De tous les continents, l’Afrique est celui dont l’image a le plus changé. De nombreuses études le considèrent comme un futur eldorado. Au cours des 15 dernières années le revenu réel par habitant a cru de 30%.
Les réflexions ont été nombreuses sur l’actuel ralentissement de l’activité en Chine, en Russie et au Brésil. Jean-Luc Buchalet, PDG de Pythagore Consult et membre du Cercle des analystes indépendants, dresse quant à lui le bilan des économies africaines, de taille toujours modeste.
De tous les continents, l’Afrique est celui dont l’image a le plus changé. De nombreuses études le considèrent comme un futur eldorado. Au cours des 15 dernières années le revenu réel par habitant a cru de 30%. Le véritable changement est intervenu lorsque l’Afrique s’est reconnectée au milieu des années 2000 à la croissance mondiale grâce au formidable essor des économies asiatiques. Entre 2000 et 2008, le PIB global du continent a augmenté de 4,9 % par an (deux fois plus vite qu’au cours des deux décennies précédentes). En 2014, sur les 54 pays africains, le seuil des 5% de croissance a été dépassé par 22 pays, et 6 des 10 pays qui ont connu la plus forte croissance dans le monde étaient africains.
Aujourd’hui, Le PIB par habitant des africains (2124 dollars), exprimé en parité de pouvoir d’achat, représente à peine un quart du PIB par habitant chinois. La médiane du PIB par habitant des 54 pays africains se situe à seulement 1060 dollars. Il reste trop dépendant des ressources naturelles. Entre un tiers et la moitié de ces ressources naturelles sont localisées en Afrique selon le cabinet McKinsey : 32 % de la croissance Africaine entre 2000 et 2008 est liée directement à celles-ci stricto sensu, et 70% directement et indirectement à ses ressources naturelles. Les 5% de croissance du PIB depuis 2000 doivent donc être corrigés de 2/3 pour refléter le réel potentiel de l’Afrique en dehors de l’essor formidable du prix des matières premières, ne laissant qu’un maigre +1.5% par an, guère plus que la croissance potentielle des pays développés. Hors de l’accroissement de la population (+2.5%) et des matières premières, la croissance africaine reste au final bien faible. En moyenne 82% des exportations des biens de la région proviennent des matières premières (agricoles et agroalimentaires comprises).
La croissance des emplois « stables », non liés aux ressources naturelles, n’a pas dépassé 0.5% en moyenne annuelle. Les économies africaines vont devoir créer 29 millions d’emplois par an d’ici à 2030 pour permettre aux jeunes africains de trouver du travail. Ce chiffre, que de nombreux économistes considèrent comme un atout, pourrait en cas d’échec déstabiliser le continent et devenir une véritable bombe à retardement si cette jeunesse n’est pas formée. Seulement 7% de celle-ci a accès à l’enseignement supérieur, ce qui est très largement insuffisant au regard du défi démographique qui attend le continent. Il faudra former 300 millions de jeunes d’ici 2050.
Le retard en matière d’investissement reste chronique. D’énormes progrès ont été réalisés mais les pays africains devront investir 93 milliards de dollars par an pendant une décennie pour juste combler leur retard.
Les six premières puissances économiques du continent africain dont le PIB est supérieur à 103.000 millions de dollars (Nigeria, Afrique du Sud, Egypte, Algérie, Angola et Maroc) représentent plus de 69% du PIB total, et une large part de leur croissance est liée au prix des matières premières. L’Afrique ne pourra poursuivre son retour sur la scène mondiale que si la question des inégalités, la corruption, l’accès à l’eau et à l’électricité (deux tiers de la population n’a pas accès à l’électricité) et la gouvernance sont réglées.
Pour le moment, l’incapacité des pouvoirs en place à redistribuer les fruits de la croissance entre les grandes villes et les territoires les plus marginaux est un handicap. Certains pays producteurs de pétrole montrent déjà des signes inquiétants de fragilité comme le Nigéria, l’Afrique du sud, l’Angola ou l’Algérie… Rien n’est gagné.
Jean-Luc Buchalet
Le Cercle des analystes indépendants est une association constituée entre une douzaine de bureaux indépendants à l’initiative de Valquant, la société d’analyse financière présidée par Eric Galiègue, pour promouvoir l’analyse indépendante.
Source : Jean-Luc Buchalet
Article publié dans Mining and Business n°4 – Janvier/Février 2016