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Accusations de spoliation et de malversations financières contre Afriland First Bank

Un conflit oppose les actionnaires de la filiale d’Afriland First Group (95,6%) en République démocratique du Congo depuis au moins un an.

Un conflit oppose les actionnaires de la filiale d’Afriland First Group (95,6%) en République démocratique du Congo depuis au moins un an. L’actionnaire majoritaire accuse l’ancien directeur général de la banque et actionnaire minoritaire, aujourd’hui décédé dans des circonstances jugées obscures, de malversations financières. De leur côté, les actionnaires minoritaires reprochent à la holding bancaire de droit suisse, fondée et contrôlée par le milliardaire camerounais Paul Kammogne Fokam, de percevoir des dividendes «indus » et de spolier l’établissement de crédit à travers des contrats d’assistance technique. Le conflit a pris une dimension politico-judiciaire et Investir au Cameroun retrace l’affaire.

Depuis le 20 juin 2022, la filiale d’Afriland First Group (AFG) en République démocratique du Congo est « mise sous la gestion d’un comité d’administration provisoire ». C’est la quintessence d’un « avis au public » publié le même jour par la gouverneure de la banque centrale du Congo (BCC), Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi.

Le ministre des Finances du Congo, Nicolas Kazadi, insiste sur « l’impérieuse nécessité d’une résolution ordonnée des difficultés actuelles notées à Afriland RD Congo, dans la stricte application et exclusive de la loi bancaire par la banque centrale du Congo ».

Le document signé par cette économiste congolaise, bien connue au Cameroun pour y avoir exercé comme représentante-résidente du FMI, désigne aussitôt les sept membres qui constituent le comité de gestion provisoire de cet établissement de crédit congolais, dont AFG, holding bancaire de droit suisse, fondée et contrôlée par le milliardaire camerounais Paul Kammogne Fokam, revendique 95,6% du capital.

La décision que vient de prendre la gouverneure de la BCC survient quelques jours seulement après la session du Conseil des ministres tenue le 3 juin 2022. À cette occasion, le ministre des Finances du Congo, Nicolas Kazadi, par ailleurs président du Comité de stabilité financière, a insisté sur « l’impérieuse nécessité d’une résolution ordonnée des difficultés actuelles notées à Afriland RD Congo, dans la stricte application et exclusive de la loi bancaire par la banque centrale du Congo ».

Quel rôle de l’État congolais ?

Selon Afriland First Group, que la décision de placer la banque sous administration provisoire semble satisfaire, la BCC n’aurait pas toujours joué franc jeu dans le conflit qui oppose dirigeants et actionnaires de cette institution bancaire, depuis au moins mi-2021. « Depuis le 1er juillet 2021, en effet, les actionnaires (précisément le groupe d’actionnaires majoritaire, NDLR) et les administrateurs n’ont plus aucun contrôle sur la banque, entièrement aux mains de l’ex-DGA, Patrick Kafindo Zongwe (son nom apparaît dans certains documents comme actionnaire minoritaire de la banque, NDLR), assisté de la mission rapprochée de la banque centrale du Congo. Les actionnaires (précisément le groupe d’actionnaires majoritaire, NDLR) ont plusieurs fois décrié et alerté les autorités par rapport à cette situation qui, par nature, ouvrait la voie à tous les abus, au détriment de l’intérêt général », soutient la holding bancaire de Paul K. Fokam dans un communiqué du 3 juin 2022, auquel Investir au Cameroun a eu accès.

AFG : « alerté par le commissaire aux comptes de possibles malversations financières et face à un faisceau d’indices probants, le président du Conseil d’administration suspend le DG (qui est alors le Camerounais Souaibou Abary, NDLR) pour examen approfondi »

Dans le même document, l’État congolais n’est pas non plus épargné, au sujet des manœuvres ayant entretenu « la crise » au sein de la banque depuis le 2e semestre 2021. « Les décisions du Conseil d’administration du 21 janvier 2022 portant réorganisation de la banque et nominations des dirigeants, pourtant actées par la banque centrale du Congo, sont suspendues à la surprise générale au niveau du Conseil d’État de la République. Cette situation paralyse la banque, qui ne possède plus d’organes de gestion et de contrôle depuis plusieurs mois (…) laissant ainsi libre cours à l’Ex-DGA et ses soutiens… », apprend-on.

Des indices de malversations financières

Pour l’heure, ni les responsables d’AFG, ni les autorités monétaires congolaises n’expliquent les véritables ressorts de la crise qui secoue Afriland First Bank RD Congo. L’on note simplement qu’alors qu’au 30 juin 2021, la banque jouissait « d’une excellente situation financière, avec des fonds propres de base de 48,4 millions de dollars (plus de 30 milliards de FCFA), et respectait tous les ratios prudentiels », « la crise s’est amplifiée » à partir du 1er juillet de la même année. Ceci, « lorsqu’alerté par le commissaire aux comptes de possibles malversations financières et face à un faisceau d’indices probants, le président du Conseil d’administration suspend le DG (qui est alors le Camerounais Souaibou Abary, NDLR) pour examen approfondi, conformément aux dispositions statutaires ».

Auréolé du titre de DG par intérim, Patrick Kafindo Zongwe, actionnaire minoritaire, est accusé par AFG d’entretenir « une guérilla administrative et politico-judiciaire » qui a pris en « otage la banque centrale du Congo, l’État du Congo démocratique et Afriland First Bank RD Congo »

Mais, apprend-on, le DG sera réhabilité dès le 2 juillet 2021 par la banque centrale du Congo, qui, en guise de représailles, procèdera plutôt au retrait de l’agrément du président du Conseil d’administration d’Afriland First Bank RD Congo. C’est sur ces entrefaites que va survenir le Conseil d’administration de janvier 2022, qui consacrera la nomination de nouveaux dirigeants et réorganisera la banque. Mais, ces nominations et autres décisions, pourtant actées par la banque centrale du Congo, vont par la suite être invalidées par le Conseil d’État congolais.

C’est alors que l’Ex-DGA va monter au créneau. Cette fois-ci, selon les documents consultés par Investir au Cameroun, ce dernier agit en qualité de DG par intérim (les mécanismes de sa désignation nous sont inconnus), le décès du DG titulaire, Souaibou Abary, étant survenu dans l’intervalle, dans des circonstances jugées obscures et frisant « un acte criminel », soutient le collectif des actionnaires minoritaires de la banque dans un mémo adressé à la gouverneure de la banque centrale du Congo.

Bataille judiciaire controversée

Auréolé du titre de DG par intérim, Patrick Kafindo Zongwe, actionnaire minoritaire accusé par Afriland First Group d’entretenir « une guérilla administrative et politico-judiciaire » qui a pris en « otage la banque centrale du Congo, l’État du Congo démocratique et Afriland First Bank RD Congo », va saisir le tribunal de commerce de Kinshasa le 13 avril 2022, afin d’obtenir la désignation d’un administrateur provisoire. Cette administration provisoire, apprend-on, devrait alors se consacrer à gérer temporairement la banque, de manière à procéder à une évaluation des capitaux des actionnaires, désigner un directeur général, désigner de nouveaux administrateurs, et procéder au remplacement d’un associé décédé. Mais, bien qu’ayant jugé la requête du DG par intérim recevable, au cours de son audience du 22 avril 2022, le tribunal va plutôt procéder à la désignation de deux « administrateurs ad hoc ».

 À en croire les actionnaires minoritaires, « cette technique d’enrichissement illégal (contrats d’assistance technique) a fait perdre à la banque environ 15 millions de dollars (soit près de 9,5 milliards de FCFA), auxquels il faudra ajouter les effets de la fiscalité… ».

Désignés pour une durée de six mois à la tête de la banque, Ide Bopilo Walo et Foko Lumengu ont pour cahier de charges, précise le tribunal, d’auditer la gestion, les comptes et les avoirs de la banque ; évaluer les dettes et les créances ; faire convoquer une assemblée générale extraordinaire en vue de la reprise de la banque par les dirigeants qui seront désignés par les actionnaires. Mais, contre toute attente, c’est encore Patrick Kafindo Zongwe qui, dès le 29 avril 2022, va faire appel de la décision prise à sa demande par le tribunal de commerce de Kinshasa, pour demander la rétraction pure et simple de ladite décision, d’une part, et la désignation de nouveaux mandataires de la banque, d’autre part.

Requête à laquelle le tribunal va une nouvelle fois accéder, curieusement, en désignant de nouveaux mandataires à la tête d’Afriland First Bank RD Congo. C’est alors que Ide Bopilo Walo, administratrice ad hoc désignée en première instance par le tribunal, va à son tour monter au créneau. Elle va saisir le même tribunal qui, le 3 mai 2022, va reconnaître avoir été induit en erreur par Patrick Kafindo Zongwe, auquel le droit d’agir au nom de la banque est désormais dénié, alors que le statut des deux administrateurs ad hoc, lui, est confirmé. Mais, la décision prise le 20 juin 2022 par la banque centrale du Congo dessaisit à nouveau ces deux dirigeants ad hoc de tous leurs pouvoirs de gestion de la banque, avant la fin de leur mandat de six mois. Réalité qui pourrait bien conduire à un nouveau rebondissement de l’affaire devant les tribunaux.

Afriland First Group accusé de spolier sa filiale congolaise

Selon la holding bancaire contrôlée par le Camerounais Paul K. Fokam, l’un des principaux instigateurs de la crise au sein d’Afriland First Bank en RDC est le sieur Patrick Kafindo Zongwe. Dans un mémo adressé le 3 juin 2022 à la gouverneure de la banque centrale du Congo, par un collectif d’actionnaires minoritaires que ce dernier constitue avec trois autres actionnaires (dont l’épouse du défunt DG Souaibou Abary), Patrick Kafindo Zongwe révèle aussi un certain nombre de griefs fait à Afriland First Group et son promoteur, le Camerounais Paul K. Fokam.

D’abord, le patron d’Afriland First Group est accusé d’utiliser des contrats d’assistance technique signés entre Afriland First Bank RD Congo et des sociétés affiliées à sa maison-mère (notamment Afriland First Group Management), comme « outil d’enrichissement illicite de Paul K. Fokam ». Pour ce faire, les actionnaires minoritaires citent deux contrats encore en cours de validité, signés en 2009 et 2015, et qui permettent à Afriland First Group Management de percevoir en guise de rémunération, respectivement 10% et au moins 2% du chiffre d’affaires (et non du bénéfice) réalisé annuellement par la filiale congolaise de la holding.

L’actualité au sein d’Afriland First Bank RD Congo incite à penser que la holding bancaire de Paul Kammogne Fokam traverse une période de turbulence.

À en croire les actionnaires minoritaires, « cette technique d’enrichissement illégal a fait perdre à la banque environ 15 millions de dollars (soit près de 9,5 milliards de FCFA), auxquels il faudra ajouter les effets de la fiscalité… ». Et ces actionnaires de poursuivre : « Et comme si cela ne suffisait pas, les paiements sont mêmes faits sous forme d’acompte, avant même la réalisation du chiffre d’affaires annuel hors taxes (les factures de paiement des mois de mars et décembre 2019 sont excipées en guise de preuves, NDLR) ».

Ensuite, l’actionnaire majoritaire d’Afriland First Bank RD Congo est accusé de « perception de dividendes indus » au cours de la période allant de 2009 à 2018, dans la mesure où il n’avait pas « jusque-là libéré sa quote-part du capital souscrit en 2009, à l’occasion de l’augmentation du capital en numéraire ».

Enfin, dans leur mémo, pour montrer que le promoteur d’Afriland First Group est un habitué des conflits, les actionnaires minoritaires évoquent ses rapports tumultueux avec le régulateur du secteur bancaire en Afrique centrale (Cobac) à une certaine époque, sa suspension en 2019 du poste de président du conseil d’administration de sa compagnie d’assurances, ainsi que son divorce récent avec les autorités équato-guinéennes, qui a conduit à la cession de ses actifs dans CCEI Bank Guinée équatoriale à l’État…         

Une holding bancaire dans la tourmente ?

L’actualité au sein d’Afriland First Bank RD Congo incite à penser que la holding bancaire de Paul Kammogne Fokam traverse une période de turbulence. En effet, en l’espace de moins de 2 ans, le groupe bancaire fondé par cet opérateur économique camerounais a soit cédé (CCEI Bank Guinée équatoriale), soit engagé le processus de liquidation (Afriland First Bank Uganda) de deux de ses filiales.

En Ouganda, les orientations stratégiques du groupe sont excipées pour justifier la liquidation de la banque, après seulement 2 ans d’activités. Mais en Guinée équatoriale, la cession des actifs pour une valeur de 30 milliards de FCFA est consécutive à une rupture de confiance avec le président Obiang Nguéma Mbasogo qui aurait constaté un manque de « transparence sur les transferts entre CCEI Bank et la filiale camerounaise ». Le même scénario se profile-t-il à l’horizon en RDC ? L’avenir nous le dira.

Source : Investir au Cameroun

M&B

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