MB : Bonjour, Monsieur l’Ambassadeur, pourriez-vous vous présenter ?
UE : Je suis le nouvel Ambassadeur de l’UE en RDC. Je viens du service diplomatique français où j’ai notamment été Ambassadeur à Madagascar et Envoyé spécial de la France pour le Sahel. J’ai aussi occupé les fonctions de directeur général délégué de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) à Marseille. J’’ai consacré l’’essentiel de ma carrière depuis le début des années 1990 à l’Afrique, où j’ai fait mon premier séjour au Niger. Je suis passionné par les enjeux de développement durable, les questions multilatérales et de sécurité collective, les défis d’’une meilleure gouvernance mondiale et de la bonne gestion de nos biens communs, comme le climat, la biodiversité, l’’eau, la forêt qui a une telle importance dans ce grand pays qu’est la RDC.
MB : L’Union européenne en RDC, cela représente combien de personnes ? Quel budget ?
UE : L’UE en RDC, au-delà de la délégation que j’ai l’honneur de diriger (près de 80 personnes, Européens et Congolais) et des institutions européennes que je représente, c’est bien sûr l’action de nos États membres, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni (jusqu’’au 31 octobre), qui ont des Ambassades à Kinshasa. L’UE en RDC, c’est aussi un formidable instrument de coopération et de partenariat, le 11e Fonds Européen de Développement (FED). Le FED représente pour la période 2014-2020 un engagement de 620 millions d’euros pour le pays, avec également des ressources additionnelles pour des programmes régionaux ou d’urgence, comme la riposte contre Ebola. Il comporte quatre grands secteurs de concentration qui ont été choisis conjointement avec le Gouvernement congolais : en premier lieu, le renforcement de la gouvernance démocratique, des droits humains et de l’État de droit, la transparence des finances publiques, en second lieu, la santé, en troisième priorité l’environnement, l’agriculture durable et la sécurité alimentaire, enfin, les infrastructures, dont la réhabilitation de la Route nationale N° 1, épine dorsale qui relie l’ouest à l’est de la RDC. Ce sont des projets qui sont conduits à travers tout le pays avec des partenaires congolais et au service des populations.
MB : Vous pourriez nous donner des exemples concrets de projets ?
UE : Je ne prendrai pour exemple qu’un secteur, celui de la santé, où grâce au financement de la délégation de l’Union européenne 8,6 millions de personnes ont aujourd’hui accès en RDC à des soins de meilleure qualité et à des médicaments essentiels. Nous soutenons 43 hôpitaux généraux de référence et nous avons réussi avec nos partenaires congolais à faire baisser de façon significative les taux de mortalité maternelle et infantile. Des femmes et des enfants sont sauvés chaque jour, à travers l’accompagnement que nous avons pu apporter pour les grossesses à haut -risque et la mise en place d’accouchements assistés. C’’est une action vraiment concrète dont nous pouvons être collectivement fiers.
MB : Y a-t-il d’autres bureaux dans le pays ?
UE : Nous n’avons pas de bureaux provinciaux, mais il peut évidemment y avoir des institutions techniques sur différents projets qui sont financés par l’UE. Il peut y avoir aussi des expatriés qui remplissent des fonctions au nom de l’UE. Je pense en particulier à la riposte contre EBOLA dans l’Est du pays où de nombreux spécialistes de notre département humanitaire ECHO sont mobilisés en première ligne sur le terrain. Je ne peux que saluer ici leur extraordinaire dévouement et courage, comme celui de tous les personnels de santé congolais et internationaux qui sont engagés dans la lutte contre la propagation de cette terrible maladie.
MB : Après un mois dans le pays, quelles sont vos premières impressions ?
UE : Ce qui me frappe, c’est que la RDC est un pays avec des opportunités et des potentiels qui sont exceptionnels dans tous les domaines. On me parle souvent du secteur minier ou de possibles perspectives pétrolières, mais pour moi ce n’’est pas vraiment là que se joue l’avenir du pays. Ce qui compte, ce sont les hommes et les femmes du Congo, dont les idées, les énergies, les intelligences ne demandent qu’’à être libérées et à s’exprimer. Il y a des perspectives d’innovation, des entreprises à créer, des filières agroalimentaires à mettre en place. Je me suis récemment rendu à Ntsio sur le plateau Batéké, où j’ai pu me rendre compte des perspectives de développement de l’agroforesterie et de promotion de l’apiculture. Il faut casser les carcans bureaucratiques qui empêchent l’épanouissement de toutes ces énergies. D’où l’importance, pour moi, de toutes les actions annoncées par le Président Tshisekedi en faveur d’un meilleur climat des affaires, sur le fait que l’administration ne doit pas être dans une position de contrôle tatillon, mais dans un rôle actif d’accompagnement des dynamiques en cours et des projets des entrepreneurs, même les plus petits, surtout les plus petits. Le Congo a tout le potentiel possible des pays émergents du monde. Il ne demande qu’à se développer, pour peu que l’on en libère l’énergie créatrice.
Propos recueillis par O. Delafoy