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Entretien avec M. Stéphane Doppagne, Consul Général de Belgique à Lubumbashi

L’économie du Haut-Katanga repose évidemment aussi sur d’autres secteurs que le cuivre. Les services bancaires et les télécoms sont des exemples de secteurs qui ont connu une croissance rapide ces dernières années

M&B : Monsieur le Consul Général, une délégation d’hommes d’affaires belges ont visité la République Démocratique du Congo au mois de mai. Quelle est l’importance des relations économique entre la Belgique et la RDC ?

SD :La présence d’une trentaine d’hommes d’affaires belges à Lubumbashi est le témoignage de l’engagement à long terme de la Belgique en RDC. La Belgique est toujours le 3ème partenaire commercial de la RDC. Nos exportations vers la RDC ont augmenté de 34,4 % l’année dernière. Je crois pouvoir dire que ces relations économiques s’appuient sur d’excellentes relations politiques, comme en attestent les nombreuses visites ministérielles de part et d’autre et une coopération en faveur des la population congolaise qui s’élève à plus de 100 millions d’Euros par an. Le Haut-Katanga est une des provinces prioritaires de cette coopération. L’organisation de missions économiques sous l’égide des 3 Régions (les régions flamande, wallonne et bruxelloise) est une tradition bien ancrée en RDC. Deux missions sont organisées chaque année par les agences régionales belges de promotions des exportations et des investissements, l’une d’hommes d’affaires belges vers le Congo, et l’autre d’hommes d’affaires congolais vers la Belgique. Reflet du tissu économique belge, ce sont généralement surtout des Petites et Moyennes Entreprises qui s’inscrivent aux missions en RDC. 

M&B : Des petites et moyennes entreprises peuvent-elles engager des relations économiques intéressantes dans une province qui est dominée par les géants du secteur minier ? Surtout si les prestations de ce secteur minier sont en recul depuis un certain temps ?

SD : Certes en baisse, la production de cuivre a quand-même tourné l’année dernière autour du million de tonnes, ce qui continue à faire de la RDC le premier producteur africain et le 6ème producteur mondial de ce métal. De nouvelles découvertes, certaines très importantes comme à Kamoa près de Kolwezi, ont encore eu lieu récemment et le secteur attire toujours les investisseurs. Le secteur minier continue donc à présenter de nombreuses opportunités, que ce soit dans la construction, la fourniture d’énergie, d’équipements minier, de matériel roulant mais aussi d’équipement médical ou de catering. Les sociétés belges, qui sont surtout actives dans la sous-traitance et la fourniture d’équipements et de services, doivent cependant faire face à un marché changeant. Plusieurs contrats ont été cassés récemment, les sociétés minières essayant de renégocier leurs contrats à moindre coût. TFM, qui était jusqu’à l’année dernière le premier producteur de cuivre congolais, et dont la majorité des parts sont actuellement détenues par l’américain Freeport McMoRan, devrait passer d’ici la fin de l’année sous contrôle d’une société chinoise. Plusieurs autres mines aussi été acquises par des sociétés chinoises récemment, comme Kamoa, déjà mentionné, ou Sicomines, qui a débuté sa production près de Kolwezi à la fin de l’année dernière et a l’ambition d’atteindre rapidement une production dépassant les 100.000 tonnes par an. Cette reconfiguration présente naturellement un défi pour les sociétés belges, peu habituées aux procédures et aux exigences chinoises. Mais c’est possible, et certaines me disent que c’est parfois même plus facile que de travailler avec un TFM, qui réalise la plupart de ses achats en Afrique du Sud. Il faut donc essayer, toutes ces sociétés ont des besoins et avec les bons contacts, il n’est pas impossible de rencontrer leurs responsables d’approvisionnement. 

M&B : Quelles sont alors les secteurs économiques auxquels s’intéressent plus particulièrement les entreprises belges ? 

SD : L’économie du Haut-Katanga repose évidemment aussi sur d’autres secteurs que le cuivre. Les services bancaires et les télécoms sont des exemples de secteurs qui ont connu une croissance rapide ces dernières années. Le taux de bancarisation en RDC est encore faible, mais il augmente rapidement et les banques proposent chaque année de nouveaux services et de nouveaux produits. Plusieurs banques étrangères s’intéressent d’ailleurs de très près à la RDC, alors que ce n’était pas le cas il y a quelques années à peine. Le secteur des assurances est en pleine ébullition depuis la promulgation de la loi libéralisant le secteur. Ce sont des évolutions qui ne sont pas propres au Haut-Katanga, mais qui concernent l’entièreté du territoire de la RDC. Je mentionne rapidement aussi l’agriculture, qui est certainement un secteur d’avenir dans l’ancien Katanga au vu de l’abondance des terres arables. Le secteur énergétique mérite notre attention particulière, car c’est à la fois un défi et un secteur prometteur pour les prochaines années. Avec la croissance du secteur minier, gourmand en électricité, la demande a fortement augmenté ces dernières années et seule la moitié de celle-ci est sans doute satisfaite par le réseau de la SNEL aujourd’hui. Cette situation se traduit par de fréquentes coupures de courant (les délestages) qui constituent en soi un frein aux investissements. Plusieurs opérateurs miniers vous diront que s’ils avaient plus de courant, ils produiraient beaucoup plus aujourd’hui, quel que soit le cours du cuivre. Mais cette situation présente aussi des opportunités. Plusieurs projets sont à l’étude pour augmenter la génération d’électricité dans l’ancien Katanga. Les 4 barrages hydroélectriques construits à l’époque coloniale que compte l’ancien Katanga font actuellement l’objet de rénovations, et plusieurs projets de nouveaux barrages sont bien avancés. En attendant qu’ils soient pleinement opérationnels, les fournisseurs de groupes électrogènes ont encore de beaux jours devant eux. Il y a incontestablement de la place aussi pour du photovoltaïque. 

M&B :Quels sont les principaux défis auxquels les entreprises belges doivent faire face en RDC ? 

SD : J’aimerais insister sur un point essentiel, celui de la sécurité juridique, qui reste très relative et une véritable épée de Damocles sur des pans entiers de l’économie. Le potentiel du Congo et plus particulièrement le Haut-Katanga, est énorme, mais il reste sous exploité et ce n’est pas un hasard, car le climat des affaires reste difficile. Au Katanga, les autorités provinciales sont traditionnellement soucieuses des intérêts des opérateurs économiques et elles s’efforcent de mettre en place des réformes et des procédures favorables aux investisseurs. La Fédération des Entreprises Congolaise au Katanga est aussi très dynamique et défend avec beaucoup d’énergie les intérêts de ses membres. Des réformes ont été entreprises, notamment depuis la nomination de M. Matata Ponyo à la Primature, mais ces réformes doivent se poursuivre, et surtout être mises en œuvre. C’est par exemple le cas dans l’agriculture, un secteur qui a encore bien du mal à décoller. Si toutes les aides et notamment les dérogations fiscales et douanières prévues dans la Loi agricole étaient appliquées, le Congo devrait certainement importer beaucoup moins de céréales qu’aujourd’hui.

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