Les « minerais de sang » sont extraits lors de conflits armés ou dans des cas de violations des droits de l’homme, en particulier dans les provinces de l’est de la République démocratique du Congo.
Au cours des guerres du Congo, le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi ont tiré profit des ressources de leur voisin. Les minerais les plus extraits sont la cassitérite, la wolframite, le coltan et l’or. Ils passent par l’est du Congo par le biais de plusieurs intermédiaires et sont ensuite vendus aux multinationales du secteur de l’électronique. Ils sont très utilisés dans les tablettes, les portables, les ordinateurs. Depuis 2003, la Commission européenne est l’un des plus grands donateurs d’aide au Congo, surtout dans la région orientale instable. Selon des documents de stratégie par pays de l’UE pour 2008-2013, publiés dans le cadre du 10e Fonds européen de développement, la DG Aide humanitaire et protection civile (ECHO) alloue 583 millions d’euros au Congo.
Une première fois rejetée en commission parlementaire, l’adoption d’un mécanisme contraignant pour certains minerais issus des zones de conflit pourrait revenir par la petite porte à l’occasion du vote du texte le 20 mai. Le Parlement européen va devoir trancher sur le renforcement de la lutte contre le commerce de l’or, du tantale (matériau qui fait vibrer les téléphones portables), du tungstène et de l’étain qui finance des conflits armés. Le commerce de ces « minéraux de sang », issus de zones de conflits qu’il alimente souvent, fait l’objet d’un projet de règlement de la Commission européenne, qui misait initialement sur l’instauration d’un mécanisme d’approvisionnement responsable en minerais provenant des régions en conflit en général, et de la région des Grands Lacs en République démocratique du Congo (RDC), particulièrement touchée par le phénomène. Le texte a néanmoins été fortement critiqué par les forces politiques de gauches et les ONG pour son manque d’ambition. Le 20 mai à Strasbourg, les eurodéputés devront voter l’adoption du texte en première lecture. Une occasion pour les eurodéputés de tenter une nouvelle fois de faire adopter un mécanisme de transparence contraignant à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, en place de l’auto certification proposée par le texte initial. En avril, la Commission commerce international du Parlement européen avait pourtant repoussé d’une courte majorité une proposition destinée à imposer un principe de transparence contraignant à l’intégralité de la chaîne d’approvisionnement de ces « minerais de sang ».
Élargir le champ
« L’Union européenne importe une quantité importante de matières premières en provenance des zones de conflit. Par leur chaîne d’approvisionnement, certaines entreprises européennes se rendent donc complices de crimes. Cela ne peut plus durer. Nous devons mettre en place une démarche obligatoire. Nous voulons la responsabilité et la traçabilité obligatoire pour tous les produits (téléphones, tablettes, ordinateurs, machines à laver…) depuis le lieu de production jusqu’au détaillant final », a rappelé la délégation socialiste française au Parlement européen. Pour l’heure, le règlement européen impose aux seules fonderies et raffineries européennes l’obligation d’approvisionnement responsable, qui ne représente pourtant que 5 % du marché mondial.
Obligation d’approvisionnement responsable
Résultat, l’obligation d’approvisionnement responsable ne touchera qu’une partie réduite du marché, celui des matériaux bruts directement importés des zones de conflit par les fonderies européennes, laissant sous le coup de l’auto-certification les produits manufacturés contenant ces minerais et les matériaux bruts transitant par d’autres zones, en Asie par exemple. « L’application de la diligence raisonnable ne signifie pas qu’il faille arrêter les échanges commerciaux avec les zones de conflit, mais seulement qu’il y a une obligation de s’assurer que les auteurs du conflit ne reçoivent pas les bénéfices de cette activité commerciale », précise Nele Meyer, d’Amnesty International.
4 minerais
Autre difficulté du texte, ce dernier ne couvre actuellement que quatre minerais : l’or, le tantale, le tungstène et l’étain. « Aujourd’hui, l’élargissement du champ du règlement à d’autres minerais paraît compliqué, notamment en termes de charges pour les entreprises », reconnaît Nele Mayer. L’idée est donc de faire adopter un amendement permettant l’ajout dans le futur de certains minerais sans repasser par l’ensemble du processus législatif. Une option qui permettrait d’inclure au cas par cas d’autres minerais alimentant des conflits armés, tels que les émeraudes et le charbon en Colombie, ou encore le cuivre, le jade et le rubis en Birmanie.
Le Dodd-Franck critiqué
Alors que le Parlement débat de la pertinence d’un mécanisme contraignant, aux États-Unis, un rapport très critique de l’ONG Global Witness et Amnesty International vient d’être publié sur la loi Dodd-Franck, qui a rendu obligatoire pour les entreprises américaines une vérification approfondie de l’origine des minerais. Présentée comme un modèle du genre, la loi Dodd-Franck n’a pas réussi à faire évoluer les mœurs des grandes entreprises américaines, malgré son volet contraignant. Sur les 100 entreprises passées en revue par Global Witness, 79 ne satisfont pas aux exigences minimales de la loi américaine sur les minéraux de conflit. En outre, elles sont 16 % seulement à avoir enquêté plus loin que leurs fournisseurs directs pour « entrer en contact ou tenter d’entrer en contact avec les fonderies ou les entreprises de raffinage qui traitent ces minerais », souligne le rapport.
Article publié dans Mining and Business n°1 – Juillet/Août 2015
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