Une rare divergence publique a opposé, sur X, la Banque centrale du Congo (BCC) et le ministère des Finances au sujet de l’effet de l’appréciation du franc congolais sur la mobilisation des recettes publiques, ravivant le débat sur la cohérence des politiques économiques en fin d’exercice 2025.
Tout est parti d’un message publié le 3 décembre par la BCC sur X. L’institution y affirme qu’une « analyse graphique démontre que l’appréciation du franc congolais sur le marché des changes n’a pas freiné la mobilisation des recettes publiques ». La Banque centrale assure que « les réalisations ont été systématiquement supérieures aux assignations depuis le début de l’année », y compris en novembre.
À l’appui, la BCC publie un graphique montrant une progression des recettes fiscales d’environ 3 000 milliards de francs congolais (CDF) en janvier à 26 265,3 milliards en novembre, soit un dépassement de 606 milliards par rapport aux assignations (25 658,8 milliards), correspondant à un taux de réalisation de 102,3 %.
Pour l’institut d’émission, cette évolution tendrait à montrer que le raffermissement du franc congolais accompagne la hausse des recettes, renforçant un discours officiel sur la stabilisation macroéconomique enregistrée en fin d’année.
« Analyse erronée et inexacte »
Mais la réaction du ministère des Finances a rapidement contredit cette lecture. « Cette analyse est erronée et inexacte, car fondée sur des recettes cumulées incluant même des avances fiscales », a tranché le cabinet du ministre Doudou Fwamba, jugeant que, dans un contexte nécessitant « la coordination des politiques économiques », une telle conclusion était « trompeuse ».
Selon le ministère, « le cadrage du Fonds monétaire international pour le dernier trimestre de l’année 2025 ainsi que les données des administrations financières confirment la perte des recettes » liée à l’appréciation rapide du franc congolais.
Pour le macroéconomiste Jean-Paul Tsasa, directeur du CIREM (Centre interuniversitaire de recherche en économie mathématique et professeur à l’Université Protestante du Congo, cet échange révèle un enjeu bien plus large que le simple débat technique. « Ce qui se joue dépasse les considérations politiques : cela affecte la vie des citoyens et les projets d’investissement », explique-t-il, dans un long post analytique sur X.
Différences de périmètres statistiques ?
Le spécialiste rappelle que la cohérence institutionnelle est déterminante. « La coordination entre la Banque centrale et le ministère des Finances est indispensable pour maintenir la cohérence de l’orientation macroéconomique, éviter les signaux contradictoires et renforcer la crédibilité des politiques publiques », souligne-t-il.
Concernant la publication de la BCC, il appelle à la prudence analytique : « La performance apparente n’est pas toujours la performance réelle. Les données brutes peuvent masquer des tendances structurelles profondes. Une monnaie forte peut protéger à court terme, mais fragiliser à moyen terme. »
Face à la controverse, le professeur Tsasa croit qu’il ne s’agit pas de pointer qui a tort et qui a raison. « Ces deux positions peuvent simplement refléter des différences de périmètre statistique (cumulatif versus courant), d’horizon temporel ou de méthodologie. Il est donc possible qu’elles décrivent des aspects complémentaires plutôt qu’opposés », conclut-il.
Elisha IRAGI pour M&B Magazine

