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DOCTEUR DENIS MUKWEGE MON PROJET POUR LE CONGO

À quelques semaines du début de la campagne présidentielle, Denis Mukwege dévoile, en exclusivité pour M&B, les raisons de son entrée en lice pour devenir Président de la République de la RDC. 

8 octobre 2023 - Paris Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018 candidat à l'élection présidentielle en RDC. © Noel Quidu

À quelques semaines du début de la campagne présidentielle, Denis Mukwege dévoile, en exclusivité pour M&B, les raisons de son entrée en lice pour devenir Président de la République de la RDC.

Le Prix Nobel de la paix 2018 évoque la question de l’Est, son regard sur les autres candidats et ce qu’il estime urgent de changer pour remettre le Congo dans le sens du progrès. Nous l’avons rencontré à Paris, fin octobre, dans son hôtel parisien. Ponctuel, vêtu d’un costume gris très présidentiel, il livre ses vérités, au cours d’une longue conversation.

Le prix Nobel de la paix a été décerné à une opposante iranienne en détention. Quelle a été votre réaction ?

J’envoie toute ma solidarité à Narges Mohammadi, actuellement détenue en Iran. J’ai beaucoup de respect pour son combat et je salue ce choix du comité Nobel.

Lorsque des femmes qui se battent pour leurs droits subissent ce qu’elle est en train de subir, ce Nobel est un message très fort aux pays dans lesquels il y a des restrictions des libertés, pour dire que nous ne sommes pas indifférents à ces abus.

On a l’impression que vous vous êtes beaucoup interrogé avant de vous déclarer candidat pour la présidentielle. Qu’est-ce qui vous a fait hésiter ?

Il y a de vraies raisons derrière ma candidature.

Cela fait bientôt trois décennies que nous subissons des conflits qui ont tout déstructuré. À l’est du Congo, il n’y a plus d’économie et le tissu social est complètement détruit. Quand on voit les conditions de vie de la population, on comprend que c’est une partie du Congo qui est en danger.

Du côté médical, nous avons essayé de faire ce que nous pouvions pour aider la population. Nous nous battons également depuis des années pour qu’au niveau international des pressions soient exercées sur ce système prédateur qui permet le chaos au Congo.

Par exemple, au niveau de l’Union européenne, on a pu faire passer la loi sur les minerais des conflits. Cela a été un travail de longue haleine. Malheureusement, comme vous le savez, avec cette loi de 2021, Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont pris la décision que, désormais, les minerais du Congo seraient traités au Rwanda. La loi a donc été contournée par un accord entre ces deux présidents.

Aux Nations Unies, nous avons obtenu des résolutions sur la question des violences sexuelles, spécialement dans le cadre de la résolution 1325 « Femme, Paix et Sécurité ». Les dernières résolutions, 24 et 67, reconnaissent le droit des enfants dans les conflits. Nous avons fait beaucoup pour la paix dans la region.

région. Malheureusement, je crois que malgré les lois et le droit international et humanitaire, il y a un manque de volonté criant des autorités congolaises, le régime passé et le régime actuel pour ce qui concerne l’est du Congo. Nous avons le sentiment d’avoir beaucoup travaillé pour essayer d’amener la paix dans cette région, mais ce manque de volonté politique est une barrière qu’on ne peut pas franchir.

Lors de mes derniers échanges avec Félix Tshisekedi, je lui ai expressément demandé de mettre en œuvre une stratégie de Justice transitionnelle afin de permettre une reconstruction du pays avec une justice pénale internationale pour lutter contre l’impunité. Il a promis lors de ces échanges d’écrire au Conseil de Sécurité des Nations Unies afin d’enclencher la machine et que le Congo puisse avoir un cadre de Justice transitionnelle, mais cela n’a jamais été fait.

Les solutions existent. Mais s’il n’y a personne pour les mettre en pratique, on attendra encore trois décennies pour que la population vive en paix. Finalement, nous avons décidé de ne pas continuer à demander aux autres et de nous engager.

Vous étiez donc arrivé au bout de ce que vous pouviez faire en tant que société civile ? Il n’y a que le politique qui désormais peut faire bouger les choses ?

Exactement! Sur le plan de la société civile, on a rencontré tout le monde, on a vu toutes les instances, tous les parlements, partout où des décisions pouvaient se prendre… mais ce n’est pas suffisant. Nous avons cette volonté politique pour déclencher le mécanisme de paix à l’est du Congo.

D’autres opposants à Félix Tshisekedi se positionnent avec les mêmes constats. En quoi votre candidature sera différente ? Qu’est-ce qui vous démarque de personnalités comme Martin Fayulu, Moïse Katumbi ou Matata Ponyo ?

Je suis un défenseur des droits humains, donc nous partons sur des bases différentes. Mon programme est centré sur l’humain, puisque ce sont les origines de mon combat. Je crois que cela va faire une grande différence de mettre la femme et l’homme au centre de nos préoccupations.

Avec une présidentielle à un seul tour, le Président peut être réélu avec un très faible pourcentage de voix, à cause des multiples candidatures. Est-ce qu’une alliance de l’opposition n’est pas indispensable pour battre Félix Tshisekedi ?

Le fait que la grande majorité de nos politiciens aient rejoint l’Union Sacrée nous a facilité les choses. L’idéal serait quand même de pouvoir trouver un candidat commun pour permettre un changement démocratique. Vu la situation dans laquelle se trouve la République démocratique du Congo, c’est une responsabilité lourde de jouer la carte individuelle et espérer pouvoir y arriver seul. Il faut absolument que les gens qui partagent les mêmes valeurs, qui comprennent les risques que nous courons en République démocratique du Congo, mettent ensemble leurs efforts pour obtenir une alternance démocratique et pas une alternance seulement politique.

 Êtes-vous compatible avec d’autres candidats comme Moïse Katumbi, Martin Fayulu ou Denis Sesanga ?

Pour le moment, je n’exclus personne. Le plus important pour nous, c’est d’obtenir une alternance. On n’a pas d’autre choix que de pouvoir trouver un changement et le plus rapidement.

 Vous êtes donc prêt à nouer des alliances, peut-être même faire un ticket avec un autre candidat ?

Absolument. Il faut absolument que ceux qui sont dans l’opposition comprennent que les risques pour la survie de notre pays sont tels qu’on ne peut pas se permettre de jouer un jeu individuel. Il faut jouer collectif pour avoir une alternance démocratique. Je l’ai déjà annoncé, je suis très ouvert par rapport à cela.

Vous avez fait de nombreuses sorties médiatiques où vous avez dénoncé la gouvernance de Félix Tshisekedi, la corruption, la prédation des ressources naturelles, la guerre à l’Est. Est-il possible de trouver cette alliance de l’opposition en 60 jours ?

En deux mois, on peut faire beaucoup de choses. Ce qui est le plus important, c’est de comprendre les enjeux. Si on comprend les enjeux, on peut prendre les décisions qui permettent d’avancer.

 Quel est le bilan pour vous de la Présidence de Félix Tshisekedi ? Qu’est-ce qu’il faut en retenir ?

Je retiens ses paroles : qu’il aura échoué dans son mandat, s’il n’arrive pas à rétablir la paix à l’est du Congo !

L’opposition dénonce depuis très longtemps un fichier électoral qu’elle juge frauduleux, une CENI, une cour constitutionnelle acquise à la cause de Félix Tshisekedi. Comment, allez-vous vous assurer qu’il n’y aura pas de fraudes ?

Il y avait un choix cornélien à faire : soit on s’engage dans ces élections pour être présent et dénoncer, soit on ne participe pas et on laisse le champ libre au président en place. Nous connaissons tous ces risques, nous savons que la fraude a déjà été préparée.

Mais si on ne participe pas, cela veut dire qu’on donne un chèque en blanc au président sortant. Je demande donc à la population d’aller voter massivement. C’est la première chose ; s’assurer que la population comprend bien qu’il y a un véritable enjeu à aller voter.

Deuxièmement, il ne faut pas seulement voter, mais s’assurer que son vote soit respecté. Nous avons donc demandé à la population de garantir que la loi soit respectée, c’est-à-dire que les résultats des bureaux soient bien pris en compte et affichés. Il devrait y avoir des photos de ces comptages pour les envoyer à des organisations qui peuvent réaliser un comptage en parallèle de la CENI.

Nous encourageons, par exemple, l’ECC et la CENCO à publier aussi les résultats, sans attendre la publication de la CENI. Nous aurons alors des arguments et des preuves de ces résultats qui pourront nous permettre de réclamer. Ce processus donnera la possibilité aux citoyens, si les votes ne sont pas respectés, de s’indigner et au besoin de résister.

D’ailleurs, nous sommes prêts à faire ce que nous appelons une révolution démocratique pendant laquelle le peuple exige que sa voix soit respectée. C’est cela la démocratie. Ce travail ne peut pas se faire si nous sommes en dehors de la course.

D’ailleurs, Denis Kadima a bougé làdessus, puisque les résultats seront bien publiés bureau de vote par bureau de vote. C’est très important. Réclamer sans preuve et réclamer avec des preuves de fraudes dans chaque bureau de vote, c’est tout à fait différent.

 Félix Tshisekedi a fait une déclaration pour mettre en garde les Congolais face aux candidats de l’étranger. Êtes-vous le candidat de l’étranger ?

Je pense que ce sont des déclarations malheureuses, populistes et qui n’aident pas à la construction d’une Nation où les gens doivent vivre en cohésion. C’est triste. Moi je suis né et j’ai vécu au Congo toute ma vie. Je n’ai vécu en dehors du Congo que lorsque je faisais mes études de médecine.

Depuis 40 ans, je travaille avec la population congolaise, j’ai construit des écoles en fabriquant des briques avec cette population. J’ai été cherché de l’eau à la rivière pour faire des pavements et j’ai construit des centres de santé avec cette population.

Nous sommes restés auprès de la population dans toutes les difficultés, nous avons cultivé avec nos compatriotes, je leur ai appris comment elles peuvent élever des poules, des chèvres pour subvenir à leurs besoins en santé (…).

J’ai fait cela pendant 40 ans dans mon pays, la RDC. J’ai toujours travaillé avec mes mains, avec ma tête dans mon pays, la RDC. Je n’ai jamais eu d’autres objectifs que de servir mon pays et lutter aux côtés de celles et ceux qui sont paupérisés et qui vivent dans la peur et l’injustice.

Toute ma famille réside avec moi au Congo, mes enfants ont étudié dans les écoles congolaises, des universités congolaises. Il est malheureux que des gens qui ont vécu en Europe avec les aides sociales, des gens qui n’ont pas d’adresse au Congo, ou peut-être l’adresse de leur père, mais dont ne connaît pas les adresses physiques dans notre pays ; que ces gens se mettent à dire que je serais le candidat des Blancs. Je crois qu’il est bon de réfléchir avant de tenir certains types de discours.

Qu’est-ce que votre expérience de médecin gynécologue peut vous apporter en politique ?

J’ai été au-delà de la gynécologie. Je sais mettre un système de santé en place. J’ai construit des centres de santé, des hôpitaux. Je suis enseignant d’université, professeur de médecine. Concernant mon expérience, j’ai été confronté à la violence, à la guerre et ceci m’a amené à aller audelà de ma profession.

J’ai conçu et mis en œuvre des projets qui sortent chaque année plus de 20 000 personnes de leur situation de précarité en les autonomisant par le travail, les formations, les aides psychologiques et des soutiens pour obtenir justice. J’ai été à la base de plusieurs résolutions des Nations Unies pour lutter contre l’insécurité et pour les droits des femmes en RDC.

J’ai proposé ainsi un programme stratégique holistique national de Justice transitionnelle pour reconstruire le pays en juin 2021. Toute cette expérience acquise me permet aujourd’hui de discuter de questions d’économie, de droit et de justice. Et si la politique signifie gérer la cité, fort de mon expérience, de mon empathie, de mes connaissances et de mon humanité, je sais « gérer la cité ».

Et vous n’avez pas peur d’abîmer votre image en entrant en politique ?

Je crois que l’image du Congolais est déjà très abîmée. Et je suis Congolais. Je me pose cette question : « Quel honneur puis-je avoir lorsque tout mon peuple vit dans l’humiliation? ». Aujourd’hui, nous avons tout pour être respectés. Nous avons tout pour que les autres peuples puissent nous traiter avec dignité. Il faut absolument que cela puisse se mettre en place.

Est-ce qu’il y aurait, vous Président de la République démocratique du Congo, une première mesure symbolique, emblématique, qui marquerait le début de votre mandat ?

Ce qui marquera mon mandat, c’est mettre l’humain au centre de mes préoccupations. Le mettre en sécurité sur le plan physique, juridique, médical, alimentaire et intellectuel. Avec ces cinq sécurités de ma présidence, je sais que les Congolais vont être transformés et que nous serons tous ensemble capables de faire le reste. Je m’engage pour la paix et pour les 3 fins : la fin de la guerre, la fin de la faim et la fin des vices. Le slogan du Président Tshisekedi était : « Le peuple d’abord » Il y a des slogans qui sont faciles à lancer lorsque l’on a passé la majeure partie de sa vie en Europe, loin du peuple.

Quand je dis : « je vais mettre le Congolais au centre de mes préoccupations », je le dis parce que je vis au quotidien avec ces femmes et ces hommes. Je connais réellement les problèmes du peuple et je tente de leur trouver des solutions depuis toutes ces années. C’est très différent!

Cela fait quasiment 30 ans que l’est du Congo est secoué par des conflits à répétition. Vous Président, quelles seraient les premières mesures pour essayer de ramener la paix à l’Est ?

Les conflits à l’Est sont multifactoriels. Parmi les facteurs qui pérennisent cette situation, c’est la question des minerais. Il faut que l’exploitation minière en République démocratique du Congo soit beaucoup mieux réglementée. Dans l’Est, c’est le secteur minier qui finance ces conflits. Mais on ne peut pas faire la paix sans justice.

Et là, je reviens sur ce que j’ai dit sur les cinq sécurités. Pour moi, la paix et la sécurité dépendent vraiment de la justice. Aujourd’hui, qu’avons-nous comme forces de sécurité ? En fait, avec les accords de paix, on a tout simplement mis ensemble ce qu’on a appelé des brassages ou des mixages. Mais ces gens ont été formés à tuer, à violer, à détruire alors que leur rôle est de protéger.

Lorsque des accords politiques permettent à des rebelles de rentrer dans l’armée, ils changent seulement d’uniforme, mais pas de mentalité. Et donc, je pense qu’aujourd’hui, la réforme du secteur de sécurité est capitale. C’est cette réforme qui va permettre d’avoir une armée, une police, un service de renseignement capable de sécuriser nos frontières, l’intégrité territoriale, mais aussi de sécuriser la population et de permettre enfin de parler économie. Car comment peut-on parler d’économie avec des bruits de bottes ?

De nombreux rapports des Nations Unies accusent le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi aussi de soutenir des rébellions. Vous les accusez de vouloir déstabiliser le Congo. Comment construire une relation avec eux, sachant qu’ils interviennent directement dans les différents conflits à l’Est ?

Ce sont nos voisins, on n’a pas le choix. C’est à eux de comprendre que lorsque la case du voisin brûle, c’est une responsabilité de pouvoir aider à éteindre le feu.

Quand vous attisez le feu sur la case d’à côté, malheureusement, cela risque de vous revenir. Nos voisins, nous n’avons pas d’autre choix que de vivre avec eux. Je n’ai jamais été d’accord avec le fait de faire venir les armées des pays qui nous ont agressés, quels que soient les accords bilatéraux ou régionaux.

Ces pays ne viennent pas au Congo pour faire la paix, mais pour faire des affaires et des trafics, au détriment de la population congolaise. Et donc je crois qu’il faudrait absolument qu’on arrive à un niveau où nous pourrons créer des conditions du vivre-ensemble avec nos voisins dans le respect mutuel. Nous sommes tous membres des Nations-Unies.

C’est triste de voir qu’il y a des rapports des experts des Nations-Unies qui citent ces pays comme étant ceux qui déstabilisent la RDC et que la communauté internationale préfère utiliser le « double standard ». Ainsi, on s’indigne, on donne tous les moyens quand les Russes agressent l’Ukraine, et quand le Rwanda et l’Ouganda agressent les Congo, on fait comme si on ne voyait pas. Je crois que ça décrédibilise notre système de protection onusien.

Et vous pensez que votre statut de prix Nobel de la paix peut davantage peser diplomatiquement ?

Les régimes successifs n’ont pas pu résoudre un problème, alors que les solutions existent. Quand on a eu la force spéciale des Nations-Unies, qui a été nommée comme contrepartie du Congo ? Des généraux blacklistés ! C’est de la mauvaise foi! On vous envoie des troupes pour résoudre un problème, vous prenez des généraux qui sont sur la liste noire des NationsUnies et vous imposez aux Nations-Unies de travailler avec ces généraux. Des solutions existent, mais il faut qu’il y ait de la volonté politique. Cette volonté politique, je le répète, nous l’avons.

Est-ce que, selon vous, la MONUSCO doit quitter le Congo, comme c’est prévu ?

Je crois qu’à cette question, peut-être qu’il faudrait poser la question à ceux qui veulent que la MONUSCO parte. Ce qui est vrai est que la MONUSCO a échoué à protéger les civils. Il y a des morts tous les jours. Et ça, c’est un fait. Mais, à mon avis, il faut absolument que le Conseil de Sécurité des Nations Unies donne un mandat très vigoureux, mais qui ne doit pas s’exercer de la même façon.

On n’a plus besoin d’avoir la MONUSCO pour encore dix ans. La souffrance a trop duré. Il y a la possibilité d’avoir un mandat du Conseil de Sécurité pour travailler sur une courte période, mais avec efficacité.

Cela permettrait d’en finir avec les groupes armés et de faire partir les forces étrangères qui sont sur place. Au même moment, on pourra installer les FARDC pour prendre la relève. J’imagine une force comme Artémis, par exemple, qui en six mois, a permis d’arrêter un génocide. Les possibilités existent donc sur le plan des relations multilatérales, mais il faut les utiliser.

La MONUSCO a échoué. Nous avons déjà perdu la ville de Bunagana et plusieurs localités. Nous ne sommes pas loin de voir le Congo largement balkanisé. Il faut aller vite pour vraiment regagner notre intégrité territoriale et notre souveraineté. Je pense qu’il y a lieu de le faire sous une autre forme, pas la forme actuelle de la MONUSCO.

Pas de paix sans justice, c’est ce que vous dites. Qu’est-ce que vous feriez, dans ce domaine, si vous êtes élu, pour faire avancer les choses ?

Nous avons proposé un cadre de justice transitionnelle holistique qui devrait normalement permettre à la République démocratique du Congo de se reconstruire. On se rend compte que c’est une voie obligée. Sans la justice, on ne construit pas la paix. Nous avons proposé un cadre national de justice transitionnelle qui utilise les quatre piliers de la justice transitionnelle.

Dès que nous aurons le pouvoir, nous mettrons en place cette stratégie de justice transitionnelle. L’idée n’est pas de se venger. La justice transitionnelle permet d’aider à rechercher la vérité, à prévenir la répétition de violences et à réparer ce qui a été détruit. Cette justice transitionnelle pourra nous servir aussi à assainir l’armée et l’administration.

Parlons un peu économie. Quelles seraient vos trois premières mesures pour relancer l’économie congolaise ?

Nous avons un document basé sur 12 piliers. Nous allons le dérouler au fur et à mesure. En 1950, on avait plus de 9600 entreprises manufacturières, aujourd’hui on en compte seulement 500 avec 100 millions d’habitants.

Au Congo, nous importons tout, y compris tout ce que nous pouvons produire nous-mêmes, car l’industrie a été mise à mal par un système corrompu de taxes et d’impôts. Notre premier axe, c’est vraiment donc de relancer l’industrie manufacturière.

Notre grand handicap, c’est la corruption. Nous ne manquons pas de personnes capables de monter des sociétés, mais ces personnes sont pressurisées par l’administration fiscale. Parmi les priorités, il y a une priorité, c’est la sécurité juridique, car aucune entreprise ne peut s’installer dans un pays où l’on n’a pas de sécurité juridique.

Il faut aussi réapprendre à travailler, et non vouloir gagner rapidement sans travailler. Tout ce que l’on gagne, sans avoir fourni des efforts pour l’obtenir, on sait ce que cela produit. Dans le programme que nous mettons en place, nous allons soutenir les activités locales, nous allons améliorer la fiscalité pour permettre aux jeunes de monter leurs start-up. Nous allons réformer les entreprises à qui on ne cesse de donner des béquilles et qui structurellement ne peuvent pas avancer. Ces entreprises ne doivent pas continuer à consommer les ressources de l’État. Donc, notre effort sur le plan économique sera d’encourager ceux qui ont des initiatives et d’appuyer l’accès au financement pour les jeunes.

 Parler de la production sans énergie est impossible. Quelle serait la solution pour une SNEL qui fonctionne ?

Lorsque nous avons des personnes responsables des entreprises publiques avec des couvertures politiques au lieu d’avoir des couvertures techniques, cela ne peut pas marcher. Nous devons avoir des individus compétents pour gérer et qui doivent être jugés sur leurs résultats et non sur leur appartenance politique.

C’est un grand changement que nous allons apporter dans notre gestion. Manquer d’électricité en RDC, c’est un sérieux problème de gestion.

Quels sont vos projets pour l’agriculture ?

Dans les 5 piliers prioritaires que je considère comme transversaux, il y a la sécurité alimentaire. Pour se faire, il faut relancer notre agriculture. Dans notre programme, nous prévoyons de créer des zones agricoles avec des agronomes et des vétérinaires. Il y aura des indicateurs pour savoir dans quelle zone et comment produire.

Quelle est votre vision sur le secteur minier ?

Dans le Sud Kivu, je vois des étrangers acheter sur le marché noir de l’or à un artisan qui leur cède par ignorance l’or du Congo. Ce n’est pas acceptable. Il faut des règles pour que les investissements puissent se faire correctement, que les contribuables payent leurs impôts et que l’État puisse répondre aux besoins d’éducation, de santé et d’infrastructures. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas.

 Quel est votre programme sur la santé pour changer la vie de l’immense majorité des Congolais ?

C’est la question de l’accessibilité de la population aux structures sanitaires. Nous allons développer des assurances maladie, des mutuelles pour avoir une couverture sanitaire globale. La 2e chose, c’est qu’il y a une répartition inéquitable des médecins et infirmières. Quand vous allez à Manono ou dans le fin fond de Kongolo, vous avez du mal à trouver du personnel sanitaire. Ils ne veulent pas y aller alors qu’ils sont payés pour cela et restent à Lubumbashi, à Kinshasa, Bukavu ou Goma. Ils y vont une fois par mois pour pointer et prendre leur salaire.

Dans notre système, les affectations seront respectées. La 3e chose est qu’il faudrait absolument que le gouvernement mette à la disposition du corps soignant des équipements et des médicaments. Il y a des médicaments qui sont envoyés, mais qui n’arrivent pas… La lutte contre la corruption ne concerne pas seulement les affaires, mais également le secteur sanitaire.

Pour l’éducation, Professeur, quelle est votre priorité ?

J’ai dit que nous avons 5 sécurités, sécurité physique, sécurité juridique, sécurité intellectuelle (ou éducation), sécurité alimentaire et sécurité sanitaire. Le système d’éducation ne répond plus aux besoins. Nos entrepreneurs ont des problèmes pour avoir de la main-d’œuvre de qualité.

La formation n’est plus adaptée. Notre priorité est de permettre aux diplômés d’être utiles à la Nation, c’est pour cela que la réforme du secteur de l’enseignement est une priorité absolue.

 Dernière question : Trois arguments pour voter pour vous ?

À mes sœurs et frères congolais.e.s, j’insiste sur un fait, vous avez un choix à faire. Vous vivez dans une forme d’esclavage, mais vous avez les bulletins de vote entre vos mains pour choisir de ne plus être exploités ou traités comme des sous-hommes. Vous pouvez décider de changer de vie et de « participer à la refondation de notre État avec le docteur Mukwege ».

C’est un choix. Je vous donne la possibilité de le faire. Mettre un bulletin Mukwege, c’est la dernière chance pour pouvoir refonder l’État et la Nation congolaise.

J’appelle les Congolais à voter pour cette refondation.

 

 

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