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Paul Derreumaux Président d’honneur de la Bank Of Africa

Contrairement à la banque du même nom en RDC, l’homme sait communiquer. Comme le souligne la préface de son livre, on lira donc cette saga avec « passion, dès lors que l’Afrique et l’aventure entrepreneuriale vous passionnent, tout autant que la banque et la finance, ou encore le développement ».

Contrairement à la banque du même nom en RDC, l’homme sait communiquer. Comme le souligne la préface de son livre, on lira donc cette saga avec « passion, dès lors que l’Afrique et l’aventure entrepreneuriale vous passionnent, tout autant que la banque et la finance, ou encore le développement ».

Il s’agit en effet de la création d’une banque commerciale. Banquiers et financiers, vous lirez avec étonnement comment et dans quel contexte un tel établissement peut émerger.

 En tant que Président d’Honneur, quelle est la vision du nouveau management sur BOA ? Partagez-vous cette vision sur le continent ?

Je vois bien sûr la situation du Groupe de l’extérieur puisque je ne suis plus associé à sa gestion. Mais les faits permettent de dresser quelques constats objectifs. Le premier est que le réseau BANK OF AFRICA continue à bien se porter, ce qui veut dire à la fois que chaque banque avait une base solide qui a facilité la croissance régulière ultérieure et que la gestion du Groupe reste toujours efficace. Une autre donnée est que la BANK OF AFRICA est encore présente auprès de toutes les clientèles, conformément à son statut originel de « banque tous publics », et reste active en matière d’innovations de toutes sortes.

À côté de cette continuité, on note aussi que le Groupe a fortement ralenti son expansion géographique, contrairement à la période précédente : hors les dossiers déjà en préparation en 2010, la seule nouvelle implantation d’une banque de plein exercice a été réalisée, sauf erreur, au Rwanda. Je suppose que la nouvelle vision privilégie la meilleure rentabilité possible du périmètre existant. C’est un choix respectable, peut-être en partie dicté par des contraintes réglementaires. Mais il laisse la place à la montée en puissance d’outsiders plus audacieux, comme on le voit dans les transformations actuelles de la structure des systèmes bancaires de l’UEMOA.

À titre personnel, vous avez combien dans la BOA ?

J’ai toujours eu une part très minoritaire dans le capital de la holding du Groupe, qui a connu de très importantes augmentations depuis sa création en 1988. Celles-ci ont pu être atteintes grâce à la venue progressive de nombreux actionnaires privés, majoritairement africains, qui ont souscrit à ces augmentations. Cette forte diversification n’a pas empêché une adhésion permanente de tous à la stratégie suivie d’expansion, d’intégration et de consolidation du Groupe. Après mon départ en 2010, je suis resté actionnaire, ce qui me permet de suivre avec plaisir l’évolution des performances annuelles du Groupe.

 Comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique ?

L’Afrique subsaharienne a beaucoup changé ces vingt dernières années, après une décennie 1980/90 très difficile : retour à la croissance économique, nouvelles infrastructures, reconstruction de systèmes bancaires performants, révolution pionnière de la téléphonie mobile, essor du secteur privé. C’est ce qui a conduit à l’afro-optimisme de la décennie 2000/2010.

Depuis, le continent doit affronter de nouvelles turbulences qui freinent son développement. Certaines sont exogènes comme le péril sécuritaire, au Sahel notamment, ou la faible efficacité du « logiciel » d’appui au développement qu’appliquent certains partenaires internationaux.

D’autres sont endogènes, par exemple la fréquente insuffisance de priorité donnée par les Autorités à la résolution des problèmes économiques, le manque d’emplois décents qui empêche de profiter des avantages d’un possible « dividende démographique », le recul actuel des solidarités régionales. Un secteur qui illustre le mieux ces occasions manquées jusqu’ici est celui de l’agriculture : la construction d’un secteur agricole moderne, efficient, tourné avant tout vers la satisfaction de besoins alimentaires nationaux, attentif à l’environnement, provoquerait un bond en avant, mais reste souvent en attente. Face à ces turbulences, certains pays réussissent mieux que d’autres.

C’est pourquoi la zone subsaharienne est de plus en plus diversifiée et voit coexister des pays en route vers l’émergence économique et d’autres où la fragilité domine toujours. Sans doute est-ce une raison pour demeurer optimiste, les pionniers pouvant être des stimulants pour les autres.

Les pays ne meurent jamais, mais chacun évolue à son rythme. Avez-vous une anecdote sur la BOA-RDC ?

Ce sont plutôt des points marquants. On pourrait en citer trois. L’un a été de trouver où implanter le siège : il a fallu chercher longtemps pour identifier un beau terrain et y construire un nouveau bâtiment. Une autre a été de recruter le personnel. Le Groupe BOA a toujours appliqué la même technique pour recruter son personnel : recueillir le maximum de candidatures et procéder à des sélections successives basées sur des critères objectifs.

On nous avait dit que ce serait impossible en RDC à cause du niveau modeste de formation de la plupart des postulants possibles. Mais nous avons réussi notre pari et avons pu constituer pour notre démarrage une équipe d’une vingtaine de personnes qui nous a donné satisfaction et que nous avons progressivement élargie selon les mêmes méthodes. Une troisième difficulté a été de travailler dans un univers économique « dollarisé » auquel nous avons dû nous habituer.

Quels seraient vos trois conseils à un homme d’affaires africain en 2023 ?

S’il s’agit d’un jeune entrepreneur, je lui dirais surtout de démarrer doucement pour pouvoir corriger au fur et à mesure ses inévitables erreurs, de ne jamais se décourager et d’apprendre immédiatement la rigueur. Si c’est un entrepreneur confirmé, je lui conseillerais surtout de bien suivre l’évolution de son marché et de la concurrence, d’être attentif à la qualité de ses relations avec ses équipes et ses clients, et d’être transparent vis-à-vis de ses financiers pour toujours garder leur confiance.

 Après une telle carrière, quels sont vos principaux regrets ?

Un de mes regrets est que nous n’avons pas pu encore nous développer davantage en Afrique de l’Est, mais c’est très difficile. Les banques anglophones affrontent d’ailleurs les mêmes obstacles lorsqu’elles investissent en zone francophone. En effet, l’environnement est très différent, tant sur le plan réglementaire que pour les relations avec la clientèle ou les approches commerciales par exemple. De plus, la synergie commerciale entre pays francophones et anglophones, dans tous les secteurs, reste souvent encore modeste, contrairement à ce que nous espérions. Quelle que soit la taille de son entreprise, je lui confirmerais que la qualité et l’intensité de son travail seront les bases sur lesquelles il construira sa réussite.

 Et à un jeune étudiant ?

Il me semble qu’il doit d’abord bien adapter sa formation à ce qui l’intéresse le plus et où il a le plus d’atouts afin d’avoir ensuite le maximum d’efficacité et de succès. Il doit aussi savoir que la position de chef d’entreprise est la plus difficile qui soit, contrairement à ce qu’il pense sans doute : un bon travail où il excellera lui garantira sans doute beaucoup de satisfaction avec moins de soucis. Enfin, tout étudiant doit savoir maintenant que, dans l’environnement changeant que nous connaissons, son travail ne pourra être la même toute sa vie professionnelle.

Et à un Président ?

Je ne pense pas qu’on puisse donner des conseils à un Président. On peut seulement sans doute lui souligner les principales attentes d’un citoyen. D’abord ressentir que les plus hauts dirigeants possèdent bien une vision à long terme de l’avenir possible et souhaitable de leur pays et une pleine conscience des programmes d’actions capables de concrétiser cette vision.

En second lieu, être assuré que ces dirigeants n’auront pour seule préoccupation que l’intérêt général pendant qu’ils sont au pouvoir. Enfin, constater que ces autorités politiques ont bien le sentiment de l’urgence du changement et agissent en conséquence. Je suppose que ces attentes sont proches de ce qu’on appelle la bonne gouvernance.

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