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BOSS MINING, L’ANNÉE DE TOUS LES DANGERS

La grande filiale congolaise d’ERG se trouve à un carrefour délicat, devant intensifier son engagement envers les communautés locales tout en maintenant un équilibre dans sa relation avec les autorités, prêtes à brandir la carte des sanctions et des suspensions contre les entreprises minières.

Chaque matin, la rue qui longe l’hôpital général de Kakanda reste un endroit affairé. Des petits commerçants l’empruntent pour accéder au petit marché en face du Cercle local. « Il faut attendre le soir pour voir des creuseurs artisanaux déferler sur cette avenue, transportant des minerais pour les vendre chez les Chinois », confie Kalombe B., un journaliste local qui couvre l’actualité pour la radio communautaire Satellite de Kakanda. Il y a quelques mois, en mars, il a suivi et couvert la tragédie qui a tué près de dix personnes, de dizaines ou centaines d’autres restants « portées disparues » lorsqu’un bassin de Boss Mining a explosé. « Récemment, des gens ont découvert des restes humains dans la zone », révèle-t-il, en route pour couvrir le retour de l’entreprise pour sa signature de son cahier de charges avec les groupements locaux.

Dans une chaude journée d’aout, une délégation de Boss Mining, avec à sa tête Joachim Nzuzi, Directeur de cabinet d’ERG Africa et Mimi Lukonde, Administratrice régionale en charge de la sécurité et du développement durable à ERG Africa, sœur du Premier ministre Sama Lukonde a fait le grand tour de la région du Grand Katanga. En moins d’un mois, Boss Mining, filiale du géant kazakh Eurasian Ressources Group (ERG) a multiplié des actions de terrain auprès des communautés locales pour « confirmer sa volonté de faire bénéficier les richesses locales aux Congolais », martèle-t-on dans la délégation. Bien que les chiffres de cette offensive ne soient pas entièrement connus, ils englobent un investissement de 11 millions de dollars pour participer à des projets d’intérêt public dans les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga.

À Comide, à Kambove ou à Kakanda, tous les dirigeants de Boss Mining, qui n’a relancé ses activités qu’en décembre 2022 en traitant les fines extraites pour produire des cathodes de cuivre et de l’hydroxyde de cobalt, ont répété en chœur que l’entreprise est soucieuse de « respecter les normes environnementales » reconnaissant l’importance de la « préservation de l’environnement pour les générations futures » et s’engageant pour une « gestion responsable et à des efforts de préservation de l’environnement ». Cette bonne volonté a été renforcée par les sanctions imposées en mars par la ministre des Mines, Antoinette Samba, qui reprochait à Boss Mining « d’avoir causé d’énormes dégâts environnementaux, mais aussi des pertes en vies humaines ».

En dépêchant sur le terrain des hauts cadres d’ERG Africa, dont Sergei Verbickii, le PDG ad intérim du groupe ERG Africa, l’entreprise a d’abord voulu démontrer sa présence et la volonté de revenir dans les cordes après l’interpellation de mars. Plus encore, ERG se montre plus ouvert à nouer un partenariat solide, local et bénéfique pour le pays. Hasard de calendrier, plusieurs révélations sont venues confirmer l’urgence d’agir pour le géant minier.

L’urgence d’agir en « faveur des communautés locales »

Le 31 juillet, soit quelques jours avant le début de ses opérations entre Kambove, Kakanda et Kisankala, le ministère des Mines avait retiré à 29 entreprises minières, dont deux filiales d’ERG, leurs permis d’exploitations. Boss Mining s’est vu retirer les permis 463, 467, 468 et 469 et le Comide 2606, 2607, 2608 et 12715. 

À Kakanda, fin aout donc, la cérémonie de signature des cahiers des charges se voulait grandiose, à la hauteur de la longue attente des parties prenantes pour les communautés locales, mais surtout urgente. Le Mwami Godefroid Munongo Kaneranera, Grand chef de la chefferie Bayeke se déplaçait pour l’occasion, une chorale classique locale jouait ses meilleures partitions tandis que l’importante mobilisation des agents de l’ordre offrait à la cérémonie un air solennel et crucial.

Le cahier des charges, document de plusieurs centaines de pages en six exemplaires, signé à l’issue d’un an de négociations entre la filiale de l’Eurasian Ressources Group (ERG), les communautés locales et le gouvernement du Lualaba prévoit que Boss Mining participe dans des projets d’éducation, d’adduction d’eau, de construction d’infrastructures routières, d’agriculture et de santé. Ces actions concernent 22 communautés locales du Lualaba, selon les précisions de l’Environnemental and Mining Services (Emis) cabinet qui a réalisé l’étude.

Prise de conscience environnementale

Cet accord « fruit de la volonté inébranlable » de Boss Mining « témoigne de liens solides que nous avons tissés en travaillant ensemble à la réalisation de l’objectif commun de mettre le pouvoir de l’exploitation minière responsable au service d’une amélioration générale de la qualité de vie de nos communautés environnantes », s’est félicitée Mimi Lukonde, Administratrice régionale en charge de la sécurité et du développement durable à ERG Africa.

Du côté de l’entreprise, les dirigeants ont insisté sur leur volonté de respecter les normes écologiques et d’offrir des marchés aux opérateurs locaux. « Nous reconnaissons l’importance de la préservation de l’environnement pour les générations futures. Boss Mining s’engage à une gestion responsable et à des efforts de préservation de l’environnement » a ajouté Mme Lukonde, faisant écho aux dernières recommandations de la ministre des Mines formulées en mars.

Quant à la mise en œuvre du cahier de charges, Boss Mining n’a pas donné de date, mais a confirmé toutes les parties prenantes se dirigent vers cette étape. Eurasian Resources Group est l’un des acteurs importants du secteur minier en RDC. De 2019 à 2022, son investissement se chiffrait à environ 9 milliards de dollars selon les chiffres du Magazine La Guardia. ERG affirme avoir généré plus de 1,6 milliard de dollars américains en impôts, dividendes et redevances, créé environ 10 000 emplois dans le pays et compte investir 2 milliards de dollars supplémentaires jusqu’en 2025.

« Hausser le montant de son engagement »

Si au ministère des Mines et Hydrocarbures du Lualaba on insiste sur « la mise en œuvre rapide de termes de l’accord pour le développement local », le Mwami Godefroid Munongo recommande à Boss Mining de « hausser le montant de ses engagements lorsque sa production augmentera ». Coiffé de son chapeau traditionnel rouge écarlate avec des motifs dorés, sa canne en main, le Mwami a salué le retour du « poumon de Kakanda », espérant pour sa population un « renouveau social, économique et de développement ».

Selon les informations de Mining and Business Magazine, lors des négociations des coûts du cahier de charges, 16 millions ont été voulus par les communautés locales contre 12 millions pour la société civile. Au final, Boss Mining et les communautés, en compagnie de la société civile, se sont entendues pour des investissements de 9 millions de dollars. Un comité de suivi, au sein duquel se trouvera l’administrateur du territoire de Lubudi, observera la mise en œuvre des dispositions du cahier des charges. ERG s’est engagé dans l’accompagnement de 43 communautés du Haut-Katanga et sa voisine, le Lualaba.

Selon les décomptes du ministère des Mines dans le Lualaba, fin aout, Boss Mining devenait la 28e entreprise minière qui a signé son cahier des charges avec les communautés locales sur un total de 31 entreprises minières dans la province. « Nous lançons incessamment des sanctions prévues dans la loi minière pour non-respect des dispositions prévues dans la loi minière relative à la réalisation du cahier des charges », avait prévenu le ministère des Mines du Lualaba. Pour Boss Mining, ces signatures des cahiers des charges en aout pourraient être la clé d’un redémarrage sans cesse retardé, telle une machine longtemps enrayée.

Iragi Elisha

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