d’approvisionnement responsable élaborées par l’Entreprise Générale du Cobalt (EGC) S.A., qui sont désormais érigées en standards nationaux pour ce secteur du cobalt artisanal et semi-industriel.

De plus, l’EGC a été renforcée par l’ARECOMS comme ayant le monopole non seulement de l’achat, mais aussi de l’exportation du cobalt congolais issu de l’exploitation artisanale et semi-industrielle.

Quant aux entités de traitement, qui ont d’ailleurs été contrôlées et rappelées à l’ordre à plusieurs reprises en 2025 par Monsieur le Ministre des Mines (et même suspendues pour certaines), la décision ARECOMS n° 02 prévoit que celles qui ne détiennent pas régulièrement une source d’approvisionnement ne pourront pas exporter de cobalt et que leurs licences d’exportation de biens seront révoquées avec effet immédiat. Cela va dans le sens de l’assainissement de ce secteur, car, comme expliqué précédemment, certaines entités, notamment actives dans la province du Lualaba, s’approvisionnaient depuis des années auprès d’opérateurs artisanaux et semi-industriels qui extrayaient illégalement du cobalt dans les sites miniers de sociétés tierces, sans aucune autorisation valable.

Nous devons aussi mettre en lumière une autre disposition de la décision ARECOMS n° 02, à savoir celle qui permet que tout partenariat entre l’EGC et un titulaire de droits miniers et/ou de carrières dans le cadre duquel ce dernier consentirait à mettre à la disposition de l’EGC une partie de son périmètre minier en vue de la réalisation de son objet social (cf. la promotion et l’encadrement du cobalt artisanal) puisse se conclure sans cession, renonciation ou abandon de droits ou de titres sur cette partie de son périmètre, comme l’exige en principe l’article 30 e) du Code minier. Il est précisé que cette dérogation a été prévue par l’article 8 du Décret n° 19/15 du 5 novembre 2019 tel que modifié et complété par le Décret n° 25/05 du 21 février 2025. 

Pendant des années, il est vrai que les divers projets sur lesquels les entreprises minières travaillaient en vue d’allouer certains périmètres aux artisans miniers, afin de permettre une coexistence pacifique et encadrée, notamment par l’EGC et la SAEMAPE, avec ces artisans, se heurtaient à cet article 30 e) du Code minier qui exige que le titulaire de droits miniers qui autorise des artisans à s’installer sur une partie de son périmètre renonce définitivement à ses droits sur ce périmètre en vue de sa « conversion » en zone d’exploitation artisanale (ZEA). Ce qui est très difficile à accepter pour les titulaires des droits. 

Cette solution est donc intéressante en pratique. Mais il faut préciser qu’elle a été adoptée par voie de décret et de décision de l’ARECOMS, ce qui pose question au plan juridique, car, en principe des dispositions inférieures à la loi (le Code minier ayant été instauré par une loi) ne devraient pas pouvoir déroger à une disposition légale supérieure. Même si le Code minier a prévu, en son article 7 bis, que l’accès, la recherche, l’exploitation et la commercialisation des minerais stratégiques seraient régis par des dispositions réglementaires particulières, le principe de la hiérarchie des normes (voir ma tribune dans Mining & Business n° 62) n’autorise pas que de telles dispositions réglementaires particulières dérogent à la loi minière supérieure, mais seulement qu’elles précisent le régime applicable aux minerais stratégiques sans pour autant violer le Code minier. Il serait donc préférable de modifier l’article 30 e) du Code minier, comme déjà préconisé par de nombreux acteurs du secteur minier congolais.  

D’ailleurs, et en conclusion de cette tribune, nous renouvelons notre proposition de procéder, après 7 ans de pratique du Code minier révisé de 2018, non pas à sa révision, mais à son amélioration, dans le cadre d’un dialogue public-privé, car il est indéniable que certaines de ses dispositions posent des problèmes pratiques, que d’autres se sont avérées peu ou pas efficaces, voire contre-productives, au regard des objectifs recherchés de renforcement de l’attractivité de l’investissement minier (industriel, semi-industriel et artisanal), mais aussi d’accroissement des retombées positives pour l’État et les communautés locales, de respect des normes socio-environnementales les plus élevées et de lutte contre les fraudes minières.

Par Romain Battajon, Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete

Editorial Mining and Business N°63