La Chine va interdire l’exportation de technologies d’extraction et de séparation des terres rares, ce qui pourrait gêner les autres pays pour le développement de ce secteur crucial. L’objectif, selon Pékin, est de protéger la sécurité nationale. Mais les autres États, et en particulier ceux du Vieux continent, dépendent presque entièrement de ces exportations chinoises pour accélérer dans des secteurs clés.
La menace se faisait sentir depuis plusieurs mois. Après avoir déjà conditionné l’exportation du gallium et du germanium à l’aval du gouvernement central, la Chine a annoncé jeudi qu’elle allait stopper l’exportation d’une série de technologies liées à l’extraction des terres rares. Un tournant dans l’histoire du commerce mondial.
Et pour cause, ces métaux sont indispensables pour le développement de nombreuses technologies (batteries électriques, puces, smartphones, écrans LCD, Internet, éoliennes et équipements militaires…). Pour rappel, les terres rares sont un ensemble de 17 éléments utilisés dans des produits technologiques de pointe.
En clair, sur fond de rivalité croissante avec les États-Unis, l’Empire du Milieu va priver ses partenaires commerciaux de plusieurs matériaux afin de dominer les enjeux d’indépendance technologiques. D’un premier coup de semonce en juillet dernier, avec ce coup d’arrêt, la Chine franchit ainsi une étape. Au global, la seconde économie mondiale, décidée à prendre le leadership, contrôle aujourd’hui environ les trois-quarts de la production de ces terres rares.
Concrètement, elle va désormais interdire l’exportation des « technologies d’extraction, de traitement et de fusion des terres rares », selon un long document publié jeudi par le ministère du Commerce. La nouvelle réglementation n’a toutefois pas de conséquences sur les exportations de produits à base de terres rares eux-mêmes. En revanche, elle pourrait contrarier les efforts de développement de ce secteur en dehors de Chine.
Une question de sécurité nationale
Contrairement à ce que laisse entendre leur dénomination, cet ensemble de 17 métaux essentiels aux technologies de pointe est relativement abondant. Mais leurs propriétés électromagnétiques particulièrement recherchées en font des « métaux stratégiques ».
En 2022, la Chine a extrait 58% de la production mondiale et raffiné 89% de terres rares. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIEA), les besoins en technologies bas-carbone, pour les moteurs de véhicules électriques ou les éoliennes, pourraient multiplier par sept la demande mondiale, d’ici 2040, soit près de 2 millions de tonnes par an, contre 280 000 tonnes en 2022.
Les États-Unis mais aussi l’Union européenne considèrent l’approvisionnement de ces métaux comme une question de sécurité nationale, d’autant plus que la transition énergétique mondiale alimente les craintes de pénuries à l’avenir.
Outre les aimants permanents des éoliennes et des voitures électriques, certains des métaux rares entrent dans la composition des écrans de télévision, des drones ou encore des disques durs. En riposte, l’UE pourrait ainsi envisager « des actions dans le cadre de l’OMC ». Mais « l’OMC est une coquille vide, car les États-Unis et la Chine prennent des décisions en dehors de cette institution depuis plusieurs années », expliquait à La Tribune Sylvain Bersinger du cabinet d’études Astérès.
Les États-Unis veulent enquêter sur l’importation de puces chinoises par leurs entreprises
De son côté, les États-Unis ont annoncé, le même jour, vouloir lancer une enquête auprès de leurs entreprises afin de déterminer comment elles se fournissent en semi-conducteurs fabriqués en Chine.
L’objectif affiché : que les États-Unis gardent leur avance, « de plusieurs années » sur la Chine dans la conception de semi-conducteurs.
« Au cours des dernières années, nous avons constaté des signes potentiels de pratiques inquiétantes de la part de la Chine visant à accroître la production de semi-conducteurs par leurs entreprises et à rendre plus difficile la concurrence pour les entreprises américaines », a justifié la secrétaire au Commerce, Gina Raimondo, faisant référence à un rapport, qui a été rendu le 12 décembre par une commission parlementaire américaine, qui appelle à une « réinitialisation » des relations économiques qu’entretiennent les États-Unis avec la Chine.
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