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Avis du Stratège

Le débat qui m’intéresse aujourd’hui est introduit par le titre de mon intervention : « Quand l’Afrique s’éveillera, la Chine tremblera », il s’agit du développement et de la réduction de la pauvreté.
Le débat qui m’intéresse aujourd’hui est introduit par le titre de mon intervention : « Quand l’Afrique s’éveillera, la Chine tremblera », il s’agit du développement et de la réduction de la pauvreté.

Pourquoi ce titre nullement anti-chinois mais au contraire pro africain ? Plus que par le passé, des initiatives africaines de progrès abandonnent l’économie de comptoir, celle de l’importateur distributeur, et accroissent la consommation de ressources naturelles africaines dans des processus industriels. Et, bien évidemment, ces matières premières deviennent indisponibles pour une exportation vers la Chine, premier consommateur mondial, mais également pour l’Europe ou bien les États-Unis.

Ces initiatives africaines contribuent-elles au développement de l’Afrique ? Ce n’est pas toujours certain, lorsqu’elles ne résultent pas des 3 choix qui permettent un développement ordonné.

Le premier de ces choix concerne la politique agricole nationale. Imaginons l’état de l’agriculture européenne sans le pilotage de la Politique Agricole Commune dont l’objectif premier fut l’autosuffisance alimentaire européenne au sortir de la Deuxième Guerre mondiale ? Regardons les progrès du Sénégal dans la culture du riz depuis que la liberté d’entreprise dirige son développement.

Le deuxième choix s’intéresse à la politique énergétique et plus précisément électrique. Les mouvements internationaux autour des énergies renouvelables, nucléaires et hydrocarbures nourrissent notre réflexion. Citons en exemple les choix énergétiques de l’Allemagne, ils illustrent une volonté politique remettant en cause une situation stabilisée ; reste à savoir si elle apportera à ce pays plus de solutions que de difficultés à long terme.

Le troisième choix touche à la politique minière. Faut-il privilégier l’exportation de minerai ou bien la transformation locale dans le but de favoriser une consommation nationale ? La politique minière indonésienne est un exemple. Elle aura transformé une industrie exportatrice de minerais de nickel vers la Chine, en une industrie productrice d’acier. Grâce aux sidérurgistes chinois qui se sont implantés en Indonésie, l’acier est consommé localement ou bien disponible pour l’exportation. Autre exemple, en Afrique du Sud les incitations fiscales permettaient à des platinoïdes sud-africains d’être consommés dans la catalyse automobile dont l’industrie s’est partiellement déplacée d’Europe vers la province du Cap-Oriental.

Depuis quelques années s’impose un quatrième choix qui coiffe les trois premiers, celui de la politique en Responsabilité Sociale et Environnementale. Celle-ci doit favoriser un ensemble formé notamment par l’éducation, le tourisme et les infrastructures, qui soit adapter à une urbanisation croissante.

Venons-en à la RDC. Ses choix dans ces quatre politiques liées aux ressources naturelles sont-ils connus et lisibles ? Quels choix respecteront la culture de la RDC et fabriqueront ainsi un développement industriel différent de celui d’autres pays qui connaissaient récemment eux aussi une forte croissance ? A l’image de la pénétration des téléphones intelligents sans l’étape du téléphone filaire, comment fabriquer ce cocktail qui permettrait à la RDC de brûler d’autres étapes ? Passer du village traditionnel directement aux villes rendues intelligentes via la 5G capable de connecter un million d’objets au km² ; de l’artisanat directement aux industries robotisées avec intelligence artificielle ; de l’agriculture traditionnelle aux herbicides bio contrôle sans glyphosate ; du vélo à la voiture électrique.

Tentons d’ouvrir quelques portes pour notre future discussion à l’aide d’une série de questions simples et donc provocantes.

Chacun sait qu’un agriculteur pauvre ne peut pas nourrir son voisin. La terre est fertile en RDC, pourquoi dans ce cas, le pays importe-t-il autant de denrées agricoles ? Les Congolais ne savent-ils pas cultiver la terre, le peuvent-ils seulement ? A quel prix la terre leur est-elle cédée ?

Pourquoi autant de délestages électriques si réguliers ? Le potentiel hydroélectrique ne peut-il pas répondre au besoin d’une électricité de masse, urbaine et centralisée ? A l’inverse, le prix, continûment décroissant des panneaux solaires chinois ne permettrait-il pas le surgissement, quasiment à la demande, de réseaux électriques déconcentrés et ruraux ? Pourquoi le pays ne fait-il pas confiance à une intelligence collective, mais à celle nécessairement plus limitée contenue dans le culte du « Mokonzi » ?

Pourquoi si peu d’entreprises minières privées portent-elles le drapeau national ? Est-ce une absence de compétences locales ou bien une absence de capitaux congolais détournés ailleurs ? Pourquoi si peu de développement industriel post-mine, en aval, dans le but d’enrichir le minerai de cobalt, voire de fabriquer des éléments de batteries ? Pourquoi la réduction de la consommation de cobalt dans la motorisation électrique n’est-elle pas déjà anticipée ? D’autant plus si l’Afrique du Sud promeut l’utilisation du platine dans les véhicules à hydrogène. Devrions-nous d’ailleurs anticiper les conséquences un match entre le cobalt de RDC et le platine d’Afrique du Sud ?

Chacun sait que l’industriel suivra le touriste et vice versa. Dans ce cas pourquoi les touristes rencontrent-ils des difficultés à recevoir des visas pour visiter la RDC ? Pourquoi le potentiel touristique est-il entaché par des querelles parfois sans nuance entre la RDC et la presse internationale ? Pourquoi, comme au Kenya, les réserves de RDC ne regorgent-elles pas d’animaux sauvages ? Pourquoi les parcs animaliers ne sont-ils pas repeuplés et sécurisés ? Ce dernier défi ne changera-t-il pas le regard des touristes et du monde sur la RDC ?

Enfin puisque nous sommes réunis aujourd’hui au Haut Katanga, voisin du Lualaba, ces deux provinces peuvent-elles coordonner leurs progressions ? C’est-à-dire choisir des spécialités différentes, l’une dans les mines, l’autre dans l’agriculture et les services ?

Répondons ensemble à ces questions aujourd’hui, mais également au cours des prochaines journées minières nationales qui se dérouleront à Kolwezi début septembre 2018, ainsi nous avanceront vers des développements agricoles, énergétiques, industriels et touristiques ordonnés qui réduiront la pauvreté.

Texte lu à la conférence KBM 2018 le 24 mai 2018 par Didier JULIENNE

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